C'est une terre qui a vu naître et errer le Christ. C'est aussi un haut lieu du conflit le plus médiatisé de la planète depuis plus de six décennies. Pourtant, le voyageur étranger peut se balader en Cisjordanie sans trop de problèmes. En pèlerin ou en touriste géopolitique.

Bien guidé en autocar climatisé vers les sites bibliques, on peut même presque oublier que la Cisjordanie est un territoire occupé. Palestiniens et Israéliens semblent du moins essayer de le faire oublier aux fidèles.

À Bethléem, présumé lieu de naissance de Jésus, la basilique de la Nativité accueille des milliers de visiteurs par jour. Autour, les commerçants palestiniens chrétiens proposent des crèches et le divin enfant sculpté dans du bois d'olivier. Le centre-ville est propre, soigné. Les affaires passent avant la politique.

La politique, elle, se trouve quelques kilomètres plus loin, dans les camps de réfugiés qui s'accrochent à la ville. Dans ces camps, devenus au fil des décennies des quartiers bétonnés avec presque toutes les commodités courantes grâce à l'aide internationale, des enfants tout sourire jouent à l'ombre du mur de séparation. En construction depuis 2002, les Palestiniens l'appellent le mur de l'«apartheid» ou de «la honte».

Comme à Berlin durant la guerre froide, le béton a inspiré les graffiteurs locaux et étrangers, qui lui ont donné des couleurs. Un restaurateur de Bethléem a même inscrit son menu sur la section du mur située en face de son établissement !

Le mur est ainsi devenu - littéralement - un incontournable de la vie cisjordanienne. En traversant à pied l'un des postes d'entrée vers l'État hébreu, le touriste peut expérimenter ce que subissent quotidiennement les rares Palestiniens qui disposent encore d'un permis de travail pour Israël.

Derrière des vitres, des soldats israéliens vous somment d'avancer, de passer des contrôles similaires à ceux d'un aéroport et de présenter vos documents. Un passeport canadien assure un passage rapide, alors que certains Palestiniens sont refoulés.

Nous nous sommes déplacés en Cisjordanie grâce à l'efficace système de minicars et taxis collectifs. Sur la route, les colonies israéliennes perchées dans les montagnes sont difficiles à différencier des villages palestiniens.

Faire contre mauvaise fortune bon coeur

À Hébron, toutefois, le conflit saute aux yeux. C'est qu'ici, les colonies israéliennes sont non seulement en périphérie de la ville palestinienne... mais aussi en plein centre-ville.

Quelque 500 juifs fondamentalistes y sont installés depuis 1967, tout près du tombeau des Patriarches, site religieux mi-mosquée, mi-synagogue. La poignée de colons est protégée par environ 4000 soldats israéliens.

Les Palestiniens locaux ont décidé de faire contre mauvaise fortune bon coeur. Plusieurs guides improvisés proposent de faire monter les étrangers sur les toits pour exposer l'occupation qu'ils vivent au quotidien.

Dans les petites rues marchandes de la vieille ville délabrée, les touristes se font rares. Au-dessus de l'une d'elles, les commerçants ont installé un grillage pour se protéger des déchets lancés par les colons qui habitent au-dessus.

À Ramallah, la capitale officieuse du non-État palestinien, les habitants locaux ne se retournent même plus au passage d'étrangers. Les travailleurs humanitaires et les diplomates y sont légion. Dans d'autres villes moins touristiques comme Naplouse, enfants et commerçants décochent des hello chaleureux ou gênés à la vue de touristes.

Alors, dangereuse, la Cisjordanie ? En fait, la criminalité de rue y est moins élevée qu'en Israël. En une semaine passée dans cinq villes différentes, nous n'avons jamais ressenti la moindre agressivité à notre égard.

Pour ce qui est des troubles politiques, ils se prédisent à peu près comme la météo. Une annonce de construction de nouvelles colonies par le gouvernement israélien se traduit par une forte probabilité d'averse de pierres à certains endroits stratégiques. Les habitués sauront vous indiquer les lieux à éviter pour la journée, alors que la vie dans les territoires occupés suivra son cours.

Et si vous préférez tout de même ne pas vous aventurer seuls, différentes ONG engagées organisent des tours de «tourisme solidaire» d'une journée, généralement en partance de Jérusalem. Les guides vous dresseront un historique (pro-palestinien) du conflit et sauront vous faire remarquer certains détails de l'occupation qui peuvent échapper à l'oeil non aiguisé.