Quasi-désertique l'été, Chypre s'imagine avec des airs d'Irlande à longueur d'année: pour sauver son tourisme, les autorités ont décidé de quintupler le nombre de golfs sur l'île, en dépit de la pénurie d'eau chronique pour ses habitants et du tir de barrage écologiste.

Pour réaliser cette prouesse - qui verrait Chypre disposer de 17 parcours (contre 3 à ce jour) -, le gouvernement mise sur les usines de dessalement, une solution dénoncée pour son coût environnemental, alors que l'île est déjà un des principaux producteurs d'eau dessalée en Europe avec l'Italie et l'Espagne.

«Ce projet de golfs est totalement inapproprié!», clame le Dr Costas Papastavros, employé au ministère de l'Agriculture et des Ressources naturelles mais qui dit s'exprimer «en tant que scientifique».

«Cela requiert une quantité d'eau infernale d'autant que ces complexes, qui sont avant tout des projets immobiliers, compteront des milliers de villas luxueuses», note-t-il en marge d'une conférence sur le climat, à Nicosie.

Selon ces calculs, «30 millions de m3 par an» seront requis pour «nourrir» la quinzaine de complexes créés. «À titre de comparaison, le besoin en eau potable pour la population est actuellement de 85 millions de m3 par an», souligne le Dr Papastavros.

Des besoins qui ne sont déjà pas assouvis à Chypre où changement climatique rime avec sécheresse: depuis un an, de sévères restrictions sont en vigueur, l'eau courante n'étant accessible aux ménages que trois demi-journées par semaine.

Malgré cela, le projet, initié par le précédent gouvernement, a été validé en décembre par l'actuel cabinet. Motif: sur la troisième île de Méditerranée, l'heure est à la mobilisation en faveur du secteur touristique, qui entre pour 15 % dans le PIB et bat de l'aile avec la crise mondiale.

«Le rythme des réservations pour l'été est lent (...). 2009 sera une année difficile», déclare à l'AFP le ministre de tutelle Antoine Paschalides.

«La création de parcours de golf peut incontestablement nous permettre de gagner de nouveaux marchés (...) et d'allonger la saison touristique», dit-il.

«Soucieux» de préserver les maigres ressources en eau et l'environnement de l'île, le gouvernement liera chaque projet à la construction d'une usine de dessalement, ajoute encore le ministre.

Quant à la question des émissions de dioxyde de carbone (CO2) liées à leur fonctionnement au pétrole - qui contribuent au réchauffement climatique -, un recours systématique aux énergies renouvelables, tel le solaire, est évoqué.

Les milieux écologistes parlent toutefois d'écran de fumée.

«Le coût environnemental est inévitable. La technologie actuelle» ne permet pas le seul recours aux énergies renouvelables, avance Christos Theodorou, qui dirige la Fédération des organisations écologiques et environnementales de Chypre.

Pour lui, les rejets en mer de ces structures et la pollution souterraine liée à l'utilisation massive de fertilisants posent également problème.

Mais à Chypre, où l'eau dessalée - l'île compte déjà trois usines - est présentée comme la solution à la pénurie, la mobilisation peine à s'organiser, consent-il.

Les manifestations du petit parti écologiste n'ont, pour le moment, guère fait recette. «Le manque de conscience environnementale à Chypre est un fait. La faute en revient aux politiques et aux promoteurs (immobiliers). Ceux-là même qui en tirent profit», estime Costas Papastavros.