Des glaciers gigantesques, des volcans menaçants, des lagons bleus et opalins, des fjords turquoise, des chutes d'eau vertigineuses, des geysers... Parcourir l'Islande, le pays des Vikings et des sagas, c'est voir défiler une fresque de paysages uniques, bigarrés et, surtout, grandioses. Perdue entre l'Europe et l'Amérique, entre l'Arctique et l'Atlantique, la benjamine géologique et l'aînée démocratique de notre planète est moins loin, moins chère et moins froide qu'on ne pourrait le croire. Elle épate à coup sûr.

L'Islande est à cheval entre les plaques continentales américaines et eurasiennes, et cela explique tout. L'île scandinave est très jeune sur le plan géologique, comme une pièce de bois qu'un sculpteur ne viendrait que d'entamer. De là les volcans, les champs de lave, les montagnes escarpées et tous ces paysages sublimes.

L'Islande est un pays nordique, certes, mais pas glacial parce que le courant du Gulf Stream la réchauffe. La capitale, Reykjavík, est un peu plus au nord que Yellowknife, mais le temps y est beaucoup plus clément .

De Boston, nous avons atterri directement à Reykjavík, que nous avons pris le temps de visiter avant de louer une voiture pendant cinq jours. La voiture est le meilleur moyen d'apprécier les recoins, les villages, les attractions et les paysages moins accessibles qui font le charme du pays.

Il est aussi possible de voyager en autocar autour de l'île. Mais explorer un pays aussi riche à travers la vitre teintée d'un autocar voyageur ne nous convenait pas. Nous n'aurions jamais pu dire : «Attention, il y a un mouton sur la route devant nous!» Conduire est une attraction en soi. La route nationale à deux voies, qui fait le tour de l'île en 1300 km, n'a été bouclée qu'en 1974, et n'est pas encore pavée partout tellement le relief est difficile.

Les visiteurs plus pressés ou les moins aventureux resteront à Reykjavík et pourront visiter les principaux points touristiques en achetant des excursions de durées variables, à la pièce. Une solution chère, mais adaptée aux escapades. Notez que le transporteur Icelandair permet, sans frais, les escales en Islande dans les liaisons entre l'Europe et l'Amérique.

La capitale, Reykjavík

En 874, le Norvégien Ingólfr Arnarson laisse les dieux le guider pour choisir où il s'établira. Ces derniers choisissent cette «baie fumante» - en raison de l'activité thermique - , d'où le nom, Reykjavík (réï-kya-viik, avec un r roulé). On pourrait dire que la capitale de 200 000 habitants, la seule vraie ville d'Islande, est à l'image des Islandais : simple, efficace, sans exubérance, mais aussi, fière comme un Viking. Cela ne l'empêche cependant pas de se faire toute jolie, au centre, avec ses petites maisons colorées. L'influence danoise et scandinave est évidente. On le remarque particulièrement près du parlement, un immeuble tout menu de deux étages.

Le Château Frontenac de Reykjavík, son monument phare : l'église luthérienne Hallgrímskirkja (hatl-grims-kirk-ya). D'un style unique, son clocher en forme de cône arrondi vers l'intérieur culmine à 75 mètres. D'en haut, la vue sur la ville et les montagnes des alentours est remarquable.

Une balade sur Laugavegur permet de se mettre au parfum de la mode islandaise et aussi d'apprécier son nightlife démentiel des vendredis et samedis, où l'on fête, dit-on, jusqu'à 5h du matin.

Reykjavík est une capitale européenne et se considère comme tel. Elle veut tenir la comparaison avec Copenhague, Stockholm et les autres. Par exemple, la construction d'un opéra de classe mondiale, un gigantesque édifi- ce d'une audace remarquable, s'achèvera bientôt, près du port.

Il faut le visiter, ce port, pour constater l'ironie de voir un navire d'exploration des baleines tout juste à côté d'un navire qui les chasse... Bien que cette activité soit sévèrement contrôlée, elle est extrêmement mal vue par la communauté internationale. Mais en Islande, on fait comme les Islandais... La baleine, c'est une viande noire, très coriace, au goût assez fort, qui se rapproche de l'orignal, mais avec un goût ferreux très prononcé...

Blue Lagoon et bain chaud

Une visite à Reykjavík serait incomplète sans faire trempette au Blue Lagoon, un spa géothermique, situé sur le chemin de l'aéroport. Une centrale électrique utilise une source d'eau chaude pour produire de l'énergie et rejette ensuite cette eau dans un bassin extérieur semi-aménagé. Se baigner dans cette eau chaude, turquoise et opaline, entourée de roches volcaniques et d'une centrale électrique ultra-moderne, est une expérience inoubliable. La température extérieure à notre passage : 10 °C; température de l'eau : 38 °C! Les Islandais sont fous de la baignade, et l'abondance d'eau chaude leur permet de se baigner à l'extérieur, été comme hiver. Le Blue Lagoon est donc extrêmement fréquenté, tant par les locaux que par les touristes, qu'on reconnaît facilement aux simagrées qu'ils font dehors, au froid, avant de se précipiter dans l'eau!

Le Golden Circle

Le Golden Circle porte bien son nom : c'est l'attraction principale de l'Islande. Il s'agit d'un circuit à plus ou moins 150 km de Reykjavík, composé de trois attractions principales : Geysir (guézir), Gullfoss et Þingvellir (thing-vet-lirh, th et g comme en anglais).

À Þingvellir, site du patrimoine mondial de l'UNESCO, on voit la faille qui sépare les plaques tectoniques américaine et européenne. C'est également à cet endroit qu'a pris naissance le premier Parlement de l'humanité, en l'an 930. Cette démocratie a duré jusqu'en 1262, alors que le pays, déchiré par la guerre civile, se soumet au roi de Norvège. En 1380, l'Islande devient danoise et le restera jusqu'à la proclamation de son indépendance, en 1944, au milieu de la guerre, alors que 40 000 soldats américains étaient postés en Islande et que la mère patrie était occupée par les nazis.

Vous connaissez un mot islandais! Geysir, comme dans geyser, le seul mot islandais francisé. Et ce geyser, il s'appelle geyser, parce qu'il se trouve... à Geysir! C'est le deuxième arrêt du Golden Circle. En réalité, le vrai geyser de Geysir est asséché, mais un de ses petits frères a pris la relève.

Des chutes!

Gullfoss, Skógafoss, Seljalandsfoss, Goðafoss (ð comme un léger th en anglais), Dettifoss... Ce qu'il y en a des chutes en Islande! (Vous avez compris, foss veut dire «chute»!) Gullfoss, les chutes en deux étapes, découpées au couteau; Skgóafoss, la chute carrée, Seljalandsfoss, haute et étroite, qui s'admire autant de devant que de derrière... Au nord, Goðafoss ressemble aux chutes Niagara. On raconte qu'en l'an 1000, après que le président du Parlement eut accepté la conversion de l'Islande au christianisme, celui-ci aurait, sur le chemin du retour, jeté ses statuettes représentant les dieux nordiques dans ces chutes, d'où leur nom : chutes des dieux. Mais Dettifoss, au nord-est, est peut-être la plus impressionnante de toutes, et vaut assurément les 60 km qu'on doit parcourir sur une mauvaise route de gravier pour l'atteindre. Contrairement aux autres, la plus puissante chute d'Europe n'est pas majestueuse ou enchanteresse, mais plutôt vertigineuse et terrifiante. Un exercice d'humilité devant la puissance de la nature.

Entre glaciers, ciel et mer

La route entre Vík et Höfn, au sud, est renversante, coincée entre les montages et les glaciers d'un côté, et l'océan, de l'autre. On aperçoit ces montagnes de glace gigantesques plusieurs dizaines de kilomètres avant d'y arriver. Il y a d'abord le désormais célèbre Eyjafjallajökull (éya-fiat-la-ïeu-kut-l, littéralement «glacier des montagnes des îles»), dont le volcan a eu le temps de se calmer après avoir paralysé les aéroports pendant plusieurs jours l'an dernier. On arrive ensuite au Vatnajökull, le plus grand glacier d'Europe.

Après avoir traversé le plus grand désert de cendres volcaniques du monde (1300 km²), entre le glacier et l'océan, on arrive à Jökulsárlón, un lagon où se rassemblent les icebergs qui se sont détachés du Vatnajökull avant d'aller mourir en mer. Le con- traste entre la plage de sable noir et les gigantesques morceaux de glace d'un bleu pur, presque lumineux, est saisissant.

Mývatn en enfer

Le sous-sol de la région du lac Mývatn bouillonne, littéralement. Et c'est un peu comme si l'enfer s'était frayé un chemin jusqu'à la surface en se manifestant sous plusieurs formes, curiosités et phénomènes à voir. Du haut d'une colline de sable noir, on aperçoit un lagon sulfureux, un pseudo- cratère, un champ de lave, une usine géothermique, etc. Le parc du volcan Krafla (un des plus actifs d'Islande) permet de contempler grand nombre de ces phénomènes et de marcher sur des coulées de lave séchée. Mais c'est à Hverir (kvé-rir) que le sentiment se trouver en enfer est plus présent. Le sable noir fait place au sable rouge vif ou blanc (attention, celui-là, il est chaud!), à travers duquel on trouve plusieurs cheminées de vapeur et des sources chaudes qui, à la surface, forment des étangs de mille couleurs. Rouge, bleu, vert, l'eau ou la boue frémit, bouillonne, boucane... et pue le soufre!

C'est dans la région de Mývatn que nous avons fait de l'équitation. Le cheval islandais, le seul présent sur l'île, est petit et costaud. Les Islandais en sont très fiers et très protecteurs. Pour cette raison, aucun nouveau cheval n'est entré sur l'île depuis 1000 ans!