Le secret était connu de quelques initiés seulement. Le Massif offre maintenant au grand public une petite partie de ce trésor: son magnifique domaine hors piste.

Un nouveau versant de la montagne situé au nord du télésiège Camp Boule Express est maintenant balisé et légèrement déboisé, prêt à recevoir les dévots de la poudreuse.

Lors de mon passage, à la mi-février, 48 heures de tempête avaient laissé pas moins de 100 centimètres de neige sur les 600 mètres de dénivelé. Un pur bonheur.

«Ne vous gênez pas pour crier», suggère François Piché, coordonnateur des relations de presse de la station. Difficile en effet de rester silencieux quand on fonce à toute allure dans un mètre de guimauve.

Pour accéder au paradis, le skieur ne se soumet qu'à 30 minutes de purgatoire. Après l'ascension en télésiège, il n'a qu'à chausser ses peaux de phoque pour atteindre rapidement le sentier des Caps, une piste bien connue des amateurs de ski de fond.

De là, trois «portes d'entrée» permettent de rejoindre le domaine hors piste, autant de chances de tomber sur de la neige vierge. C'est tout un luxe si l'on considère que dans les monts Chic-Chocs, en Gaspésie, autre éden du ski touring, il faut ahaner durant plusieurs heures avant d'arriver au sommet. Au Massif, la descente commence par un pitch de 300 mètres entre les sapins. Les virages sont juste assez serrés pour garantir un petit frisson.

Bien que les flocons aient cessé le matin même, plusieurs tracés apparaissent déjà dans la neige: les skieurs les plus prévoyants ont en effet pris le secteur d'assaut avant nous, pendant la tempête. En s'éloignant un peu vers les extrêmes de la piste, notre guide trouve toutefois une longue «talle» de neige fraîche, à la surface parfaitement plane, intacte. Là, la magie de la glisse peut s'exercer. «Sers-toi», nous dit le guide. Oui, wow!

Bien sûr, les skieurs experts se sentiront les plus à l'aise de quitter l'environnement rassurant des pistes damées. Mais les moins doués peuvent aussi y trouver du plaisir. Suffit d'y aller à son rythme et d'oublier les considérations de style. Si un peu de chasse-neige s'avère nécessaire, eh bien, pourquoi pas? L'important, évidemment, est d'éviter les arbres.

Un second intermède nous amène à l'entrée de l'Érablière, où nous glisserons entre les feuillus avec le fleuve pour diaporama. Pour s'y rendre, il faut rechausser les peaux de phoque, ajuster les fixations débrayables et enlever une couche de vêtements. Fastidieux? Non. L'exercice permet plutôt de souffler un peu, boire une gorgée d'eau, et commenter la dernière descente. Ça fait partie du plaisir, comme on dit.

Le ski touring, c'est la «dernière tendance», affirment toutes les revues spécialisées. Michel Bisson, consultant pour le développement du domaine hors piste au Massif, confirme: «Ça convient à une nouvelle clientèle qui cherche un juste équilibre entre le plein air et les plaisirs de la glisse», dit-il.

«Ça convient aussi aux stations: le vieillissement de la population réduit le bassin de skieurs. Les centres se demandent donc comment développer la montagne sans dépenser pour de gros travaux.»

Enfin, le ski hors piste plaît aux écolos parce qu'il n'utilise pas de neige artificielle et empêche l'érosion des sols liée au déboisement.

Le sport a toutefois mauvaise presse depuis qu'une skieuse montréalaise est décédée, le mois dernier, après s'être égarée dans le secteur hors piste de la station Kicking Horse, en Colombie-Britannique. Au Massif, le balisage des sentiers par du ruban fluorescent réduit les risques.

Lorsqu'on arrive au bas de L'Érablière, un mince sentier nous ramène en glissant vers le secteur damé de la station. C'est tout un choc que de revenir à la civilisation... Vivement les sous-bois!