L'Exposition universelle de Milan, qui ferme ses portes samedi, semble en passe de gagner son pari en termes de fréquentation mais des doutes subsistent sur sa contribution aux problématiques de l'alimentation mondiale et sur l'avenir du site.

Après une préparation marquée par des scandales de corruption et des retards, un départ poussif il y a six mois assombri par des protestations entachées de violences des opposants, l'Expo a vu sa cote s'améliorer au fil des mois, au point de terminer sur un véritable sprint de visiteurs.

L'affluence a grimpé en flèche au cours des dernières semaines, provoquant certains jours des pics d'attente de plus de cinq heures devant les pavillons les plus réputés comme celui du Japon, de l'Italie ou du Kazakhstan. Certains samedis, le site a vu défiler plus de 250 000 personnes.

Dédiée à l'alimentation avec le thème « Nourrir la planète, énergie pour la vie », l'Expo a aussi accueilli nombre de grands de ce monde, politiques comme le président russe Vladimir Poutine ou la Première dame américaine Michelle Obama, mais aussi des artistes, des hommes d'affaires et des scientifiques.

De quoi atteindre in extremis et sans doute même dépasser quelque peu l'objectif déclaré de 20 millions de visiteurs. Une « chevauchée triomphale », a tranché le chef du gouvernement Matteo Renzi.

De quoi même nourrir quelques regrets à l'heure de baisser le rideau. « Je serais le premier à souhaiter prolonger l'Expo, mais techniquement c'est impossible », a souligné la semaine dernière l'homme-orchestre de l'événement, le commissaire Giuseppe Sala.

« La fermeture est confirmée pour le 31 octobre, à contrecoeur », a ajouté celui qui est devenu au fil des mois une vedette locale et est désormais pressenti à la mairie de Milan.

La ville en effet se frotte les mains: le nombre de touristes a bondi de 35 % en septembre à 910 000 visiteurs et cette tendance va durer grâce aux gains de notoriété acquis tout au long de l'événement, veut-on croire à l'hôtel de ville.

« L'Italie, ayant appris du fiasco allemand (de l'Exposition universelle de Hanovre en 2000), n'avait pas fait de promesses excessives » en termes de fréquentation, relève l'assureur-crédit Euler Hermes, filiale de l'assureur allemand Allianz, l'un des commanditaires de l'Expo.

À court terme, le pays devrait en retirer un gain de PIB de 0,1 point pour l'année 2015 et des recettes touristiques de quelque 6 milliards d'euros. Mais il risque aussi de subir des faillites en série (entre 1000 et 3000) dans les secteurs les plus « Expo-dépendants » comme la construction, estime l'étude.

Humaniste ou superficiel 

Alors que le site d'une superficie d'un million de mètres carrés s'apprête désormais à aborder la phase de la transition, souvent délicate pour les événements de ce genre, l'avenir est en effet bien flou.

Le démantèlement des infrastructures devra théoriquement s'achever à la mi-2016 pour laisser la place à une « cité de la recherche et de l'innovation », avec le transfert prévu de plusieurs facultés scientifiques de l'Université de Milan et d'incubateurs d'entreprise.

M. Renzi, qui a promis l'appui du gouvernement, s'est engagé à dévoiler des réponses concrètes lors d'un déplacement à Milan le 10 novembre.

Quant à la postérité du « message » que laissera l'Expo, synthétisé dans une longue « Charte de Milan » aux accents humanistes, elle fait débat.

Pour le ministre italien de l'Agriculture Maurizio Martina, l'Expo a contribué à « éveiller l'intérêt, l'engagement et la curiosité de millions de personnes aujourd'hui plus conscientes de leurs responsabilités et de leurs devoirs face aux grandes questions démocratiques que nous pose l'accès à la nourriture ».

Mais si les enfants ont en général apprécié les installations, nombre de visiteurs adultes se sont déclarés déçus d'un contenu jugé superficiel et souvent marqués au coin des intérêts des nombreuses multinationales commanditaires de l'événement ou de pays peu regardants en matière d'environnement.

Le « flambeau » de l'Expo doit à présent passer aux mains du Kazakhstan et des Émirats arabes unis, qui organiseront respectivement une Exposition internationale à Astana en 2017 (aux dimensions plus réduites) et une Exposition universelle à Dubaï en 2020. Pour l'édition suivante, prévue en 2025, la France est sur les rangs.