La mer Morte, l'étendue d'eau la plus salée du monde réputée pour les bienfaits de ses minéraux, pourrait bientôt se réduire à une simple mare, victime de l'activité humaine et d'un conflit régional qui fait obstacle aux mesures de préservation.

Le niveau de cette mer située au point le plus bas du globe baisse d'un mètre par an et son rivage a reculé de plus d'un kilomètre par endroits, s'inquiètent les spécialistes.

La mer Morte, destination touristique par excellence, est menacée d'assèchement dès 2050.

«C'est très grave et personne ne fait rien pour la sauver» en raison du déficit de coopération dû au conflit israélo-palestinien, s'alarme Doureid Mahasneh, hydrologue et ancien directeur de l'Autorité de la vallée du Jourdain, un organisme dépendant du ministère de l'Eau et de l'irrigation.

Le niveau du lac salé, déjà inférieur au niveau de la mer de 395 mètres dans les années soixante, s'établit aujourd'hui à -422 mètres, d'après l'association Amis de la terre/Proche-Orient (FoEME).

Premier responsable, le détournement des cours d'eau qui l'alimentent.

Dès les années 60, Israël, la Jordanie et la Syrie ont commencé à détourner l'eau du Jourdain, principal affluent de la mer Morte, jusqu'à capter 95% du flux total à des fins agricoles et industrielles. Israël compte pour 60% du captage.

La situation est encore aggravée par la baisse du niveau des nappes phréatiques qui l'alimentent aussi, les paysans privés des eaux du Jourdain se résignant à creuser des puits.

L'activité industrielle et touristique ajoute au problème, de même que le changement climatique qui influe sur la pluviométrie d'un des pays les plus arides du monde.

Israël comme la Jordanie ont créé des sites géants d'évaporation pour produire du phosphate tandis que les hôtels cinq étoiles ont fleuri sur ses rives.

Pour Doureid Mahasneh, le sauvetage de cette mer coincée entre la Jordanie, Israël et la Cisjordanie «est une question régionale et même internationale compte tenu de son importance historique, environnementale et géographique».

Mais la Jordanie se retrouve seule à réaliser, pour deux milliards de dollars, la première partie d'un projet de sauvetage prévoyant d'acheminer l'eau de la mer Rouge vers la mer Morte, ayant trop besoin d'eau pour attendre les partenaires initiaux du projet conçu en 2005, Israël et l'Autorité palestinienne.

À terme, l'idée est de créer un canal de 200 km pour pomper deux milliards de m3 par an qui serviront à renflouer la mer Morte mais aussi produire de l'électricité et de l'eau potable.

Mais le projet est sujet à controverse. Des spécialistes craignent que le remède ne soit pire que le mal et que l'alchimie unique du lac salé ne soit irrémédiablement perturbée.

«Nous parlons de deux écosystèmes sensibles et différents», dit Mounqeth Mehyar, directeur du FoEME, qui souhaite que l'on étudie «d'autres pistes».

Une étude d'impact financée par la Banque mondiale est en cours et le ministre de l'Environnement Khaled Irani demande qu'on attende ses résultats.

Les dégâts sont considérables. De larges dolines, énormes cratères creusés par l'eau douce dans la croûte salée laissée derrière elle par la mer, sont apparues sur ses rives.

«Une doline a détruit ma ferme il y a dix ans», explique Izzat Khanazreh, un paysan de 42 ans, devant un cratère de 40 mètres de profondeur.

«Nous allons appeler les pays en développement à consacrer plus de ressources au sauvetage de la mer Morte», lors du sommet de Copenhague sur le climat, souligne M. Irani.