Bercée par les légendes, Huahine est un peu le Saint-Élie-de-Caxton de la Polynésie française. Et mon guide Firmin en est le Fred Pellerin.

Né à Huahine et déterminé à y vivre jusqu'à la fin de ses jours, Firmin m'a raconté les fascinantes légendes de son île. Comme celle du coq dont la tête a été coupée et qui explique pourquoi les coqs polynésiens chantent maintenant à toute heure du jour et de la nuit. Il m'a aussi fait voir des formes dans les montagnes, entre autres celle de la femme enceinte allongée, aussi bien que des pierres gravées qui corroborent ses dires. Ses connaissances ne lui viennent pas des livres. Elles lui ont été transmises par ses parents et ses grands-parents.

 

Avec moins de 6000 habitants, Huahine n'est qu'à 40 minutes de vol de Tahiti et à 15 minutes de Bora Bora. Cette petite île de l'archipel de la Société perpétue plusieurs coutumes ancestrales. Par exemple, le placenta de chacun des bébés de l'île est enterré dans le jardin familial et un arbre est planté à cet endroit. Ce sera ses racines.

Au rythme du soleil

Les habitants vivent au rythme du soleil et des marées. Dès 5 h, les agriculteurs s'installent en bordure du port de Fare, village principal, pour vendre fruits, légumes, vanille (la meilleure de toute la Polynésie, dit-on et poissons du lagon.

En fin d'après-midi, c'est au tour des pêcheurs au gros d'offrir leurs prises de la journée sous les amandiers. Les acheteurs vont aussitôt nettoyer leur poisson sur le rocher à gauche du port. Cela se fait dans la bonne humeur et en toute simplicité. Tout comme le boulanger qui fait le tour de l'île chaque jour pour distribuer le pain.

Situé au pied du mont Turi, le village est joli avec ses maisons de teintes pastel, entourées de jardins fleuris. Un contraste frappant avec les vagues qui se brisent sur la barrière de corail et le vert foncé des arbres qui recouvrent les deux massifs montagneux de l'île.

Il y a plusieurs maisons bleues. «Ce n'est pas anodin, dit Firmin. Le bleu est la couleur de l'indépendance.» Et ceux qui rêvent de couper les liens avec la mère patrie sont nombreux dans cette île qui a toujours été considérée comme rebelle. Les habitants de Huahine n'ont obtenu la citoyenneté française qu'en 1946, après avoir longtemps résisté à une annexion avec la France.

Premier producteur de pastèques et de melons de Polynésie, Huahine s'est lancée avec succès dans la culture de la vanille depuis quelques années. Tout le long de la route, de petits producteurs proposent une visite de leur vanilleraie. Ce sont habituellement les femmes qui reçoivent les visiteurs pendant que les hommes sont à la pêche ou dans les champs.

Tout faire

«Pour survivre, on est obligés de tout faire», dit Firmin, qui, en plus d'être guide, fait aussi de la pêche, de la mécanique, de la construction, cultive des légumes et fait de la broderie. «Ce n'est pas pour me vanter, mais je suis très bon en broderie.» Toutes ces occupations lui ont permis de faire vivre ses 12 enfants, dont la majorité sont encore aux études.

Après avoir fait quelques arrêts dans les vestiges des marae (lieux de culte qui se succèdent en bord de mer), admiré la baie de Maroe à partir du belvédère et visité les pièges à poissons en pierre volcanique du village lacustre de Maeva, Firmin voulait me surprendre. «Nous avons aussi des anguilles sacrées», s'est-il exclamé. Des anguilles géantes aux yeux bleus que vénèrent les habitants de l'île.

«Quelle est la couleur habituelle des yeux des anguilles?» ai-je demandé. «Je n'en ai pas la moindre idée, j'ai toujours vu des anguilles aux yeux bleus!»

Anguilles aux yeux bleus

Plusieurs enfants étaient déjà en train de nourrir les anguilles lorsque nous sommes arrivés sous le pont. À voir leur fascination et le respect voué à ces anguilles qui ont fait la renommée du village de Faie, j'ai compris qu'il n'y avait aucun risque qu'elles se retrouvent dans une assiette.

Il n'y a jamais foule à Huahine, sauf quand un paquebot de croisière accoste au port, ce qui est plutôt rare. L'île ne compte qu'un seul hôtel de luxe, le Te Tiare Beach Resort. Avec sa quarantaine de bungalows, il est caché dans une petite baie, accessible uniquement par bateau, à 10 minutes du village de Fare.

Dans les dernières années, on a construit plusieurs maisons qui sont louées à la semaine. Quelques pensions de famille et des terrains de camping accueillent aussi les touristes à la recherche d'authenticité et de végétation sauvage.

Les frais de ce séjour ont été payés par Tahiti Tourisme. Air Tahiti a assuré le transport.