De tous les quartiers de Rome, aucun n'est aussi intimement lié à la nourriture que celui de Testaccio. Même sa géographie en porte la marque: un mont artificiel y a été érigé pendant l'Antiquité avec 53 millions d'amphores cassées. Virée gastronomique dans un «rione» oublié des touristes, où se retrouvent les Romains amateurs de bonne chère.

«Testaccio est un quartier véritablement romain. Ici, vous ne trouverez pas de boutique de souvenirs. Et personne ne va essayer de vous vendre un selfie-stick!»

Avec ses favoris généreux et ses lunettes aviateur à la Elvis, Domenico Scola semble tout droit sorti d'un film des années 70. La nuit, cet Américain d'origine installé à Rome depuis 15 ans chante dans un groupe rock, mais le jour, il se transforme en guide touristique énergique et un brin déjanté pour Eating Italy.

Depuis 2011, cette entreprise fondée par Kenny Dunn (un autre Américain) propose des circuits gourmands - en anglais seulement pour l'instant - dans le rione del Testaccio, situé au sud du centre historique. Le programme du tour guidé fait saliver: rencontre de passionnés et dégustation sucrée ou salée dans une dizaine d'adresses choisies pour la qualité de leurs produits.

«Aucun autre quartier de Rome n'est à ce point associé à la nourriture, et ce, depuis toujours», explique Domenico Scola, installé à la terrasse d'un bar à bières donnant sur la piazza Testaccio, point de départ de la balade qui durera quatre heures. «Le port fluvial, où transitaient toutes les denrées pendant l'Antiquité, est situé tout près d'ici. Un gigantesque abattoir - le plus grand d'Europe dans les années 70 - se trouvait aussi dans Testaccio.»

C'est aussi dans ce quartier, depuis toujours populaire, que la cuisine romaine traditionnelle a puisé l'une de ses principales inspirations: les abats (appelés quinto quarto). «Comme les ouvriers de l'abattoir étaient payés avec des abats, ces morceaux de viande considérés comme non nobles, ils les ont intégrés à leur cuisine», dit Domenico Scola. D'où ces plats à base de queue de boeuf, intestin de veau de lait et autre coeur d'agneau si cher à la cucina romana.

La preuve la plus tangible, et la plus inusitée, de ce riche passé alimentaire reste toutefois le mont Testaccio, un monticule formé par les tessons de 53 millions d'amphores à huile, brisées puis empilées il y a 2000 ans.

Aujourd'hui, la montagne de tessons est couverte de verdure et l'abattoir est fermé. Mais les Romains continuent d'associer ce quartier à la bonne chère. Les caves à vin creusées à même le mont Testaccio au XVIIIe siècle ont cédé la place à des restaurants très fréquentés sinon par les touristes, du moins par les Romains.

Car contrairement au Trestavere, qui lui fait face de l'autre côté du Tibre, Testaccio est resté loin des radars des étrangers de passage. Dans les restaurants, les bars, les marchés, l'italien est très souvent la seule langue pour communiquer (avec le toujours universel langage des signes).

Domenico Scola joue les traducteurs avec bonheur. Et il prend son rôle de conseiller gastronomique avec tout le sérieux que le sujet exige. Les cannoli? «Il faut qu'on les remplisse devant vous, à la demande, sinon fuyez.» Les pâtes? «De grâce, ne demandez aucune substitution dans votre assiette. Les chefs détestent ça. Et pas besoin de préciser que vous voulez des pâtes al dente. Elles le seront!»

Et les glaces gelato? Comment reconnaître celles faites artisanalement des industrielles, bourrées d'additifs? «Malheureusement, 85% des glaces vendues à Rome sont de la deuxième catégorie. Si votre gelato donne l'impression de pouvoir luire dans la nuit, c'est mauvais signe! Les pistaches ne sont pas vert fluo, ni les bananes jaune serin. La forme de la glace peut aussi vous donner des indices. Si vous vous retrouvez devant une montagne aussi aérienne qu'un nuage, c'est signe de la présence de plein de stabilisants. Les produits artisanaux ne dépassent jamais le bord de la cuve.» Quant à la crème fouettée, qu'on offre parfois pour couronner le bol de gelato, c'est un plaisir dont on ne saurait se priver, croit le guide. «Si vous n'avez que quelques mots à retenir, que ce soit ceux-ci: "Con panna, per favore!"»

Consultez le site de Eating Italy: 

eatingitalyfoodtours.com

Photo Stéphanie Morin, La Presse

Installé à Rome depuis 15 ans, l'Américain Domenico Scola, notre guide touristique de l'entreprise Eating Italy, nous offre un circuit gourmand en anglais.

Où manger?

Un cornetto

Depuis 1934, le café Barberini sert le petit-déjeuner aux Romains qui s'accoudent au comptoir pour avaler un cornetto (petit croissant sucré roulé à la main) et un cappucino. Outre les cornetti, servis nature ou fourrés (crème, confiture, chocolat...), Barberini propose plusieurs pâtisseries, dont des tiramisus format miniature.

Via Marmorata 41

Une pizza

Volpetti Piu est reconnu pour offrir une des bonnes pizzas al taglio (à la pièce) de Rome. Vendue au poids, la pizza possède ici une croûte plus épaisse que la traditionnelle pizza ronde romaine. La spécialité? La pizza margherita. Sauce tomate, mozzarella, basilic: les trois couleurs du drapeau national.

Via Alessandro Volta 8

Du prosciutto et du pecorino

Tenue par les frères Emilio et Claudio Volpetti, l'épicerie fine qui porte leur nom tient du paradis pour épicurien. Le meilleur du terroir italien s'entasse dans ce local souvent bondé: fromage, prosciutto crudo, vinaigre balsamique, salami, huile d'olive. À savoir: des échantillons sont offerts en dégustation.

Via Marmorata 47

volpetti.com

Un cannolo

Le marché Testaccio abrite plus de 100 stands alimentaires, dont certains tenus par la même famille depuis plusieurs générations. À ne pas rater, dans ce flot infini de produits (toujours de saison): les cannoli de Costanza, une Sicilienne pur beurre qui emplit les pâtisseries sous nos yeux avant de les tremper dans de la poudre de pistaches. Le numéro du stand: 66.

Via Beniamino Franklin

Des pâtes

Installé dans une ancienne cave à vin creusée à même le mont Testaccio, le restaurant Flavio al Velavevodetto propose plusieurs classiques italiens, dont des pâtes cacio e pepe à se damner. Le restaurateur possède son propre élevage et des terres dans le Lazio où poussent ses légumes. Réservations fortement conseillées.

Via di Monte Testaccio 97

ristorantevelavevodetto.it

 

Des suppli

Ces boules de riz farcies et roulées dans la chapelure avant d'être frites constituent l'encas préféré des Romains, qui les mangent debout dans la rue pour chasser la faim. Chez Trapizzino, les suppli sont faits à la main et le chef intègre au coeur de ces boules dorées fromage, sauce tomates, lardons, légumes... Un coup de coeur.

Via Giovanni Branca 88

trapizzino.it/en

Gelato

Ouvert en 1900, Giolitti est peut-être la gelateria la plus célèbre de Rome. Une succursale a pignon sur rue dans Testaccio. Si l'endroit n'offre pas ce qui se fait de plus fin en matière de gelato, l'expérience reste tout de même fort correcte. Surtout avec une cuillerée de crème fouettée.

Via Amerigo Vespucci 35

Photo Stéphanie Morin, La Presse