Le Shard, plus haut gratte-ciel d'Europe dont la flèche de verre culmine à 310 mètres, ouvre le 1er février au public son belvédère à la vue imprenable sur Londres, s'affirmant comme une attraction touristique majeure. N'en déplaise à ceux qui dénoncent la mégalomanie du projet.

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Que n'ont pas entendu les promoteurs! Trop haut; trop audacieux; trop envahissant au point de faire de l'ombre aux monuments historiques environnants; trop coûteux en période d'austérité avec sa facture de plus d'un demi milliard d'euros financée à 95% par le Qatar.

William Matthews, responsable de l'exécution du projet conçu par l'architecte italien Renzo Piano, balaie les critiques d'un revers de manche.

«La tour Eiffel a suscité des réactions haineuses au moment de sa construction, avant de devenir un monument emblématique aimé des Parisiens», fait-il valoir à l'AFP.

«Tous les grands édifices doivent être politiquement et socialement corrects. Pour moi, le plus important c'est que (le Shard) est accessible au public. Il ne s'agit pas là d'un édifice privé réservé à quelques privilégiés», insiste-t-il.

«Il sera le point de départ naturel de toute visite de la capitale», prédit pour sa part Andy Nyberg, chargé de mettre en scène l'incursion dans le ciel londonien, après s'être fait la main à Dubaï, au sommet du Burj Khalifa, la plus haute tour au monde qui culmine à 828 mètres.

Le pari londonien paraît bien engagé. En dépit des critiques, les promoteurs ont enregistré des dizaines de milliers de pré-réservations, et ils espèrent propulser 1 à 1,5 million de visiteurs chaque année aux 69e et 72e étages. Malgré le coût élevé du billet : 24,95 livres, ou 39,47$, par adulte.

La visite inclut la projection de documentaires sur la capitale, son histoire et ses habitants ainsi qu'une introduction à l'humour anglais sous forme de photomontages géants. On y voit Margaret Thatcher, alias «la dame de fer», pédalant sur un tandem en compagnie de Karl Marx, inspirateur d'une idéologie qu'elle abhorrait. Ou encore Winston Churchill faisant le «V» de la victoire, affalé dans une chaise longue, en bermuda aux couleurs de l'Union Jack.

Le passager voyage à la vitesse de 6 mètres par seconde pour atteindre les plateformes supérieures, dont la dernière ouverte aux intempéries. Ici, la musique d'ascenseur est une composition originale interprétée par le London Symphony Orchestra.

«Ce sera comme de voler», avait promis Renzo Piano. Et de fait, en l'absence de nuages, le regard porte à 60 km à la ronde. Il embrasse les méandres de la Tamise, fleuve royal bordé des monuments les plus prestigieux, plonge sur les gratte-ciel futuristes de la City et au-delà sur les installations des JO de 2012 éparpillées dans l'East end longtemps déshérité. Big Ben, la cathédrale St Paul, le palais de Buckingham et au premier plan la Tour de Londres construite il y a 1000 ans se détachent de la mosaïque dominée par le gris de la pierre, l'ôcre des briques, et les tâches vertes des milliers de parcs et jardins.

Vu du bas, l'élégant éclat de verre -qui abritera bientôt une mini-ville verticale de 8000 habitants avec un hôtel cinq étoiles, des restaurants haut de gamme, des bureaux, des commerces et des appartements de luxe- en impose tout autant.

À cet égard, Renzo Piano aime à citer ce conseil rassurant d'un compatriote et ami, le cinéaste Roberto Rossellini: «Il ne faut pas regarder le building, mais la tête des gens qui regardent le building».

Photo AP

Le Shard à droite.