Du fameux appareil photo Zenit à une voiture Moskvitch en passant par un fer à repasser: pour sa première exposition, le nouveau musée du design de Moscou fait jouer la fibre nostalgique avec une série d'objets de la vie courante conçus en Union soviétique de 1950 à 1980.

«Nous voulions montrer les choses les plus ordinaires, que nous avions tous à la maison», explique Nikolaï Vassiliev, un des commissaires de l'exposition «Design soviétique, 1950-1980», qui se tient jusqu'au 20 janvier dans le somptueux et tout juste rénové espace du Manège, devant le Kremlin.

Jouets, ustensiles de cuisine, meubles, affiches, vêtements, voitures... plus de 200 objets et créations en tous genres ont été patiemment réunis, provenant de musées russes, d'anciens designers, de collectionneurs privés ou encore récupérés auprès de simples particuliers grâce à l'internet.

Ainsi, de simples bouteilles de lait en verre jouxtent un landau en skaï beige et bleu, non loin de téléphones couleur crème en bakélite, estampillées d'un marteau et d'une faucille dorés, ou encore de petits téléviseurs rétro en plastique jaune ou bleu.

Dans un coin consacré à l'enfance, on peut voir toutes sortes de jouets, dont une poupée culbuto rouge et blanc «Nevaliachka», connue de générations d'enfants soviétiques.

«Ce sont des souvenirs, c'est associé à mon adolescence, à ma jeunesse avec mes parents, avec ce pays qui n'existe plus, malheureusement. Il y a autre chose, mais ce n'est plus l'Union soviétique», soupire Elena Doubina, 55 ans, une visiteuse.

Le succès est au rendez-vous : en deux semaines à peine, plus de 20 000 personnes ont déjà afflué à l'exposition.

«J'ai grandi avec ces objets, je les avais quand j'ai élevé ma fille, beaucoup de choses me sont familières», sourit de son côté Lioubov Mouraviova, une retraitée.

Les organisateurs de l'exposition voulaient montrer que le design était à la portée de tous, et non l'apanage d'une certaine élite.

«Actuellement, le design se porte plutôt mal en Russie, il n'y a plus d'industrie, tout nous vient d'Occident, et de façon plus générale tout est produit en Chine», observe Alexandra Sankova, directrice du musée du design.

De fait, «les gens ici ne savent pas ce qu'est le design. Ils pensent que c'est très cher, inutile, que cela n'appartient qu'à des gens très riches qui ont des intérieurs très chic», regrette-t-elle.

Avec cette exposition, «nous pouvons leur expliquer ce que c'est. Ils viennent et voient qu'ils avaient toutes ces choses chez eux. Ils disent par exemple : "Mon Dieu, j'avais la même tasse chez moi" Et nous leur disons que cette tasse est un objet de design, qu'elle a un auteur», poursuit la jeune femme.

L'exposition ne se cantonne toutefois pas aux objets produits en masse. Elle présente aussi certains articles uniques qui n'en sont restés qu'au stade du prototype ou d'autres créés sur commande dans des ateliers privés, essentiellement par des membres de l'élite soviétique.

Malgré l'affrontement idéologique de la Guerre froide, de nombreux articles exposés ressemblent à ce qui était créé à l'Ouest.

«En fait, en Union soviétique, on faisait très souvent le même design qu'en Europe», explique Alexandra Sankova, selon laquelle beaucoup d'objets ont été simplement copiés sur des équivalents occidentaux dans l'après-guerre.

Elle estime également que l'absence de concurrence à l'Est a freiné le processus de création.

Toutefois, certains objets ont été adaptés au goût russe. Puis dans les années 60-70, certains designers ont commencé à faire leurs propres articles, souvent à la gloire de l'URSS, à l'image de cet aspirateur Tchaïka en forme de fusée, sorti d'usine en 1963 à 2,5 millions d'exemplaires après le premier vol dans l'espace de Iouri Gagarine.