Je ne sais pas à quoi ressemblait le Canada quand Jacques Cartier est débarqué, mais lorsque je suis arrivée dans l'île de Vancouver, c'est à lui que j'ai pensé. À lui et à tous ceux qui ont avancé un jour, jadis, sur nos terres infinies, vierges et vertes. Au tout début.

Avec ses sources chaudes surgissant du sol toutes en douceur pétillante, ses loups et ses baleines, ses phoques et ses étoiles de mer violettes comme les bandeaux que les enfants portent aux fêtes foraines, l'île nous donne l'impression de reculer dans le temps. De revenir un peu plus près du jour où les explorateurs ont ouvert les yeux pour la première fois devant ce monde où les forêts sont hautes comme des cathédrales tandis que les ours attendent en gang les saumons remontant des rivières déchaînées à la façon des ouragans.

 

D'Ucluelet à Port Hardy, cette île est belle comme une Amazonie nordique qui aurait donné congé à ses perroquets pour accueillir des aigles chauves, quelques bûcherons et deux ou trois hippies.

On dit que c'est en hiver, par temps de tempête, qu'il faut voir l'île parce que sur son flanc ouest, on s'y installe au chaud, à l'abri, devant de grandes baies vitrées, pour regarder l'océan s'emporter avec des airs de fin du monde. Un spectacle essentiel.

Mais l'été aussi compte son lot d'extrêmes. Des vagues folles qui font peur aux marcheurs des parcs longeant le Pacifique. Des balades sous des sapins de Douglas aux proportions pharaoniques. Des face-à-face incongrus avec daims et wapitis ou alors, des balades en kayak en compagnie d'orques venus traîner dans les eaux de Clayoquot Sound.

L'île de Vancouver est couverte d'une nature qui prend sa place, même si les coupes de bois et le développement ne la laissent jamais tranquille, elle non plus. On dit, dans les tropiques, qu'il ne faut jamais laisser de terre sous ses ongles, de peur qu'un palmier y pousse. On pourrait tout autant faire rire les touristes, de Nanaimo à Port Alberni. Cette île donne envie de puiser dans la terre et de grandir nous aussi.