Le jour où il n'y aura plus d'hiver au Québec, on trouvera encore de la neige dans la Réserve faunique des Laurentides, et des motoneigistes pour jouir des ces vastes espaces.

Près de 500 km de sentiers fédérés sillonnent l'immense territoire de la plus ancienne réserve faunique du Québec (1881), reliant la grande région de Québec au Saguenay-Lac-Saint-Jean, à la Mauricie et à Charlevoix. Toutefois, nombre de motoneigistes voient dans ses 7861 km² d'hiver, dans son réseau de 3000 km de chemins forestiers, dans ses panoramas montagneux qui culminent à 1219 mètres et dans ses 2000 lacs glacés, un terrain de jeu sans confins. «Le plus grand terrain de jeu hivernal au Québec», insiste le directeur de la réserve : Sylvain Boucher.

 

Les adeptes de motoneige hors pistes semblent de plus en plus nombreux au Québec et ils sont plusieurs à convoiter cet environnement grandiose. Mais soyons clairs dès le départ, il est formellement interdit de circuler en dehors des sentiers fédérés dans la Réserve faunique des Laurentides. «La loi sur les réserves fauniques est très claire», explique Sylvain Boucher. Il y a toutefois une exception à la règle concernant les motoneigistes munis d'un droit d'accès. Et ce droit n'est émis qu'à des entreprises compétentes, des locateurs, desguides et desspourvoyeurs, qui en font la demande à la SEPAQ. «Notre mission est de mettre en valeur le territoire de la Réserve et nous croyons que l'expérience motoneige qui peut s'y vivre est unique. Mais elle doit être bien encadrée, se dérouler en toute sécurité ainsi que dans le respect de la faune et de la flore.» NORD EXPÉ est l'une des entreprises qui ont la confiance de la SEPAQ.

Du jet à la motoneige

Pierre Challier a fondé NORD EXPÉ avec sa femme, Chrystel Martin, en adaptant son expérience de pilote de chasse dans l'Armée de l'air française à l'esprit de nos coureurs des bois contemporains. Il a littéralement troqué le bombardier Mirage pour un Bombardier Ski Doo. Avec lui, rigueur, sécurité, préparation minutieuse et compétence des guides s'allient à la passion de l'hiver, au plaisir et à l'aventure.

«Je connais la motoneige depuis mon enfance puisque je suis originaire des Alpes où nous y pratiquions ce loisir.» Après une retraite hâtive du pilotage, il découvre la motoneige sur la Côte-Nord et au Labrador. Ce spécialiste en intervention d'urgence qui s'est ensuite formé en tourisme d'aventure commence à y amener des visiteurs européens, si bien qu'il finit par passer deux mois par année au Québec. Une fois la retraite venue, il était évident qu'il se recyclerait dans le tourisme à motoneige au Québec. Pour trouver son nouveau pied-à-terre, il repère les municipalités les plus enneigées et trouve Sainte-Brigitte-de-Laval, au pied des hauts sommets de la Réserve faunique des Laurentides. Il y aménage en 2007 un magnifique châtelet en bois pièce sur pièce, de style scandinave, le gîte Aventure NORD EXPÉ, d'où partent les excursions vers la Réserve des Laurentides.

Deux jours en réserve

Le fait d'avoir traversé la Réserve faunique des Laurentides des centaines de fois ne permet pas de prétendre connaître ce territoire vaste et sauvage. Il faut s'évader de la route pour plonger dans sa magnificence hivernale et traverser les champs de neige vierge qui recouvre les glaces de ses lacs. On doit s'extraire du sentier pour explorer les milliers de ramifications de ses chemins étroits.

C'est ce que j'ai fait en roulant dans la trace de Dave Thomassin, un guide d'expérience qui a déjà réalisé le grand tour du Québec à motoneige et qui ouvrait la voie avec sa grosse machine au pont de 20 pouces. Dave flottait tout simplement sur l'épaisse couche de neige dans laquelle on enfonçait jusqu'aux cuisses en descendant de la machine. Rien ne l'arrête. Il fend le couvert nival avec une aisance déconcertante, faisant jaillir la neige sous les skis et valsant de droite à gauche comme un bateau sur la vague. On n'est pas obligé de faire de même, mais il demeure facile de suivre un ouvreur aussi doué, et rassurant de savoir qu'il a sur lui tous les instruments de sécurité possible : GPS, SPOT et téléphone satellite en particulier.

Nous nous sommes arrêtés au camp Giroux, qui compte une série de chalets de pêche récemment restaurés, où Pierre Challier recevra un groupe du monde des affaires. Il reste donc veiller aux préparatifs, alors que nous poursuivons sur le lac des Neiges qui fait 15 km de longueur.

Camp des ministres

Un autre camp de la SEPAQ, le pavillon Lac-des-Neiges, est aussi appelé le «camp des ministres», puisqu'il a accueilli plusieurs politiciens. Nous allons ainsi de lac en vallée, de forêt en montagne, jusqu'à l'auberge du Relais, près de l'Étape, seul lieu d'hébergement à l'intérieur de la Réserve. Malgré l'accueil affable de Jean-Paul Payne et la bonne cuisine de Carol Hansen, il n'en reste pas moins que le Relais est une auberge d'un autre temps, avec ses chambres austères qui n'ont pour seul décor que deux petits lits et ses salles de bain communes. Mais comme le relais affiche complet pour encore deux ans, avec la construction de l'autoroute Québec-Saguenay, il est encore loin le jour où la SEPAQ proposera une auberge de qualité aux motoneigistes.

Le temps affichait une grisaille menaçante lors de notre départ, le lendemain. Mais le couvert nuageux a fini par se fragmenter pour laisser voir le bleu du ciel dans toute sa splendeur. J'ai été carrément subjugué en arrivant au petit barrage de bois du lac Jacques-Cartier, alors que la neige éblouissante scintillait et que la lumière donnait des allures fantomatiques à une vieille cabane de bois rond abandonnée. Partout, la moindre branche, la moindre ramille était enveloppée d'une neige fragile. Les conifères croulaient sous d'épais habits blancs. Les falaises étaient couvertes d'une armée de fantômes opalescents au garde-à-vous, avec leur tête effilée. Je n'avais pas assez d'yeux pour admirer ce panorama divinement hivernal, dans toute son amplitude, dans toute sa majesté. La journée entière, je suis demeuré fébrile et émerveillé devant ce décor en perpétuel mouvement, sur des sentiers immaculés où nous gravions lentement la première marque, comme une signature parallèle aux traces du renard ou de l'orignal.

Lac Pikauba, lac Malbaie, lac Jacques-Cartier, nous n'avons couvert qu'une portion minime de la Réserve faunique des Laurentides. Dave flaire la piste comme le loup et se dirige d'instinct tout en évitant les secteurs sensibles où se trouvent des ravages de caribou ou d'orignaux. De retour au gîte, la journée se termine autour de la table avec Pierre et Chrystel ainsi qu'avec un jeune couple de Français qui m'écoute raconter cette expérience avec les yeux et le sourire de ceux qui vont enfin réaliser un grand rêve. Demain, ce sera leur tour.

À savoir :

Le gîte Aventure NORD EXPÉ compte cinq chambres et accueille un maximum de 15 personnes en offrant petit déjeuner et souper. L'entreprise n'héberge pas de motoneigistes de passage. Elle fait la location de motoneige, mais uniquement dans le cadre de randonnées guidées.

NORD EXPÉ : 996, avenue Sainte-Brigitte, Sainte-Brigitte-de-Laval. Tél. : 418 825-1772

www.nordexpe.com