À Lisbonne tout le monde connaît la «Casa dos Bicos», la «Maison des Pointes», recouverte de pierres de taille en forme de diamant, une demeure emblématique qui acquiert désormais une dimension littéraire en devenant le siège de la Fondation José Saramago.

Elle sera inauguré mercredi avec une exposition, «la Graine et les Fruits», retraçant la vie du prix Nobel 1998 de Littérature en tant qu'écrivain mais aussi comme citoyen engagé, ayant rejoint le Parti communiste en 1969, cinq ans avant la fin d'une dictature longue de plus quatre décennies.

Mort le 18 juin 2010 à Lanzarote (Canaries), à l'âge de 87 ans, «Saramago était fasciné par cette maison», souligne sa veuve, la journaliste espagnole Pilar del Rio.

L'auteur de L'Évangile selon Jésus Christ pensait installer son bureau derrière une large fenêtre qui offre une vue spectaculaire sur l'estuaire du Tage.

«D'ici je pourrai voir passer les bateaux», disait Saramago. Il n'a pas eu le temps de réaliser ce rêve mais ses cendres reposent sous la fenêtre, au pied d'un olivier centenaire. «Un banc a été installé juste en face. Des gens s'y installent, un livre à la main, et regardent passer les bateaux, comme il avait voulu le faire», indique Pilar del Rio.

Construite au XVIe siècle la maison s'est effondrée lors du terrible tremblement de terre de 1755 qui a emporté une bonne partie de la capitale portugaise. Reconstruite en 1982, la maison a servi pendant longtemps d'entrepôt de morue, le poisson favori des Portugais, puis la mairie de Lisbonne l'a cédée en 2008 à la Fondation Saramago.

Au cours de la première exposition les visiteurs pourront découvrir, entre autres, des manuscrits, des notes personnelles, des coupures de journaux, des photos, les livres de l'écrivain et une sélection de ses ouvrages traduits dans une multitude de langues étrangères.

Aux murs, ils découvriront des pages des agendas de l'auteur de L'Aveuglement, les rendez-vous notés d'une écriture fine et précise, ce voyage de 5 jours à Paris en mai 1977, par exemple, ou cette réunion de cellule du parti fixée au 7 décembre 1977.

Tous ces trésors, dont environ 5000 livres, ont été ramenés de Lanzarote où demeure une grande bibliothèque, riche de quelque 20 000 ouvrages.

Outre les pièces dédiées aux expositions, un étage est prévu pour un auditorium où seront projetés des films, organisé des concerts, des conférences ou des présentations de livres. La partie de la bibliothèque restée à Lanzarote pourra être consultée sur des ordinateurs. Une pièce sera réservée aux spécialistes travaillant sur l'oeuvre de Saramago.

Sous la houlette très dynamique de Pilar del Rio, la Fondation s'est fixé l'objectif ambitieux de devenir un agitateur d'idées, comme l'a toujours été le seul auteur lusophone ayant reçu le prix Nobel.

«Nous allons impulser, inviter, proposer des débats car nous ne sommes pas une fondation exclusivement littéraire. Nous voulons réveiller les consciences», explique-t-elle en ajoutant : «Cette maison doit irradier. Tout le monde n'a pas besoin d'être d'accord sur tout. Ce que nous voulons, c'est lancer des idées».

Reste le problème du financement. «Nous sommes très ambitieux mais nous ne sommes pas nombreux et nous sommes pauvres», souligne-t-elle en précisant que l'essentiel des ressources provient des droits d'auteur de l'écrivain. Toutefois quelques commanditaires ont déjà offert des contributions.

Pendant un mois l'accès à la «Maison des Pointes» sera entièrement gratuit, ensuite le prix de l'entrée sera de 3 euros «et un peu plus pour les touristes étrangers», précise Pilar del Rio.