Lorsque les premières tulipes pointent le nez à Morgues, sur le lac Léman, la neige se met à reculer dans les alpages en déroulant un tapis de fleurs alors que, sur les sommets des Alpes, les glaciers restent le dernier refuge des amants de l'hiver.

La Suisse est passée directement de la grisaille hivernale aux chaleurs de l'été dès les premiers jours d'avril. Après un hiver exceptionnellement sec, qui n'a connu que la moitié de la normale de précipitations, les Genevois se sont rués hâtivement sur les promenades et les plages du lac Léman ou sont allés voir les jardins horticoles de la banlieue, à Morgues, alors que les adeptes de glisse se sont rués à la montagne pour profiter d'une météo géniale et de conditions encore très bonnes en altitude.

Skieurs plutôt intermédiaires, habitués des pentes du Saguenay, de Charlevoix et de la région de Québec, nous n'avions jamais été confrontés à la haute montagne, aux neiges éternelles des glaciers et à des altitudes dépassant les 3000 mètres. C'est donc avec beaucoup d'excitation et un peu d'appréhension que nous nous sommes d'abord dirigés vers Zermatt, puis vers Mürren.

Des journées inoubliables

Je comprends désormais tous les skieurs qui me parlaient de Zermatt comme d'une destination mythique. La journée que nous avons passée sur le Matterhorn Glacier Paradise, aux côtés du fabuleux Cervin qui domine le panorama (la fameuse montagne qui a inspiré la forme du chocolat Toblerone), restera gravée dans nos mémoires pour le reste de nos vies.

Honnêtement, j'avais un peu la frousse devant le grand glacier. Cela ne m'a pas empêché de me hisser aux premières heures jusqu'à 3840 m d'altitude, alors que le temps était absolument extraordinaire et relativement frais. Je voulais être de la première remontée afin de profiter des pistes damées et durcies comme je les aime. Et les conditions étaient effectivement extraordinaires. Une vraie jouissance! D'autant plus que la majorité des pentes sont plutôt «grand public», parfaites pour les skieurs moyens. Les pistes sont souvent très larges. Il y a plusieurs murs où on a l'impression de plonger dans le vide, au fond d'un décor irréel tant il est grandiose. Et, chose étonnante, on observe très peu de planchistes, mais plusieurs adeptes de télémark qui doivent réaliser de longues marches sur le glacier avant d'accéder aux pentes vierges.

La remontée dure près d'une heure avec le transfert de la télécabine au téléphérique (hyper spectaculaire) du point culminant. Nous sommes restés sur le glacier, donc sur les pentes les plus en altitude, presque toute la journée. Comme le mercure marquait 12 °C à midi, la neige a commencé à ramollir au pied des pentes. La température a dépassé les 20 °C en après-midi, rendant la descente beaucoup plus laborieuse, au grand plaisir des experts.

Mürren sous le soleil

Quatre trains, deux bus et un téléphérique plus tard (toujours à l'heure et parfaitement synchro naturellement), nous débarquons dans le petit village alpin de Mürren, non loin de la région de villégiature par excellence de l'Oberland bernois, Interlaken, avec ses deux grands lacs aux eaux émeraude.

Mürren, en hiver et au printemps, est dédié au ski. Tant le village que sa station sont beaucoup moins importants que Zermatt, mais l'endroit reste plus bucolique et, surtout, le décor naturel s'avère probablement encore plus impressionnant. Mürren est juché sur un étroit plateau à environ 1600 m d'altitude. Droit devant le village se dresse une paroi massive de plus de 2000 mètres, véritable muraille encore tout enneigée, surmontée d'énormes coulées glacières. La vedette de cet alignement montagneux est le Jungfrau (la jeune fille), qui se dresse à 4107 mètres. Elle avait la tête tout enturbannée dans un nuage qui cachait complètement sa cime. On entendait régulièrement les avalanches qui s'y déclenchaient avec un tonnerre saisissant. Puis elle s'est découverte progressivement, et j'avoue avoir été impressionné et séduit.

Encore cette fois, nous étions tôt au départ des skieurs vers le toit du Schilthorn, qui fait 2971 m. Une montagnette quoi! Le téléphérique met quand même 32 minutes pour atteindre le sommet. C'est là qu'on a tourné à la fin des années 60 l'un des James Bond les plus populaires : Au service secret de Sa Majesté, avec des scènes spectaculaires de poursuite sur le téléphérique.

Du plus haut, on ne trouve qu'une pente, la Piz Gloria, qui m'a donné mal au ventre avec son mur vertigineux et étroit qui dégringole abruptement de 300 mètres. Nous nous en sommes donc tenus à la mi-montagne, où nous avons pu faire du très beau ski jusqu'à 12h30, sur un nombre très limité de pentes cependant. Les pistes ont rapidement tourné au gros sel, mais la glisse est demeurée agréable, d'autant qu'il ne se formait pas de bosses.

Ensuite, et c'est ça aussi le ski de printemps, nous avons pris du soleil sur la terrasse de Birg, l'avant-dernière étape de la remontée, d'où nous avons admiré le ballet fabuleux d'un groupe de fous du parapente qui s'élevaient à près de 4000 m au-dessus des pics et qui venaient nous passer sous le nez. Nous sommes finalement montés au belvédère du Schilthorn pour contempler un panorama qui nous est apparu encore plus grandiose qu'à Zermatt. Et, nous avons dîné au restaurant tournant en nous en mettant plein la vue et plein la panse, puisque la cuisine suisse, comme on sait, est plutôt du genre très chargeante avec ses fondues, ses raclettes, ses röstis, ses croûtes, ses viandes froides et ses saucisses. Le sundae James Bond en finale peut, à lui seul, mettre K.-O. les plus gourmands.

Zermatt : https://www.zermatt.ch/fr/

Mürren-Schilthorn : www.schilthorn.ch et www.myjungfrau.ch