Le choix d'un établissement hôtelier s'appuie depuis toujours sur trois critères: l'endroit, le confort et le prix. Un quatrième taille sa place: les pratiques environnementales. De plus en plus de touristes se préoccupent de celles-ci. Et le marché québécois n'y échappe pas.

Le Holiday Inn Express de Saint-Hyacinthe pourrait devenir sous peu le premier hôtel certifié LEED au Québec, voire au Canada. Ouvert depuis janvier 2010, l'hôtel de 94 chambres a été bâti selon les critères du système d'évaluation des bâtiments durables LEED (Leadership in Energy and Environmental Design). Sa construction a coûté 10 millions, soit 10% de plus qu'un hôtel «ordinaire».

LEED se conjugue avec efficacité. «On économise 230 000 kWh d'électricité par année, soit 30 000$, et 1 million de litres d'eau, ou 35 piscines hors terre. Nos achats locaux limitent aussi l'émission de gaz à effet de serre», énumère le directeur général, Pierre-Gilles Gauvin.

«Un virage vert représente une excellente stratégie d'affaires pour les hôteliers: ils diminuent leurs coûts, ils réduisent leur empreinte écologique et ils améliorent leur image», affirme l'éditeur du site spécialisé Green Lodging News, Glen Hasek.

«Que les dirigeants soient motivés pour des raisons environnementales ou économiques, des initiatives sont intéressantes», dit Corinne Gendron, titulaire de la chaire de responsabilité sociale et de développement durable de l'UQAM.

Le vert n'est pas une nouvelle couleur en hôtellerie. Les initiatives ont débuté dans les années 90. L'industrie a mis le pied sur l'accélérateur il y a cinq ans, dit Glen Hasek. Et à fond de train.

Photo: fournie par le Holiday Inn Express de Saint-Hyacinthe

Une vue de l'intérieur du Holiday Inn Express de Saint-Hyacinthe, qui pourrait devenir sous peu le premier hôtel certifié LEED au Québec.

Plusieurs teintes de vert

Tout comme le bio en alimentation, les certifications pullulent en hôtellerie: Green Key, Green Leaves, Green Seal, Green Globe, Green Tourism, EcoRoom, EcoSuites, EarthCheck, etc.

Si le client risque de s'y perdre, «plus il y a d'hôteliers certifiés, mieux c'est pour l'environnement», croit Glen Hasek.

Deux ont la cote au Québec: Green Key (ou Clé verte), et RéserVert. Aujourd'hui, quelque 235 établissements d'hébergement ont au moins une certification verte. En 2005, on les comptait sur ses doigts.

Clé verte est née en 1997, dans la foulée du Sommet de la Terre de Rio de 1992. L'Association des hôtels du Canada (AHC) voulait «améliorer le rendement financier et environnemental» du secteur. Depuis 2005, l'hôtelier doit remplir un formulaire de 150 questions (ingénierie, restauration, entretien ménager, etc.) pour obtenir sa note, d'une à cinq clés. Plus de 1320 établissements au Canada, dont 178 au Québec, participent. Clé verte recense aussi 316 établissements à l'international.

L'Association des hôteliers du Québec (AHQ) a lancé RéserVert en 2007. L'idée? Accompagner l'hôtelier dans une démarche de développement durable. RéserVert promeut 140 actions environnementales, économiques ou sociales; comme établir le compostage, favoriser les achats locaux ou distribuer les surplus alimentaires. Chaque année, l'hôtelier doit implanter de nouvelles actions. De 30 membres en 2008, le programme est aujourd'hui passé à 71 membres.

La Corporation de l'industrie touristique du Québec (CITQ) visite les hébergements aux deux ans pour fixer leur nombre d'étoiles. Elle réalise depuis 2009 les audits pour Clé verte et RéserVert. «Ils bénéficient de notre crédibilité et on facilite leur pénétration», dit le directeur général de l'organisme, Michel Rheault.

Photo: Archives La Presse

L'Hôtel de l'Institut à Montréal a opté pour l'achat écoresponsable de matelas de lit.

Qui dit vert... dit client?

Clé verte et RéserVert riment avec réservations, croit le propriétaire du gîte Atmosphère à Montréal, Patryck Thévenard. Ses analyses révèlent qu'un client sur quatre a déniché son gîte de trois chambres grâce à Clé verte ou RéserVert. «Chaque établissement vert devient un ambassadeur écologique d'où il se trouve. Avec 5 clés vertes et RéserVert, j'ai le maximum de reconnaissance. J'ai aussi plus de poids auprès d'interlocuteurs», continue celui qui siège sur le conseil d'administration de l'AHQ, récupère l'eau de pluie, achète local et engraisse son compost.

Peu d'hôteliers chiffrent ainsi leur fréquentation. En général, les certifications vertes influencent peu l'achalandage. Parmi des critères de confort et de services, celui du tourisme durable se retrouve bon dernier, dit Michel Rheault.

La personnalité écoresponsable d'un hébergement aide surtout à fidéliser les clients, estime Louis Jolin, professeur en tourisme à l'UQAM.

«À établissement comparable et pour le même prix, les voyageurs disent préférer celui qui est vert, rapporte Serge Choinière, expert-conseil en tourisme au groupe IBI/DAA. Mais regardent-ils vraiment ce critère? Les bottines ne suivent pas toujours les babines!»

Les bottines des voyageurs d'affaires et des fonctionnaires, elles, suivent des directives. Les entreprises et les gouvernements à travers le monde multiplient les demandes pour des conférences et de l'hébergement écologiques. Washington, Ottawa et Québec font partie du lot. «Le potentiel est gigantesque. Les hôteliers doivent verdir leurs performances», affirme Glen Hasek. Il note cependant que ceux engagés négligent de détailler leurs actions sur internet. Une opportunité ratée de joindre les clients écoconscients et branchés.

Le Holiday Inn Express de Saint-Hyacinthe souscrit d'ailleurs à Clé verte pour figurer écoresponsable auprès d'agences de voyages et dans les répertoires gouvernementaux. Sa clientèle se compose à 80% de voyageurs d'affaires, dont le quart sont des fonctionnaires. Le directeur général est convaincu que le côté vert du nouvel hôtel attire et fidélise les clients. Combien? Trop tôt pour le dire.

«Les directeurs d'hôtels adorent Clé verte. C'est un excellent outil de marketing», dit Tony Pollard, président de l'Association des hôtels du Canada. L'AHC multiplie les partenariats pour que Clé verte soit reconnue. Ottawa, Québec et des sites d'agences de voyages tels Expédia et Travelocity font partie du lot. Chacun reconnaît des programmes verts et permet une recherche selon ce critère. Par exemple, 784 hôtels canadiens sur Travelocity, soit 28%, sont verts.

Le gîte de l'École buissonnière n'est pas LEED. Les coûts de chauffage et d'électricité ont néanmoins chuté de 30% grâce aux rénovations de l'ancienne école des Cantons-de-l'Est, calcule le propriétaire André Lapointe. Il juge «extrêmement important» de joindre les clients conscientisés. Clé verte augmente ses chances, dit celui qui verse 2% des revenus au groupe écologiste Équiterre.

«RéserVert et Clé verte nous distinguent des autres hébergements de la région. Mais elles nous apportent plus d'idées que de clients», constate la co-propriétaire de l'Auberge et Aventure Rêve Blanc à Mont-Laurier, Nathalie Tuveri. RéserVert nous permet d'avancer, dit-elle, en expliquant l'éclairage d'appoint fourni par des panneaux solaires.

«RéserVert se veut pédagogique. C'est plus une démarche citoyenne que marketing», indique Serge Choinière, maître d'oeuvre de la certification élaborée avec la Fédération québécoise en environnement. L'idée s'appuie sur la progression constante, dit la directrice générale de l'AHQ, Danielle Chayer. Le programme est révisé périodiquement. Le jour où, par exemple, tous les hôteliers recycleront, un nouveau défi pourrait remplacer cette action. Difficile ainsi de donner une note fixe, explique-t-elle. On est, ou pas, RéserVert. Le programme étant jeune, peu de partenariats existent.

Et les gîtes?

Les gîtes certifiés ne sont pas légion. RéserVert en compte deux et Clé verte en dénombre huit autres au Canada. Pourquoi? Les certifications ciblent les hôtels. L'adhésion coûte cher. La complexité des formulaires refroidit des propriétaires. La clientèle d'affaires est minoritaire. Mais il y a une ouverture: l'AHQ pourrait adapter RéserVert, dit Danielle Chayer.

N'empêche. Plusieurs gîtes participent. Le chauffage d'appoint de la Chocolatière d'Hatley, en Estrie, provient de trois panneaux solaires. Le couple propriétaire composte, prête des vélos, achète local. C'est le coût minimum de 350$ par année qui les rebute, explique Marie-Josée Pelletier.

Trop cher aussi pour les propriétaires écolos d'Au repos du bouleau, à Notre-Dame-du-Nord. Ils investissent par contre 510$ par année pour une certification en tourisme gourmand, le Gîte du Passant. Plus de visibilité qu'une certification verte, estime Francine Fallara. De son côté, Patryck Thévenard du gîte Atmosphère a abandonné celle-là au profit de Clé verte et RéserVert. «Une certification ou une autre demeure un choix marketing», observe Louis Jolin de l'UQAM.

Hébergements certifiés ou non, un nombre croissant d'établissements adhèrent aux principes verts. De quoi dormir la conscience tranquille.

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Rêves verts pour voyageurs d'affaires

Tous les ministères du Canada doivent adopter un «guide sur l'écologisation des réunions» d'ici mars 2012. Le Secrétariat du Conseil du Trésor fédéral exige l'intégration de considérations environnementales en matière d'hébergement. Québec n'émet aucune préférence, mais des ministères conscientisent leurs employés. Les répertoires gouvernementaux de tarifs préférentiels hôteliers distinguent déjà des certifications vertes.

Aux États-Unis, une politique mise en place en septembre prie les agences fédérales de choisir un établissement vert dans le cadre des déplacements de leurs quelque 2 millions d'employés. Celles-ci réservent 24 millions de nuitées d'hôtel par année, un marché estimé à 3 milliards.

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Trois hôtels verts

Le Baluchon

À l'hôtel Baluchon de 91 chambres, en Mauricie, des roseaux épurateurs filtrent les eaux usées. On reboise le domaine, y cultive des céréales et mise à fond sur des partenariats locaux, énumère le fondateur, Louis Lessard, biologiste de formation. Une entreprise régionale transforme d'ailleurs les huiles de cuisson en biodiesel.

Château Frontenac

Au Fairmont Château Frontenac, à Québec, on remplacera bientôt les thermostats électroniques par un modèle intelligent contrôlable lorsque les chambres sont inoccupées; un investissement de 325 000$ pour 618 chambres, indique Geneviève Parent, du service des communications. En attendant, les ruches d'abeilles du Château fournissent le miel pour les cuisines et la boutique.

Hôtel de l'Institut

À l'Hôtel de l'Institut à Montréal, on a opté pour l'achat écoresponsable de matelas de lit, rapporte sa directrice, Marie-Claude Simard. Ils coûtent 5% de plus, mais leur dessus amovible double la durée de vie du matelas. Les actions vertes modulent le quota de minutes du nettoyage des chambres. Car «tous les pas sont comptés!» rappelle Mme Simard. L'hôtel a participé au projet pilote de RéserVert.

Photo Guy Beaudet

Au Fairmont Château Frontenac, à Québec, on remplacera bientôt les thermostats électroniques par un modèle intelligent contrôlable lorsque les chambres sont inoccupées