Gladiatrices ou impératrices éperdues d'amour pour les héroïques combattants de l'arène: univers viril par excellence, le Colisée s'est conjugué au féminin, jeudi à Rome, pour la Journée du 8 mars, avec des visites spécialement consacrées à ces figures méconnues de l'Antiquité.

Pour qui Eppia, femme de sénateur, est-elle partie en Égypte? Pour qui a-t-elle «laissé ses enfants dans les pleurs?», s'interroge le poète latin Juvénal dans l'une de ses célèbres Satires. Pour Sergiolus: «bras cassé, grosse bosse en plein nez, oeil chassieux»... mais gladiateur!

À l'occasion de cette visite exceptionnelle, une comédienne, campée dans l'arène, déclame le texte où le satiriste témoigne avec férocité - jalousie? - du phénoménal attrait des gladiateurs aux yeux des femmes.

«Le fer, voilà ce qu'elles aiment!» s'énerve-t-il.

«Des femmes de sénateurs ou femmes de plus basse extraction, beaucoup étaient folles des gladiateurs. C'étaient des figures connues, comme les footballeurs aujourd'hui», explique Lucilla Rossi, qui mène cette visite sur les femmes aux temps du Colisée devant un public exclusivement féminin.

Mais, tempère-t-elle, «ce que l'on possède comme référence écrite de cette époque, ce ne sont que des récits d'hommes. Ils sont très critiques sur les femmes, sur leurs comportements, leurs sentiments, surtout quand elles se détachent des stéréotypes de la matrone romaine. Ce n'est pas vraiment impartial!»

Autre victime de ces médisances? Faustine la Jeune, qui aurait trompé son empereur de mari, Marc-Aurèle, avec des gladiateurs, selon l'Histoire Auguste.

D'une de ces unions adultères serait né Commode, empereur cruel et sanguinaire (de 161 à 192) qui se plaisait à descendre lui-même combattre hommes et fauves. Mais dans cette affaire, les historiens auraient semble-t-il plutôt cherché à attaquer l'image de l'empereur plutôt que la vertu de Faustine...

Et dans cet univers de sang, de sable et de larmes, les femmes combattaient-elles elles-mêmes? «La thèse est controversée», reconnaît Lucilla Rossi,  mais de «nombreuses sources fiables en font état». Une mosaïque présentée au Colisée représente deux personnages - deux femmes? - traînant un animal, les armes à la main.

D'autres sources témoignent de l'existence de gladiatrices: Suétone évoque des spectacles nocturnes de combats de gladiatrices, le Satyricon de Pétrone mentionne une femme sur un char combattant des hommes...

«Mais c'était très limité», affirme la directrice du Colisée, Rossella Rea. «Plutôt un spectacle d'entr'acte, un spectacle de niche», dit-elle.

«L'effet de surprise, le spectaculaire étaient très recherchés», ajoute Mme Rossi. «Il y avait des animaux extraordinaires, comme des hippopotames ou des girafes, et des combats hors du commun comme des femmes contre des nains...»

Malgré ces comparaisons peu flatteuses, les visiteuses passionnées d'art et de culture ont apprécié. D'autant que pour cette visite, l'accès était ouvert à des espaces d'accès restreint, tels l'arène ou les étages supérieurs de l'amphithéâtre.

De plus, en ce 8 mars, l'entrée du Colisée, comme celles des autres monuments de Rome, était gratuite pour les femmes.