Qu'ont en commun Sherlock Holmes et le Château Frontenac?  Si vous répondez: un bout de tissu, vous avez gagné.

Le célèbre détective et le grand hôtel de Québec ont, en effet, depuis cette année, chacun leur tartan officiel.

Le premier a été créé par la designer écossaise Tania Henzell, arrière-arrière-petite-fille-par-la-fesse-gauche de l'auteur Arthur Conan Doyle. Le second a été conçu par une femme d'affaires québécoise pour célébrer le 125e anniversaire du «Château» (voir encadré plus bas).

On serait tenté de hausser les épaules. Mais si cette nouvelle nous apprend une chose, c'est que l'industrie du tartan est loin d'être figée. Mais attention: ne «tartanise» pas qui veut. Si cette étoffe est extraordinairement courante, elle n'en demeure pas moins régie par des règles très strictes qui déterminent sa qualité et sa légitimité.

Forte demande

Près de 8000 tartans (7888 pour être exact!) sont officiellement catalogués au Registre écossais des tartans, instance publique chargée d'homologuer les tartans.

Depuis sa création en 2009, cette institution a notamment enregistré 2130 nouveaux tartans, lesquels s'ajoutent aux 5758 tartans «patrimoniaux» (Heritage) déjà en circulation avant cette date.

«Ça n'arrête pas, je reçois au moins une demande d'enregistrement par jour. Et ça vient de partout!», indique Dee Williams, porte-parole du Registre écossais des tartans.

Mme Williams précise avoir «reçu au moins huit demandes» la semaine de notre rencontre.

Et qui sont ces demandeurs? Tout dépend. Il peut s'agir d'une famille, d'une entreprise ou d'une municipalité en quête de signes identifiables, ou encore de particuliers souhaitant souligner un événement spécial, habituellement un mariage. Au Québec, par exemple, la Ville de Montréal a fait un homologuer son tartan l'an dernier, pour célébrer son 375e anniversaire. Tout comme le couple Lapierre-Sabourin d'Outremont.

Les critères d'admissibilité? Ils sont relativement simples. Le tartan doit pouvoir être tissé et doit, surtout, être unique.

Pour éviter les doublons, un programme informatique, créé spécialement pour le Registre écossais des tartans, se charge de valider les motifs en les comparant à sa base de données. 

Il y a deux ans, les Bay City Rollers, groupe pop écossais bien connu des années 70, ont ainsi vu leur demande rejetée parce que leur design ressemblait trop à un tartan existant!

Gare aux contrefaçons!

Malgré le nombre de tartans homologués, on peut s'étonner que les magasins de touristes proposent toujours les cinq mêmes motifs, tels le Royal Stewart de couleur rouge, le tartan noir et vert du régiment des Black Watch, ou les tartans associés aux clans Campbell ou McDonald. 

La raison en est simple: ce sont les plus connus, et donc ceux que les visiteurs réclament.

«Au prix que coûte un tartan authentique, ces boutiques à touristes ne peuvent se permettre de conserver des tartans qui ne sont pas recherchés», explique Amanda Moffet, du magasin ScotClans à Édimbourg, reconnu pour son choix et sa qualité.

Image fournie par le Registre écossais du Tartan

Dee Williams, porte-parole du Registre écossais du tartan

On ajoutera que la plupart des tartans «patrimoniaux» sont plus faciles à commercialiser puisqu'ils font partie du domaine public. En revanche, certains tartans, créés plus récemment, sont soumis à des droits d'auteur assez stricts. Il y a quelques années, certaines boutiques pour touristes d'Édimbourg ont frauduleusement vendu des étoffes copiant le tartan officiel de Lady Di, avant de devoir les retirer de la circulation.

Entre les lignes

Avant de faire son choix, il faut savoir que sur un tartan, chaque couleur et chaque motif a une signification. Celui de Sherlock Holmes, par exemple, n'a pas été conçu au hasard. Tania Henzell a volontairement choisi un design correspondant au personnage et à son auteur, Sir Arthur Conan Doyle. «Le bleu et le vert pour rappeler les racines écossaises et irlandaises de Conan Doyle, le jaune pour souligner le succès de cette série policière et la ligne double pour rappeler les liens entre le détective et son collègue Watson», résume la styliste, en nous montrant un échantillon de sa création. À noter que ce tartan est le tout premier à représenter un personnage de fiction, ce dont Mme Henzell n'est pas peu fière.

Même si les tissus sont plus chers (environ 90 $ CAN le mètre), il est aussi fortement recommandé d'acheter un tartan tissé en Écosse, question d'expertise.

Une industrie riche

Avec le whisky, le tartan demeure malgré tout l'un des produits emblématiques de l'Écosse. Il n'y a qu'à voir les boutiques de touristes à Édimbourg, avec leur surenchère de kilts, de foulards, de casquettes, de capes, etc. L'industrie serait à l'origine de 4000 emplois, selon Visit Scotland.

Chez ScotClans, on estime que 80 % des acheteurs viennent de l'étranger. La nette majorité, soit plus de 65 %, serait des Américains (surtout) et des Canadiens (beaucoup). «Normal: ce sont des gens en quête de leurs racines écossaises», résume Amanda Moffet, de ScotClans. Selon elle, les Japonais seraient toutefois de plus en plus nombreux à se «tartaniser».

Emblème local, patrimoine mondial...

Photo archives La Presse

La pochette d'un disque des Bay City Rollers