C'est bien simple: il y a cinq ans, en revenant de mon périple le long de la «Evangeline Trail», sur la côte nord-ouest de la Nouvelle-Écosse, je me suis dit que le seul autre endroit où j'aimerais vivre au Canada, c'est là!

Cette belle province aux allures de long bateau flottant sur l'océan Atlantique, avec pour proue le cap Breton et pour poupe la ville de Yarmouth, abrite la magnifique région de la baie Sainte-Marie (où vit la grande majorité des Acadiens néo-écossais), de même que la baie de Fundy et le bassin Minas, tous reliés par la route Évangéline. Et franchement, c'est tant pour la beauté incroyable des lieux que pour le charme fou de ses Acadiens que la Nouvelle-Écosse m'est entrée direct dans le coeur.

 

Afin d'en apprécier toute la grâce, il faut absolument emprunter la «vieille» route no1, panoramique, qui traverse de petits villages ravissants et des paysages d'un vert hallucinant, baignés par la vaste baie de Fundy et le ciel partout ailleurs. Les Acadiens néo-écossais sont 40 000 (sur deux millions d'habitants) et ils sont... partout! Car, bilingues, curieux et dotés de ce qu'il faut bien appeler une joie de vivre inoxydable, ils travaillent sur l'ensemble de l'île, aussi bien à Halifax qu'à bord du train de Via Rail qui relie Montréal à la capitale néo-écossaise ou, bien sûr, le long de la route Évangéline.

Gens plaisants, donc, mais aussi plaisirs pour tous les gens, sur l' «Evangeline Trail». On peut faire du rafting de marée sur des Zodiac soulevés par le «mascaret» (une brusque surélévation de l'eau dans la baie) à Maitland ou à Shebenacadie, à moins qu'on ne préfère y observer les baleines ou les oiseaux. On peut aussi s'arrêter dans les dizaines de petites boutiques... surtout si elles affichent le logo «Ici, on parle français», car cela signifie qu'il s'y trouve au moins un Acadien! Ou on peut manger de la râpure et du fricot acadien (euh, étonnants, il faut le dire...) ou des poissons frais pêchés, notamment à Grosses Coques, au très chaleureux café Chez Christophe. Ou visiter le Musée acadien à Pubnico - c'est là que j'ai appris à tailler des «pegs», c'est-à-dire les petites chevilles de bois qu'on insérait dans les pinces des homards, avant l'invention des bandes élastiques!

Et j'ai craqué pour le très beau jardin d'Annapolis Royal, et souri beaucoup en dégustant les vins du vignoble Domaine de Grand-Pré, et sérieusement tripe en écoutant la jeune guide de l'église Sainte-Marie de Pointe-de-l'Église m'expliquer que le bel orgue Casavant aurait coûté un dollar aux habitants et que le maître-autel, venu de France, aurait été, lui, transporté par un contrebandier natif de l'endroit, afin que la communauté ne paie pas de taxes. Est-ce que c'est vrai? Qu'importe! C'est l'anecdote, le sourire, l'accent et l'humour qui priment toujours, sur la route Évangéline.

Et parlant d'Évangéline... Je n'oublierai jamais l'arrêt à Grand-Pré, où seraient nés l'héroïne acadienne et son beau Gabriel (inventés en fait par le poète américain Longfellow). Dans la vraie vie, c'est là que, en 1755, furent enfermés dans l'église du village, puis dans des bateaux, tous les Acadiens mâles âgés de 10 ans et plus, pour être ensuite déportés. Aujourd'hui, il ne reste rien du village, complètement incendié par l'occupant britannique, si ce n'est quelques saules et les vestiges des digues de tourbe fabriquées par les Acadiens d'alors, le long des berges. Mais dans ce qui est devenu désormais le très verdoyant Lieu historique national de Grand-Pré, on peut voir une croix de Herbin faites avec des pierres des maisons incendiées et une statue d'Évangéline dont le visage semble vieillir quand on le regarde de droite à gauche...

Mais surtout, on y trouve une petite église commémorative. À midi, quand le soleil en frappe le vitrail, un reflet rouge sang semble déchirer la liste des noms des familles déportées, affichée sur un des murs. C'est là, pendant un moment, le long de la route Évangéline, que j'ai pleuré...

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