Sur la Piazza di Spagna ou devant le Panthéon, une poignée de chevaux battent le pavé de leurs sabots ferrés. Attrape-touristes ou charmants, anachroniques ou historiques, les «taxi-carrosses» ne font pas l'unanimité à Rome.

Tout comme à New York, Vienne ou Florence, les carrosses font partie du décor de la capitale italienne. Mais depuis quelques mois, de nombreuses voix demandent l'abolition de cette tradition touristique.

Fin septembre, les images d'un cheval tombé à terre devant le Parlement ont relancé le débat et alimenté la fureur des défenseurs des animaux.

Les carrosses ne sont pourtant pas nombreux: tout juste une quarantaine contre 118 il y a quelques années. Et les licences des conducteurs qui prennent leur retraite ne sont plus remises en circulation.

Tous les matins, ils se lèvent aux aurores pour préparer chevaux et véhicules, appelés aussi «botticelle» (petites barriques), parce qu'elles servaient jadis à transporter le vin.

À partir de janvier 2015, ces taxis d'antan doivent déménager dans de nouvelles étables dans le splendide parc de Villa Borghese. Une motion parlementaire devrait de plus demander de restreindre leurs parcours aux grands parcs de la ville, comme promis par le maire Ignazio Marino.

Mais pour l'instant, les taxi-carrosses sont encore logés dans de vieilles étables du quartier Testaccio, ironiquement situées au sein de l'«ex-mattatoio», l'abattoir géant qui a fourni la capitale en viande jusqu'en 1975.

Si certains pestent contre les troubles de la circulation et l'impression de désordre causés par les «vetturini» (petites voitures), d'autres s'inquiètent plutôt pour la santé des chevaux.

Dans les embouteillages 

«La ville n'est pas le meilleur contexte de travail pour un cheval. Il y a la circulation, le bruit, la fatigue, ils respirent la pollution. Et après leur service, ils sont enfermés dans l'étable, quelle vie pour ces chevaux...», regrette Nadia Zurla, responsable du secteur équidés de la Ligue Anti-Vivisection.

Cette organisation nationale de protection des animaux a présenté cet été au Parlement une pétition de 15 000 signatures réclamant l'abolition des taxi-carrosses.

Pour accompagner cette mesure, ils soutiennent la proposition de la mairie de reconvertir les cochers en taxis classiques.

«Nous avions rassemblé 12 conducteurs disposés à devenir des taxis, nous sommes allés à la mairie, mais elle n'a pas tenu sa promesse. Les ligues de protection des animaux nous critiquent, mais c'est nous les vrais défenseurs de nos chevaux. Nous les soignons, nous nous occupons d'eux. Nous voulons juste travailler», regrette Angelo Sed, président de l'Association des Vetturini.

«Tout le monde croit qu'on trompe les touristes, qu'on s'enrichit. Alors qu'il y a des journées entières où nous n'avons pas de clients. Pour ce qui est des prix, ils doivent forcément se faire en négociant avec les clients puisque malgré nos demandes, les prix réglementaires n'ont pas été reconduits», s'indigne le conducteur.

Patiemment, les trois «taxi-carrosses» postés aux pieds des escaliers de la Trinité des Monts se font prendre en photo par les touristes.

Parfois, ces derniers demandent le prix d'une course, tergiversent, passent leur chemin. Enfin, une famille allemande s'arrête, négocie un tour sur mesure pour 170 euros (245$) à l'occasion de l'anniversaire du fils. Le conducteur du carrosse est soulagé, sa journée est sauvée.