Les Madelinots aiment bien raconter que leur coin de pays a été créé par erreur. Ils disent qu'au septième et dernier jour de la Création, satisfait de la perfection de son oeuvre, Dieu s'est épousseté les bras; les quelques grains de poussière qui sont tombés dans le golfe du Saint-Laurent, rebuts nobles de toutes les merveilles du monde, ont créé l'archipel tel qu'on le connaît. Voilà pour l'explication religieuse.

Pour l'explication scientifique, c'est un peu plus compliqué: il y a environ 320 millions d'années, des sédiments rocheux se sont déposés sur une immense couche de sel. Sous la pression de ces milliards de tonnes de sédiments, le sel, plus malléable que la roche, est peu à peu remonté à la surface, créant une succession de buttes et de collines. C'est de cet heureux mélange de roche et de sel, combiné à des milliers d'années d'érosion, qu'est né le spectaculaire paysage madelinot, où se succèdent les falaises de grès rouge et les longues dunes de sable. Mais bien en dessous de la terre ferme, au fil des millénaires, la force de la marée a aussi créé d'intrigantes grottes en diluant peu à peu les poches de sel encastrées dans le grès rouge.Kayak ou combinaison isothermique

À bord d'un kayak ou d'un radeau pneumatique (et coiffé d'un bon casque), on peut visiter les plus grandes de ces grottes sans même se mouiller. Mais les plus téméraires préféreront explorer plus intimement les entrailles de l'archipel. Pour une quarantaine de dollars, le club de vacances La Salicorne, de Grande-Entrée (à l'extrémité est de l'archipel), propose une visite de près de deux heures, au cours desquelles on visite une demi-douzaine de ces grottes. Pour ce prix, l'équipe de la Salicorne vous fournit une épaisse combinaison isothermique, un casque, une veste de flottaison et trois guides qui connaissent plutôt bien leur affaire.

L'aventure, qui se vit en groupe de 10 à 15 touristes, commence par la visite d'une grotte étroite et tranquille, question de se mettre en confiance. Viennent ensuite des grottes plus difficiles d'accès, dont une où il faut se faufiler en rampant dans le noir dans un conduit étroit de cinq ou six mètres.

Dans chaque caverne, l'expérience est très différente. Dans l'une, la beauté des contrastes entre l'ombre et la lumière éblouit. Dans l'autre, c'est le travail abstrait de la marée sur la roche qui épate. Ce travail d'érosion, qui modifie le paysage d'une saison à l'autre, crée parfois d'étonnantes formes rocheuses, qui se comparent aisément à des animaux.

Faune marine

Durant toute la visite, les guides en profitent pour faire un peu d'écotourisme et faire découvrir la faune marine aux participants. Lors de mon passage, l'un d'eux a réussi à attraper un gros crabe qui se baladait au fond de l'eau. Tout le monde a pu le regarder et le toucher. L'intérêt a été, disons, un peu moins grand lorsque son collègue a remarqué à proximité un immense soleil de mer, une méduse dont le contact brûle la peau.

Aussi ludique soit-elle, la visite des grottes se transforme par moments en un exercice physique assez intense. D'abord, parce qu'il faut apprendre à nager avec une combinaison isothermique et une veste de flottaison (on comprend vite que c'est sur le dos et à reculons qu'on avance le plus vite), mais aussi parce que la force des vagues est redoutable. Dans une des dernières grottes visitées, un ressac m'a littéralement expulsé vers la mer. Il m'a fallu deux essais pour arriver à rentrer dans un petit tunnel rocheux à moitié submergé. "N'essaie pas de te battre contre les vagues. Même si tu pesais une tonne, c'est toi qui perdrais", m'a lancé notre guide avec son fort accent madelinot.

Sous la terre des Îles-de-la-Madeleine, les marées ont créé des grottes qu'il est possible d'explorer en kayak ou en radeau pneumatique sans se mouiller. Les plus téméraires peuvent tenter l'aventure vêtus d'une combinaison isothermique et coiffés d'un casque.