Les Québécois ne sont peut-être plus aussi pieux qu'avant, mais ils ne semblent pas vouloir perdre une tradition, celle du pèlerinage. En un peu plus d'une décennie, au moins six longs sentiers de pèlerinage ont vu le jour au Québec. La Belle Province est-elle en train de se transformer en petit «Compostelle» du Nord?

Cet été, un nouveau sentier, Notre-Dame-Kapatakan, s'ajoute à l'offre de pèlerinages au Québec. Ce nouveau trajet relie, en 12 étapes, la fameuse statue Notre-Dame-du-Saguenay, qui surplombe le fjord à Rivière-Éternité, jusqu'à l'Ermitage Saint-Antoine du Lac-Bouchette, au sud-ouest du lac Saint-Jean. Une longue marche de 215 km, traversant villes, villages et montagnes.

 

Les deux instigatrices du projet, Sylvie Cimon-Beaudet et Florence Masson, veulent faire du Kapatakan (mot innu signifiant sentier) un petit «Compostelle» régional. «J'ai fait le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle deux fois et à mon retour, les gens me disaient: pourquoi on n'a pas un tel sentier de pèlerinage ici? Je me suis donc donné comme mission d'en créer un», raconte Sylvie Cimon-Beaudet.

Ses prières ont été exaucées. Après cinq ans de démarche, le sentier sera donc balisé cet été et on y trouvera, l'an prochain, des panneaux d'interprétation. «C'est un produit touristique qui va aider à faire connaître la culture, l'histoire, la nature et le patrimoine religieux de notre région», dit fièrement Mme Cimon-Beaudet. Son inauguration officielle aura lieu le 8 juin au parc national du Saguenay.

À l'instar du sentier Kapatakan, la plupart des sentiers de pèlerinage au Québec sont développés par des vétérans de Compostelle qui ont été transformés par cette expérience.

Le pionnier

Créé en 1998, le chemin des Sanctuaires est le pionnier des sentiers de pèlerinage au Québec. Son créateur, Denis LeBlanc, est un policier à la retraite ayant marché les 1800 km séparant Paris de Saint-Jacques-de-Compostelle. À son retour, son idée d'un Compostelle québécois a fait rapidement boule de neige. Depuis, une centaine de pèlerins marchent chaque été les 375 km séparant l'oratoire Saint-Joseph, à Montréal, de la basilique Sainte-Anne-de-Beaupré, en empruntant les deux rives du fleuve et en passant par le sanctuaire Notre-Dame-du-Cap, à Trois-Rivières.

Qui sont ces gens qui prennent le bâton de pèlerins? Chose certaine, ce ne sont pas des fous de Dieu qui marchent dans un esprit de sacrifice! «La raison de participer à un pèlerinage varie grandement d'une personne à l'autre. Les marcheurs le font autant pour accomplir un défi sportif que par intérêt pour l'histoire et la culture ou encore comme quête spirituelle», affirme Lise Doyon, coordonnatrice de la portion Montréal-Sainte-Anne-de-Beaupré du chemin des Sanctuaires.

Règle générale, les pèlerins, surtout des retraités, sont avant tout des adeptes de la marche. C'est le cas de Pierre Charlebois, qui a déjà plusieurs pèlerinages au Québec à son actif, ainsi que Compostelle. La religion, très peu pour lui.

«Au cours des pèlerinages, on vit dans un monde idéal, sans responsabilités, en faisant d'incroyables rencontres. Le plus difficile, c'est de revenir à la réalité «, confie-t-il. Selon lui, on devient vite accro de ce mode de voyage.

Au fil des années, le chemin des Sanctuaires a fait des petits. En 2005, il s'est allongé vers l'ouest avec la création du chemin des Outaouais, qui sillonne, à partir d'Ottawa, les deux rives de la rivière des Outaouais jusqu'à l'oratoire Saint-Joseph, en passant par Notre-Dame-de-Lourdes, à Rigaud.

En 2006, on a aussi créé le chemin des Sanctuaires, à Montréal, un trajet de 60 km qui permet de voir 50 églises et sanctuaires de différentes confessions, en traversant de nombreux quartiers de la métropole. Et puis, en 2008, une autre branche a vu le jour, le chemin des Navigateurs, qui part de Pointe-au-Père, près de Rimouski, jusqu'à Sainte-Anne-de-Beaupré, une marche de 21 jours en longeant le fleuve.

Dans ces sentiers, l'hébergement se fait dans des communautés religieuses, dans des centres communautaires ou chez des familles, au coût modique de 10$ par nuit (excluant les repas). Vu le nombre de places limitées, les inscriptions sont obligatoires. Les départs sont limités à quatre ou six par jour pendant une période de temps.

Malgré la difficulté du pèlerinage - marcher des kilomètres et des kilomètres sur du bitume, en plein soleil, n'a rien d'une sinécure -, les adeptes sont au rendez-vous.

«Le jour de l'inscription, les gens ont commencé à nous téléphoner à minuit pour avoir une place. On a maintenant une liste d'attente pour 2010!» affirme Carl Rioux, secrétaire au chemin des Navigateurs.

 

Les principaux sentiers de pèlerinage au Québec

Chemin des Sanctuaires Créé en 1999 Trajet: de l'oratoire Saint-Joseph jusqu'à la basilique Sainte-Anne-de-Beaupré Distance: 375 km - Durée: 18 jours

Chemin des Outaouais Créé en 2005 Trajet: de la cathédrale Notre-Dame d'Ottawa à l'oratoire Saint-Joseph Distance: 230 km - Durée: 12 jours

Chemin des Sanctuaires (dans l'île de Montréal) Créé en 2006 Trajet permettant d'admirer 50 églises et sanctuaires Distance: 60 km - Durée: 6 jours

Chemin des Navigateurs Créé en 2008 Trajet: de Pointe-au-Père (près de Rimouski) jusqu'à Sainte-Anne-de-Beaupré Distance: 400 km - Durée: 21 jours

Sentier gaspésien Terre et Mer Créé en 2006 Itinéraire 2009: Cap-Chat jusqu'à Gaspé Distance: 164 km - Durée: 10 jours

Sentier Notre-Dame Kapatakan Créé en 2009 Trajet: de Rivière-Éternité jusqu'à Lac-Bouchette Distance: 215 km - Durée: 12 jours