Le parcours d'un visiteur dans une ville étrangère ressemble parfois à une course à obstacles pour éviter les attrape-touristes. Et personne n'a envie de se contenter de faire exactement ce que tout le monde fait... La solution ? Suivre les gens de l'endroit. Nous avons tenté l'expérience à Lisbonne, vibrante capitale du Portugal.

Les visites guidées destinées aux touristes peuvent parfois être aseptisées, passer sur des sentiers rebattus des milliers de fois. Or, faire une visite avec les guides de Lisbon Chill-Out Free Tour détonne, parce que les organisateurs n'ont pas peur de faire les choses autrement.

La visite attire bien des voyageurs parce qu'elle est « gratuite ». Bien entendu, on donnera un pourboire au guide qui aura passé quatre heures à nous renseigner sur l'histoire et la culture lisboètes, mais cette gratuité relative change la donne et permet au guide de donner une couleur unique à la marche.

Le jour où nous avons arpenté les rues tout en pavés et en montées de Lisbonne, c'est Rafael Zamith Pereira qui menait le groupe. D'emblée, le jeune homme se prononce sur l'Union européenne et la place qu'y occupe le Portugal. Il se désole des récentes coupes en culture, de l'exode des jeunes Portugais - parmi lesquels beaucoup de ses amis - non pas « pour voir le monde, mais bien pour survivre ».

Dans le groupe, une Britannique y va de son opinion, elle dont le pays votera sous peu sur sa place au sein de l'Union européenne. La visite se met en branle et la conversation se poursuit, mais le ton est donné.

Liberté et authenticité

La promenade à laquelle nous avons participé traversait les quartiers centraux de Lisbonne que sont Bairro Alto, Chiado, Baixa et Alfama, non loin du Castelo de São Jorge, mais les guides sont libres de prendre l'itinéraire qui leur convient, selon leurs champs d'intérêt. L'histoire de la ville est abordée, tout comme celle du pays dans son entier.

Quoi qu'il en soit, les visites ne comportent pas d'arrêts dans des boutiques ou des restaurants. Avec Rafael, c'est plutôt une pause « saudade » à laquelle les touristes ont droit. Sous la pluie et le vent, c'est tout attentifs qu'ils se sont laissé expliquer le sentiment portugais qui décrit une certaine nostalgie, lequel est souvent représenté dans le fado, ce style de musique propre au pays.

« Quand vous serez rentrés chez vous à la maison, que vous vous ennuierez de Lisbonne, mais ne pourrez pas revenir tout de suite, vous comprendrez un peu ce que c'est, la saudade », illustre le guide.

On a presque cru comprendre quand, à la fin du parcours, Rafael s'est arrêté pour déclamer un poème de Fernando Pessoa. Dans une ruelle escarpée de Lisbonne, le silence s'est fait dans le groupe de touristes. Il y a fort à parier que, déjà, plusieurs ressentaient une nostalgie à l'idée de quitter la ville.

*Les visites guidées de Lisbon Chill-Out Free Tour ont lieu tous les jours à 10 h et 16 h 30. Le départ se fait devant la statue du Praça Luís de Camões. Aucune réservation n'est nécessaire, sauf pour les groupes de cinq personnes et plus.

>>>Consultez le site de Lisbon Chill-Out Free Tour (en anglais).

Le marché sorti d'un magazine

Il y a quelques années encore, Catarina Ferreira était journaliste pour le magazine Time Out de Lisbonne. C'était avant qu'une idée un peu démesurée ne naisse dans l'équipe.

« Nous cherchions un espace pour la rédaction du magazine, mais aussi pour ouvrir un café et faire des concerts », se souvient la jeune femme. Au même moment, la Ville de Lisbonne annonce qu'elle cherche un gestionnaire pour un vieux marché qu'elle souhaite réhabiliter. « On a entendu parler de ce projet et on s'est dit : "C'est trop gros", mais on a quand même fait une proposition. »

En 2010, la petite équipe de trois personnes créée pour l'occasion apprend que son projet a été retenu. « En raison de la crise économique, tout a été arrêté pendant près de trois ans. On a finalement ouvert en mai 2014 », raconte celle qui est aujourd'hui responsable des communications pour le Time Out Market.

Les liens entre le magazine et le marché sont étroits. Seuls les commerces ayant obtenu l'assentiment de la rédaction sont invités à s'y installer. C'est ainsi qu'on trouve de petits comptoirs qui ont été ouverts par des chefs de Lisbonne, qui ont aussi pignon sur rue dans la ville.

PHOTO MARIE-ÈVE MORASSE, LA PRESSE

Un fleuriste vend ses bouquets au coeur du marché.

Ainsi, un comptoir qui sert du vin propose les meilleurs crus dégustés par l'équipe rédactionnelle. Le magazine, créé à Londres, est publié à Lisbonne depuis neuf ans.

Des milliers de visiteurs par jour

Avec son haut plafond vitré, le marché construit en 1882 a belle allure. C'est un midi de semaine à Lisbonne et les tables du grand espace central sont remplies de gens qui mangent, prennent un verre de vin et discutent dans cet agréable espace.

Qui plus est, le marché est situé dans le quartier Cais do Sodré, en plein renouveau. « C'était un coin reconnu pour la vie nocturne et c'était un peu vide parfois », dit Catarina Ferreira.

En moyenne, 6000 personnes passent au marché chaque jour, mais l'endroit a connu des pointes de 14 000 visiteurs. Une fréquentation composée à 60 % de touristes ce qui n'empêche pas l'endroit d'être resté intéressant pour les Portugais. Une salle de spectacle de 800 places accueille fréquemment des événements, des cours de cuisine sont offerts et une portion du marché est encore destinée à la vente de fruits et légumes frais.

Et si, comme l'affirme la responsable du marché, « les touristes suivent les gens d'ici, mais les gens d'ici suivent rarement les touristes », il ne reste qu'à espérer que les deux groupes continueront d'y cohabiter.

Avenida 24 de Julho 49

>>>Consultez la page Facebook de Time Out Market.

PHOTO MARIE-ÈVE MORASSE, LA PRESSE

Des clients sont attablés à la Cozinha da Felicidade, au Mercado da Ribeira de Lisbonne.

L'amie de Lisbonne

Jùlia Vilaça nous avait donné rendez-vous à quelques pas de la très grouillante et touristique rue Augusta. Le restaurant où elle nous attendait devant un thé était pourtant tout sauf touristique. Au deuxième étage d'un vieil édifice, il offrait un calme bienvenu et une belle vue sur les vieux immeubles environnants.

Faire éviter les attrape-touristes à ceux qui visitent son pays : voilà un peu le rôle que la jeune femme de 26 ans s'est donné en créant son site Lisboa Cool.

« Quand je voyageais, j'avais souvent de la difficulté à planifier mes séjours. C'est difficile de savoir ce qu'on va aimer et, souvent, on passe seulement deux ou trois jours dans une ville. Je me disais que j'aimerais avoir un ami pour me conseiller », explique Jùlia Vilaça.

Pour les gens qui voyagent dans son pays, plus précisément à Lisbonne et à Braga, elle est devenue cette amie il y a trois ans. Elle a testé tous les endroits qu'elle recommande sur son site, qui est depuis peu devenu une application mobile capable de créer des itinéraires selon des intérêts ciblés. De plus, elle le fait en toute indépendance.

« Mon premier principe est qu'on ne me paie pas pour parler des endroits que je visite », dit-elle.

PHOTO MARIE-ÈVE MORASSE, LA PRESSE

Jùlia Vilaça a créé le site et l'application Lisboa Cool pour guider les touristes dans la capitale portugaise.

Bien qu'elle soit native de Braga, une ville située au nord de Porto où elle habite toujours, Jùlia Vilaça n'en aime pas moins la capitale portugaise.

« La lumière de Lisbonne est très particulière, c'est brillant. Lisbonne, c'est aussi une ville simple et confortable, cette ville a une âme », dit-elle.

Si elle a fait du cool le nom de son site internet et de son application, comment décrit-elle ce terme fourre-tout ?

« Ce n'est pas une science, admet-elle en riant. C'est ce qu'on ressent. Mais pour moi, la plupart du temps, ce sont les gens, le service. Si je vais dans un endroit où la nourriture est bonne, mais où l'expérience n'est pas agréable, pour moi, ce n'est pas cool. »

En se fiant à ses critères, on peut dire qu'elle est cool, Jùlia. Et on a envie de la suivre, comme on suivrait une amie en voyage.

>>>Consultez le site de Lisboa Cool.

Le Lisbonne de Jùlia Vilaça

Taberna da Rua das Flores« C'est vraiment un bon restaurant, le menu change tous les jours. Mais pour avoir une place, il faut y aller très tôt ou très tard ! »

>>>Consultez la page Facebook du restaurant (en portugais).

De jolis points de vue

Comme Lisbonne compte sept collines, les points de vue (et les pentes escarpées !) se multiplient. Jùlia conseille de se rendre sur l'un ou l'autre des nombreux « miradouros » pour prendre le pouls de la ville.

Luvaria Ulisses



Dans le quartier Chiado, ce petit magasin ouvert en 1925 ne vend que des gants ! Le processus de fabrication des gants est demeuré inchangé. Un « indémodable », dit Jùlia Vilaça.

>>>Consultez le site de Luvaria Ulisses (en anglais).

Les bonnes adresses

Pour manger des pasteis de nata

ManteigariaÀ Lisbonne, les pasteis de nata se mangent le plus souvent bien chaudes et garnies d'une bonne couche de cannelle en poudre. Les tartelettes aux oeufs de la Confeitaria Nacional de Belem sont les plus courues en ville, mais celles de la Manteigaria sont, selon certains, encore meilleures. Peu importe, l'attente est beaucoup moins longue avant de mettre la main sur une des fameuses petites tartes. À 1 euro chacune, on en mange sans modération.

Rua do Loreta 2

Pour admirer la ville

Park



Le bar Park est situé dans l'endroit le plus incongru qui soit, tout en haut d'un stationnement étagé. Rien au rez-de-chaussée ou dans les escaliers n'indique qu'on marche dans la bonne direction. Ce n'est qu'une fois en haut qu'on découvre qu'on ne s'est pas trompé d'adresse. On y va pour la superbe vue que l'endroit offre sur les toits de la ville et le Taje. Jamais le temps passé dans un stationnement n'aura été aussi agréable.

Calçadra do Combro, 58

Pour ménager ses jambes

Le tram 28



Le tramway 28 est sans contredit le tramway le plus bondé de Lisbonne. À toute heure, les touristes s'y entassent pour faire le trajet qui passe devant de nombreuses attractions touristiques. C'est une façon de découvrir la ville à petit prix. Mieux vaut y monter très tôt le matin ou plus tard en soirée pour espérer être assis et voir quelque chose. Les touristes sont nombreux et les pickpockets le savent ; il faudra ainsi redoubler de prudence avec ses effets personnels.

Que rapporter?

Des sardines, pardi!



Le plus difficile quand viendra le temps de mettre des sardines dans ses valises, ce sera de savoir lequel des emballages choisir. Les multiples déclinaisons des petites boîtes rectangulaires sont toutes plus belles les unes que les autres et bien des entreprises ont compris que les emballages design ou vintage ont la cote. Un produit typiquement portugais à ramener sans modération. Pour un vaste choix, rendez-vous dans l'un des trois magasins d'A Vida Portuguesa.

Où dormir?

Hôtel Bairro Alto



L'hôtel Bairro Alto est idéalement situé devant la place Largo de Camões, dans un quartier vibrant de jour comme de soir. Le service est impeccable et les chambres sont spacieuses. L'hôtel est par ailleurs en voie de subir une importante rénovation qui verra des chambres s'ajouter à l'offre déjà existante.

Praça Luís de Camões, 2

Chambres à partir de 240 euros