Les grimpeurs en Outaouais commencent leur saison par une mauvaise chute: l'application du nouveau plan de conservation des écosystèmes du parc de la Gatineau réduit de 80% le nombre de voies autorisées sur l'escarpement d'Eardley. Paradis de la grimpe depuis 60 ans et pour quelque 350 adeptes aujourd'hui, cette faille qui délimite le Bouclier canadien est le seul site naturel de parois rocheuses d'escalade dans la grande région d'Ottawa.

Le microclimat de l'Escarpement et ses falaises de 300 m a favorisé le développement d'un écosystème unique où vivent des espèces en péril. La santé de cet écosystème, jugée acceptable mais précaire, inquiète la Commission de la capitale nationale (CCN).

La CCN souhaite donc «freiner un développement non contrôlé» (voir le court historique), estime Daniel Gagnon, président du comité d'experts externes du plan de conservation et professeur spécialisé en espèces rares à l'UQAM. «C'est quasiment extraordinaire que l'escalade y soit encore permise!», s'exclame-t-il.

Huit des trente sites d'escalade ont été évalués, détaille en entrevue Catherine Verreault, biologiste responsable de cet examen à la CCN. Valeur écologique, niveau de dégradation, potentiel de restauration et intérêt pour la récréation ont servi dans le calcul d'indicateurs. Mais les grimpeurs n'ont pas été impliqués dans l'évaluation: leur préférence importait peu face à l'obligation légale de protéger les espèces en péril, affirme-t-elle.

«On croyait avoir contrôlé notre impact qui est minime et circonscrit», dit Cindy Doyle, présidente du Club Alpin du Canada (section Outaouais), en énumérant des efforts de conscientisation et de discipline ou la pose d'ancrages fixes pour les cordes afin de protéger la nature. Or, le nouveau plan de conservation limite trop la variété des voies pour que les grimpeurs l'acceptent, juge Joséphine Hénault, membre de l'exécutif de la Coalition des grimpeurs d'Ottawa-Gatineau. Toutes deux déplorent le manque de communication de la CCN et citent en exemple le parc du Mont-Orford.

L'escalade y est-elle importante? «Non», répond la responsable de la conservation et de l'éducation du parc national du Mont-Orford, Claudia Lascelles. Elle explique: c'est une activité très, très marginale, à risque et que le parc ne souhaite pas mettre de l'avant. Mais puisqu'elle existe, l'activité est encadrée et le parc a même créé une table de concertation pour un couple de faucons pèlerins qui niche depuis peu sur une paroi.

La CCN dit pour sa part faire preuve d'ouverture en officialisant l'escalade sur le fragile escarpement et envisage de revoir son plan sous certaines conditions. La Commission prévoit des investissements importants pour aménager les lieux et compte sur la collaboration du milieu, occupé pour l'instant à grimper aux rideaux.

 

L'ACCÈS À L'ESCARPEMENT D'EARDLEY EN QUELQUES DATES

Avant 2005 L'escalade est tolérée sur l'escarpement d'Eardley. Le nombre de voies total varie selon les calculs, mais dépasse les 350.

Mai 2005 La Commission de la capitale nationale (CCN) dépose son plan directeur et projette de bannir l'escalade d'ici la publication du plan de conservation, à moins d'une entente intérimaire. Bousculés, les adeptes forment la Coalition des grimpeurs d'Ottawa-Gatineau. Les négociations autorisent finalement l'escalade sur 26 des 30 sites, pour environ 300 voies.

Mars 2010 La CCN publie son plan de conservation: l'escalade de glace est interdite, celle de rocher est concentrée sur deux sites, quatre parois, pour un peu plus de 40 voies. Le plan interdit aussi la motoneige, le deltaplane et restreint notamment les sentiers hors-pistes et l'équitation.

12 mai 2010 La CCN parlemente avec la Coalition et ajoute une paroi, pour une soixantaine de voies. Environ 35% sont pour débutants, 20% pour intermédiaires (majorité de la clientèle) et 45% pour experts. Satisfaite du début de dialogue, la Coalition estime néanmoins l'offre insuffisante et tente toujours de négocier.