De village en village, on a cru que ça y était. Que l'on venait de voir ce que la Crète avait de plus beau à offrir et qu'il ne fallait plus en espérer autant aux prochaines étapes. C'était sous-estimer cette île bénie de Zeus, qui l'a vu naître.

Déjà, à La Canée, on a su que la Crète, c'était autre chose. Bien sûr, on est toujours en Grèce dans sa plus grande île, en fait , mais les Crétois ont bien pris soin, tout en finissant par repousser les Italiens, de conserver ce que les envahisseurs avaient de mieux. Cela donne, ici, un charmant port aux accents vénitiens, teinté d'influences byzantines et turques. Et partout dans l'île, cela donne aussi un menu méditerranéen plus varié que les très fréquentés moussakas-souvlakis-baklava dont le voyageur peut s'être lassé s'il a déjà fait des sauts dans diverses îles grecques.

Premier constat en arrivant en Crète: le paysage est extrêmement varié, chaque plage y a un cachet unique et il faudra choisir. Le mieux est de commencer par la partie ouest de l'île, puis de revenir en direction est et de voir jusqu'où on aura le temps d'aller, selon que l'on se sera attardé un peu, beaucoup ou passionnément un peu partout (ce qui est probable).

À partir de La Canée, les amateurs de plein air ne voudront sans doute pas rater les célèbres gorges de Samaria, auxquelles il faut consacrer toute une journée si on décide de s'y attaquer.

Ceux qui ont plus envie de farniente se rendront plutôt à Phalasarna. Pour peu que vous y soyez en dehors de la très haute saison, la plage sera à vous, et à vous seul. Et derrière vous, pas de voiture, pas de grands hôtels, que des moutons qui paissent tranquillement. Que du calme, du grand calme.

Puis, vous poursuivrez votre route et arriverez à Elafonisi. Et vous n'en reviendrez pas en voyant le lagon, magnifiquement préservé. On ne sait pas où regardaient les Crétois quand tant d'autres ont sacrifié leurs plus beaux atours à l'autel du tourisme, mais heureusement pour nous, ils regardaient ailleurs ou alors ils ont compris qu'il valait mieux ne rien toucher, que c'était parfait comme ça. Autour d'Elafonisi, nous n'avons vu qu'un seul hôtel (le Glykeria

en retrait et de rares chambres à louer. Si vous trouvez un toit, ne bougez pas de là et refaites-vous une journée de lagon, il n'y a rien de tel. Sinon, visez la presqu'île de Paleochora, un village de pêcheurs qui s'est transformé en station balnéaire sans perdre son âme pour autant.

Cependant, comme la route longeant la côte n'est pas achevée, vous devrez, d'Elafonisi, remonter d'abord vers les montagnes. En une heure et quelque de route, c'est garanti, vous croiserez en chemin des dizaines de chèvres sauvages.

Une fois à Paleochora, un choix s'offre à vous: la plage, encore une plage parfaite, large, au sable fin ou alors la gorge d'Anidri toute proche, qui, après moins d'une heure de marche, vous mène de toute façon... à une autre plage, déserte.

Au coeur de l'île, aux environs de Rethymnon, il y en a pour tous les goûts, à condition d'en sortir. Le vieux port est intéressant, mais la plage, aux abords d'une rue hyper passante, ne vaut pas le coup. L'idéal est donc d'y dormir, puis de partir, en matinée, en direction du mythique mont Psiloritis.

Dans cette région, impossible de ne pas faire une halte au monastère d'Arkadi, haut lieu de la résistance crétoise où près de 1000 Grecs décidèrent de se faire exploser en 1866 plutôt que de se rendre à l'ennemi turc.

Ensuite, il serait dommage de passer son chemin et de manquer la grotte de Zoniana.

Et Dieu sait qu'elle est facile à rater, la grotte de Zoniana, les Crétois faisant dans l'économie de pancartes. Quand votre route croisera celle d'un troupeau, de cochons et les cochons en Crète, ç'a la priorité et ça met tout son temps avant de dégager, vous serez sûr d'être vraiment perdu. Eh bien non, c'est bien par là.

Ça aura valu le coup de chercher: magnifiquement mises en lumière, les stalactites et stalagmites de Zoniana sont parmi les plus belles qu'il vous sera jamais donné de voir.

Pour conclure le voyage, un (autre) coup de coeur: la petite ville d'Agios Nikolaos, qui a la particularité d'être en bord de mer, sur une baie, et d'avoir en son centre un lac profond de 64 m. Autour du lac tout autant qu'autour de la baie, un chapelet de restaurants et de cafés, pour tous les goûts.

Et quelle ne fut pas notre surprise, à Agios Nikolaos, de dénicher un hôtel tenu par nulle autre qu'une femme originaire des Îles-de-la-Madeleine... qui a le mal du pays!

L'hôtel Creta, c'est notre meilleure adresse. À deux pas du centre, et néanmoins au calme, les terrasses avec vue sur la mer sont immenses, tout comme les salles de bains, chose rare en Grèce, à moins d'aller dans des hôtels plus chers. Quand la lune se lève derrière les montagnes et se réverbère dans la mer, c'est magique.

Rien ne vaut une journée à la plage Ammoudara toute proche, un petit apéro sur la terrasse de l'hôtel Creta, puis une dorade au resto Maistrali recommandé par le mari de notre Madelinienne.

C'est tout simple: vous ne voudrez pas repartir.

Repères

-Il y a tant de choses à voir en Crète qu'il serait dommage de s'attarder dans les rares endroits moins intéressants. Ainsi en est-il d'Héraklion, où vous arriverez en avion ou en bateau. Louez une voiture, et allez voir ailleurs. Héraklion, c'est gros, et ça manque du cachet crétois si présent partout ailleurs. De même, Rethymnon est un bon port d'attache, sans plus.

-Si la Crète est votre seule destination, vous n'aurez pas trop de deux semaines pour l'apprécier. Sinon, si la Crète n'est pour vous qu'une escale parmi d'autres îles grecques, notez que ça se fait très bien de Santorin.

-Si vous prévoyez poursuivre vers l'île de Rhodes pour y voir sa célèbre forteresse, sachez qu'il n'est pas possible de s'y rendre par bateau de la Crète. Il faut prendre l'avion. Une dizaine de places, à prix doux.

-Les villes et sites crétois ne sont souvent pas écrits de la même façon que ce que vous verrez dans vos guides touristiques. La Canée, par exemple, peut tout aussi bien être Hania, Xania ou Chania. N'empêche, on s'y retrouve facilement.

-Prévoyez plus de temps pour vous rendre d'un point à l'autre qu'il n'en semble nécessaire sur la carte. Les routes sont sinueuses, les détours, nombreux, et faute de pancartes claires, il y a fort à parier que vous perdrez le nord à quelques reprises...

Photo: Louise Leduc, La Presse

Faire une journée de lagon, il n'y a rien de tel.