Des montagnes presque vierges, et des vignes à perte de vue. Une vallée submergée, voisine de l'océan Pacifique. La région de Marlborough, située dans le nord de l'île du Sud, en Nouvelle-Zélande, se voit comme la Napa Valley de l'hémisphère austral. Et pourquoi pas ? Les attraits gastronomiques et géographiques de la plus grande région production de vin de la Nouvelle-Zélande sont nombreux.

Moins de 30 000 personnes vivent à Blenheim. Mais cette petite ville est malgré tout la plus importante de la région de Marlborough, encore essentiellement rurale. Aux touristes fraîchement débarqués, les Néo-Zélandais se font un plaisir de rappeler qu'il y a 30 ans, les plaines et collines près de Blenheim ne comptaient aucun vignoble. Aujourd'hui, les éleveurs de moutons et les agriculteurs ont troqué les pâturages et les champs d'asperges contre les vignes.

C'est le sauvignon blanc qui a mis les vins de la Nouvelle-Zélande, en général, et ceux de la région de Marlborough, en particulier, sur la carte.

Le climat y est sec et ensoleillé, les hivers froids et les étés chauds, mais toujours tempérés, grâce à la proximité de l'océan Pacifique: un condensé magique, répètent les viticulteurs avec fierté.

Forte des premiers succès, il y a 30 ans, de son sauvignon blanc, l'industrie du vin a pris son essor. Aujourd'hui, les vignobles de Marlborough veulent aussi être reconnus pour leur chardonnay, leur pinot noir et leur riesling.

«Notre industrie est encore jeune, dit Simon Waghorn, vigneron de la maison Astrolabe. On peut tout essayer, expérimenter: c'est une aventure. Et on apprend vite.»

Plus de 75% du vin néo-zélandais est produit dans la région de Marlborough. Tout naturellement, les vignobles sont devenus un attrait touristique. La région a d'ailleurs ses deux festivals de vin : l'un pour l'industrie (en octobre) et l'autre pour le grand public (en février).

La gastronomie a emboîté le pas et Marlborough, avec ses paysages sauvages et majestueux, se voit comme la Napa Valley d'il y a 30 ans. Chic? Peut-être. Mais surtout simple, chaleureuse et décontractée.

Les grands domaines...

Avec plus d'une centaine de domaines et vignobles, les points d'intérêt sont nombreux, et les possibilités infinies. L'office du tourisme de Marlborough suggère plusieurs itinéraires. Et on peut opter pour le vélo - les routes (sans nid-de-poule!) sont larges, et parfois dotées de pistes cyclables. Mais si l'on veut couvrir une plus vaste distance pour prendre la mesure de toute la diversité des vignobles, la voiture reste la meilleure des options.

Et plusieurs arrêts s'imposent.

Le premier, chez Yealands Estate. À Blenheim, Bill Yealands, est une figure locale. Cet homme d'affaires natif de la région a fait fortune dans le traitement des déchets, mais il a décidé, il y a plusieurs années, de se lancer dans la viticulture. Il a racheté des terrains pourtant pentus, et, défiant toutes les mises en garde qui lui avaient été faites, y a planté ses vignes, il y a 10 ans.

C'est le plus grand domaine viticole appartenant à un particulier dans toute l'hémisphère Sud. Non content de s'être imposé chez les vignerons de Marlborough, Bill Yealands revendique le titre de domaine le plus vert du monde. L'eau de pluie y est entièrement récupérée, l'électricité est produite par des éoliennes, ce sont des moutons qui ont la tâche de couper l'herbe entre les vignes. Énergétiquement, le domaine est presque autosuffisant.

Aujourd'hui, le domaine de Bill Yealands s'étend sur plus de 1000 hectares, dominant par endroits l'océan Pacifique. En haut des falaises, la vue est à couper le souffle.

De retour dans les terres, en quittant le littoral, Brancott Estate est un deuxième arrêt incontournable. La maison, qui s'est lancée en premier dans l'aventure du sauvignon blanc, a été rachetée par Pernod-Ricard. Difficile donc d'échapper à ce vignoble, qui vient d'inaugurer un restaurant au décor très contemporain, tout en vitres, au sommet d'une colline: le Heritage Centre. La table est réputée, mais on peut aussi s'y arrêter pour une séance de dégustation.

...et les plus petits

À côté des poids lourds du vin, certains domaines font preuve de plus sobriété, en contrepoids à la démesure et au gigantisme.

C'est le cas de la maison Auntsfield, qui se spécialise dans le chardonnay, le sauvignon blanc et le pinot noir. On peut s'arrêter pour une dégustation en plein décor champêtre. Ici, l'ambiance - comme l'accueil - est restée très conviviale et familiale.

Dans le domaine du Clos Henri, la petite église de bois disposée au milieu des champs est bucolique à souhait. Originaire de la Loire, en France, la famille Bourgeois propose une expérience à mi-chemin entre la tradition de la vieille et lointaine Europe, et l'originalité du Nouveau Monde. On peut savourer son pinot noir ou son Sauvignon blanc autour d'une assiette de fromages et terrines françaises au café du Clos Henri. Dépaysant.

Mais notre coup de coeur reste la maison Herzog. C'est un vignoble à taille humaine - chaque grappe y est cueillie à la main - et aussi un restaurant, une cave, un bistrot et un gîte : le couple Herzog loue une petite maison restaurée avec charme dans ses vignes.

Dire d'Hans Herzog qu'il aime le vin est un euphémisme. La famille de ce Suisse d'origine est productrice, depuis 1630, dans la région de Zurich.

Avec sa femme Thérèse, Hans Herzog a choisi de s'expatrier par amour du vin, et pour retrouver une liberté, qui, dit-il, manque cruellement à l'Europe. Le couple, qui était propriétaire d'un restaurant étoilé, a choisi Marlborough pour son climat et son terroir exceptionnel.

Ils ont amené avec eux leur savoir-faire, mais aussi tous les meubles de leur restaurant suisse: c'est un bout de l'Europe, à l'autre bout du monde.

Imposant bonhomme, Hans Herzog choisit soigneusement les vins qu'il veut produire (aux côtés des traditionnels pinot noir et sauvignon blanc, il propose aussi arneis, barbera, tempranillo et zweigelt). Il refuse de sacrifier au commerce la qualité de ses crus.

«Pour la plupart des gens, le vin, c'est un commerce. Mais nous, nous sommes venus pour établir une tradition. Tout est fait à la main : les grappes cueillies se retrouvent 15 minutes dans le presseur. On travaille très fort», explique-t-il.

Les vallées submergées

Après avoir quitté Blenheim, une quarantaine de kilomètres plus loin, le décor est tout autre. Dans le petit port d'Havelock, on embarque à bord d'un bateau pour découvrir les célèbres vallées submergées (les «Marlborough Sounds»).

Le réseau fluvial est vaste. À bord du bateau, on se laisse bercer par les eaux presque turquoise et les paysages qui semblent vierges.

Il y a un siècle, les vallées étaient très prisées des agriculteurs, puis des chercheurs d'or. Dur à croire tant peu de construction entourent les plages et les criques.

Aujourd'hui, les vallées accueillent quelques fermes de moules vertes, l'autre spécialité locale, avec le vin. Certains circuits de bateau marient dégustation de moules et de sauvgignon blanc: une expérience mémorable.

Enfin, on peut aussi passer une nuit dans l'un des hôtels (lodges), notamment le Raetihi Lodge, accessible seulement par bateau (water taxi).