En passant devant la prison de Palerme, édifiée en bordure de l'autoroute qui contourne la ville, les Siciliens exercent volontiers leur ironie en soulignant le confort de ses installations très modernes. «C'est normal : les entrepreneurs qui l'ont construit savaient qu'ils y logeraient un jour ou l'autre ! », lâchent-ils d'un ton goguenard. Mais le touriste qui visite cette grande ville de 1 million d'habitants oublie volontiers qu'elle est ou a été un des centres de pouvoir de la mafia.

JOUR 1

9H

LE PALAIS DES NORMANDS ET LA CHAPELLE PALATINE

Le bus me dépose près de la Porte Neuve, un arc de triomphe coiffé d'une construction pyramidale tarabiscotée. Il délimite l'entrée de la vieille ville et est voisin de l'ancien palais royal des Normands qui confisquèrent la Sicile aux Arabes à la fin du XIe siècle. Ils ne régnèrent dans l'île qu'un siècle, mais leur empreinte est encore bien visible, grâce aux cathédrales et aux forteresses qu'ils y ont édifiées. De cette période, l'intérieur du Palais des Normands ne conserve plus grand-chose, sinon la chambre du roi Roger II, couverte de mosaïques de l'époque. Je découvre le Salon d'Hercule, décoré de fresques illustrant la carrière du héros et, surtout, la Chapelle Palatine, considérée comme la plus haute expression de l'art arabo-normand, notamment à cause des splendides mosaïques d'inspiration byzantine qui décorent les murs, l'abside et les chapelles latérales.

11H

LA CATHÉDRALE

Je traverse les beaux jardins ombragés par des palmiers de la piazza della Vittoria et cinq minutes de marche le long du Corso Vittorio Emanuele, principale artère de la ville, me suffisent pour atteindre la monumentale cathédrale. Elle aussi a été construite par les Normands, sur le site d'une ancienne mosquée, mais elle a amalgamé d'autres styles à la suite d'une série d'ajouts et de rénovations entreprises au fil des siècles. L'intérieur a été entièrement refait au XVIIIe siècle dans le style néo-classique. Une chapelle latérale abrite le reliquaire en argent dans lequel sont conservés les ossements de sainte Rosalie, patronne de la ville.

MIDI

LA FONTAINE PRETORIA

En poursuivant mon chemin sur le Corso Vittorio Emanuele, j'arrive aux Quattro Canti (les «quatre coins »), un carrefour délimité par quatre bâtiments aux façades concaves, ornées de statues. La fontaine Pretoria est tout près. Avec ses magnifiques sculptures de marbre de Carrare, oeuvres du Toscan Francesco Camilliani, cet ensemble est à Palerme ce que la fontaine de Trevi est à Rome. Les monstres et les tritons dénudés ont malheureusement perdu leurs attributs virils. On raconte que ce sont les soeurs clarisses, du couvent voisin de Santa Caterina, qui une nuit sont venues les émasculer pour conférer un peu de décence au monument.

13H

LE THÉÂTRE MASSIMO

Quelques minutes de marche sur la via Maqueda m'ont suffi pour atteindre le théâtre Massimo, qui occupe tout le côté ouest de la piazza Verdi. Les ruelles piétonnes qui débouchent sur l'autre côté de la place sont bordées de bistros et de petits restaurants qui disposent leurs tables sur la voie publique. Une pointe de pizza accompagnée d'un verre de Nero d'Avola et d'un expresso me coûte moins de 6 euros. Je consacre l'heure suivante à une visite guidée du théâtre Massimo, le plus grand opéra d'Italie.

16H

LE MARCHÉ DEL CAPO

Je passe le reste de l'après-midi dans le marché del Capo, comme me l'avait conseillé un Palermitain, en observant que «c'est celui qui ressemble le plus à un souk» ! Les étals de viandes, de légumes et de poissons sont dressés dans les petites rues voisines de la Porta Carini. Dans certaines d'entre elles, on vend de la brocante et des vêtements.

18H30

MONDELLO

Je voulais manger « là où mangent les Palermitains lorsqu'ils sont de sortie ». On m'a recommandé Mondello. Cette station balnéaire s'étend de l'autre côté du Monte Pellegrino, le promontoire rocheux qui ferme la baie de Palerme, au nord. Les restaurants sont aménagés en front de mer, autour du port de pêche. Précédé des traditionnels hors-d'oeuvre siciliens (aubergines grillées, caponata de légumes, tapenade, arancini), un repas de fruits de mer (oursins et poulpes grillés) arrosé d'une bouteille de Corvo blanc a goûté une cinquantaine d'euros pour deux. Comme dans bien des commerces en Sicile, le serveur parle un excellent français.

JOUR 2

9H

MONREALE

En 20 minutes, un bus m'a amené du centre-ville au stationnement situé au pied de la colline de Monreale. L'urbanisation galopante a transformé en banlieue cette petite ville de 15 000 habitants, jadis séparée de Palerme par la Conca d'Oro, une grande plaine où poussaient les orangers et les citronniers. Une ruelle en pente bordée de boutiques permet d'accéder à la piazza Guglielmo II en une dizaine de minutes. Là se dresse la cathédrale la plus célèbre de Sicile. Elle est renommée pour ses mosaïques, dont les carreaux de verre et d'or couvrent une surface de 6400 m2. De la terrasse aménagée derrière l'édifice, on bénéficie d'une vue extraordinaire sur Palerme et sa baie.

13H

LA CRYPTE DU COUVENT DES CAPUCINS

C'est une des attractions les plus célèbres de Palerme. «Attraction» n'est pas un terme approprié pour cette plongée dans l'horreur. Ici, quelque 8000 cadavres embaumés et momifiés sont exposés dans des niches ou accrochés aux murs. Ce sont les dépouilles rabougries de membres du clergé ou de représentants de la haute bourgeoisie qui payaient cher pour reposer dans les catacombes du couvent. Certains sont réduits à l'état de squelettes. Les traits de certains autres sont encore bien marqués. Les enfants nombreux ressemblent à des poupées désarticulées. Les photos sont interdites et c'est tant mieux: cela ne ferait qu'ajouter à l'indécence de cet étalage exhibitionniste.

15H

LE QUARTIER DE LA KALSA

C'est dans la Kalsa, le quartier qui jouxte le vieux port de Palerme, qu'ont été édifiés plusieurs palais de la noblesse sicilienne. Notamment le palazzo Gangi dont la salle de bal et d'autres pièces ont servi de décor au film de Visconti Le Guépard. Mais on ne visite qu'en groupe, sur réservation. Je me contente donc de musarder dans le quartier. Je me retrouve sur la piazza Marina, un parc où se dressent de gigantesques ficus plusieurs fois centenaires. J'arpente les avenues qui longent la Cala le vieux port : la via della Cala, puis le Foro Italico Umberto 1, où la noblesse et la haute bourgeoisie venaient «voir et se faire voir» en calèche. Parmi eux, le prince Salina, personnage principal incarné par Burt Lancaster, dans le film de Visconti. En soirée, je vais manger un « frito misto de mar » à Porticello, autre village de pêcheurs situé au sud-est de la ville.

Les frais de voyage de ce reportage ont été payés par Expertours.