En plus de marquer l'histoire de l'art du Québec, Ozias Leduc, Paul-Émile Borduas et Jordi Bonet ont laissé des traces de leur vie et de leur oeuvre à Mont-Saint-Hilaire. La visite des maisons dans lesquelles ils ont vécu fait partie d'une escapade estivale dans cette charmante municipalité située au bord du Richelieu.

Ozias Leduc

Né et enterré à Mont-Saint-Hilaire, Ozias Leduc (1864-1955) y a aussi passé sa vie et laissé une oeuvre monumentale: la décoration de l'église Saint-Hilaire.

Sa maison natale, construite vers le début du XIXe siècle, est l'une des plus anciennes de Mont-Saint-Hilaire. Avec sa charpente en pièce sur pièce et son toit à deux versants droits, elle représente bien les maisons rurales de l'époque. La modeste demeure était entourée d'un immense verger, dont la famille tirait sa subsistance.

C'est sur ce domaine, nommé Correlieu, que le peintre a fait construire son atelier. Ce bâtiment a été détruit par un incendie, mais on peut visiter, juste à côté, une autre maison dont Ozias Leduc a dessiné les plans. Il l'a ensuite vendue à son frère tout en conservant le droit d'utiliser l'atelier situé à l'étage. Des panneaux explicatifs dans les différentes pièces rappellent les grandes étapes de la vie et de la carrière de Leduc, qui était très engagé dans la vie de sa communauté.

En plus de peindre des portraits et des paysages, Ozias Leduc a conçu la décoration d'une trentaine de lieux de culte de l'est du Canada et des États-Unis. Inaugurée en 1837, l'église Saint-Hilaire était encore complètement dénudée quand on a retenu ses services en 1897. Après avoir dessiné les vitraux et les ornementations à peindre au pochoir sur les voûtes et sur les murs, Ozias Leduc a confié ces travaux à des artisans de la région. Tout en supervisant le chantier, il a peint dans son atelier 15 toiles illustrant entre autres les sept sacrements. Ces peintures ont ensuite été collées sur les murs de l'église, de même que 14 autres illustrant le chemin de croix. Pour que les paroissiens s'y reconnaissent, Leduc a subtilement incorporé aux scènes religieuses des feuilles d'érable et des chaises typiquement québécoises.

Classée monument historique depuis 1965, l'église Saint-Hilaire est un musée en soi. En plus des oeuvres de Leduc, il faut remarquer le bel orgue avec des tuyaux de bois et de métal, construit en 1856. Apparemment, ce serait le plus vieil orgue Casavant encore en état de marche.

Plusieurs bâtiments historiques, dont l'ancien couvent et l'école Sacré-Coeur, bordent les rues entourant l'église. L'une de ces rues conduit au cimetière où repose Ozias Leduc, tout près de l'entrée.

Paul-Émile Borduas

Chef de file des automatistes et cosignataire de Refus global, Paul-Émile Borduas (1905-1960) est un autre artiste dont on peut suivre le parcours à Mont-Saint-Hilaire. Sa maison natale est une propriété privée encore habitée, dont on peut tout de même voir l'extérieur (43, rue Saint-Henri). C'est là qu'il a passé les premières années de sa vie, quand il fréquentait l'école paroissiale et l'atelier d'Ozias Leduc, son premier professeur d'art.

On peut aussi voir la maison qu'il a conçue et habitée pendant sept ans, avec sa femme et ses enfants, sur le chemin des Patriotes. La maison, terminée en 1945, est d'une grande modernité pour l'époque. Avec une façade minimaliste, dissimulée derrière les arbres, la maison s'ouvre à l'arrière sur la rivière Richelieu.

De grandes baies vitrées permettent d'apprécier le paysage tout en laissant entrer la lumière à profusion. Au niveau du jardin, le sous-sol qui servait d'atelier accueille des expositions des artistes de la région.

En plus de penser les moindres détails de la maison, Paul-Émile Borduas a fait réaliser son mobilier à l'École du meuble. C'est ainsi que tables et fauteuils empruntent les lignes de l'Art déco, comme on l'enseignait à l'époque.

Bien conservée, la maison de Borduas possède un autre attrait historique. C'est entre ses murs qu'a été écrit en 1948 le manifeste Refus global. Sa publication a valu à Borduas d'être ostracisé et expulsé de l'École du meuble où il enseignait depuis 1937. Sa maison est alors devenue son refuge et il s'est tourné vers la peinture pour assurer la subsistance de sa famille.

Borduas a vendu sa maison de Mont-Saint-Hilaire en 1952 avant de quitter le pays et de connaître une grande période de création. Il est mort à Paris en 1960 et ses ses cendres ont été rapatriées dans le cimetière de Mont-Saint-Hilaire en 1989.

Jordi Bonet

Même s'il est né à Barcelone, Jordi Bonet (1932-1979) est une figure artistique importante de Mont-Saint-Hilaire, où il a passé les 10 dernières années de sa vie.

Considéré comme l'un des plus grands muralistes canadiens, il a réalisé entre autres la murale du Grand Théâtre de Québec et celle de la station Pie-IX du métro de Montréal.

Jordi Bonet a aussi contribué à sauver un joyau du patrimoine de la région en achetant le manoir Rouville-Campbell en 1969. Construit en 1832 par le seigneur René-Hertel de Rouville, et modifié quelques années plus tard par le major écossais Thomas Edmund Campbell, le manoir de style Tudor avait été abandonné dans les années 50. Avant même les premiers travaux de restauration, Jordi Bonet s'est installé avec sa famille dans la demeure principale et il a converti les écuries en ateliers. Il avait enfin l'espace nécessaire pour réaliser ses imposantes murales en ciment, béton, céramique ou aluminium pour lesquelles les commandes arrivaient de partout au Canada et aux États-Unis. Jordi Bonet voulait aussi donner au manoir une vocation culturelle et communautaire. Avec sa femme Huguette Bouchard, il a organisé des cours de dessin, peinture, céramique et sculpture de même que des expositions et diverses activités culturelles.

La ville compte plusieurs oeuvres de Jordi Bonet, dont une murale qui orne la devanture du Musée des beaux-arts de Mont-Saint-Hilaire. Les 12 céramiques qui composent l'oeuvre La nature en mouvement ont été intégrées au Pavillon Jordi-Bonet (centre communautaire).

Quant au manoir Rouville-Campbell, classé monument historique depuis 1977, il est devenu un bel hôtel avec 26 chambres spacieuses, qui allient modernité et histoire. Yvon Deschamps en a été propriétaire de 1996 à 2006. Noëlla et André Imbeau ont pris la relève avec l'aide de leurs trois filles. Le manoir est entouré de magnifiques jardins et sa terrasse au bord du Richelieu est idéale pour une pause-repas.