Fous de tourisme historique? Sachez que chaque année, une poignée de mordus de la Seconde Guerre mondiale recrée à sa façon le débarquement du 6 juin 1944. Si vous pensez visiter la Normandie l'année prochaine, envisagez de le faire durant cet événement, unique.

Des quatre coins de l'Europe et même d'Amérique, ils débarquent dans les villages de la côte de la Basse-Normandie avec leurs Jeep Willys, leurs motos anglaises ou leurs camions lourds destinés au transport de troupes et de matériel.

À Sainte-Mère-Église, Arromanches, Colleville-sur-Mer, Ouistreham, Courseulles-sur-Mer et d'autres villages aux noms enchanteurs, ils sillonnent les rues, s'arrêtent au bar, s'attardent devant les vitrines de magasins de souvenirs et font la jasette à des inconnus habillés comme eux de costumes kaki émaillés d'écussons de leur unité militaire avec casques ou chapeaux assortis.

Certains poussent la reconstitution jusqu'à porter une carabine, qu'on espère fausse, en bandoulière sans être le moindrement interpellés.

Bienvenue en Basse-Normandie où, à la fin de chaque printemps, de la fin mai jusqu'à la mi-juin, des centaines, voire des milliers d'adeptes et collectionneurs du Débarquement allié du 6 juin 1944 se rassemblent pour revivre, à leur façon, ces événements.

S'ils sont de diverses origines et sont nourris de différents intérêts, tous sont unis par la même motivation: rendre hommage et dire merci aux soldats américains, britanniques, canadiens, polonais, français qui ont participé et, dans des milliers de cas, donné leur vie au Débarquement et, subséquemment, à la bataille de Normandie longue de 10 semaines.

«C'est pour honorer des gens qui sont nés aux États-Unis, au Canada et sont venus mourir ici, sur un petit bout de France, que nous nous habillons ainsi. C'est un honneur que nous leur rendons», souligne Jacques Cousin, habitant de Saint-Nazaire, en Loire-Atlantique.

Quelques témoignages

La Presse a rencontré quelques participants à cette fête annuelle. Voici leurs témoignages.

De père en fille

Tous les mois de juin, Jacques Cousin et sa fille Marianne, 12 ans, reviennent visiter les plages du Débarquement. «Les personnes qui ont combattu pour nous, il faut leur rendre hommage», dit Marianne. «En portant l'équipement, on ressent mieux ce qui s'est passé, dit Jacques. En enfilant un uniforme américain, on vit l'histoire de l'intérieur.»

Même toutou...

À la sortie du Musée du Débarquement d'Arromanches, Beppe Dai Fiore et Stefano Veroneze ont accepté de poser pour La Presse. À remarquer, le caniche des deux hommes, lui aussi costumé en membre du personnel médical. Un article paru en juin 2014 à 20minutes.fr raconte que certains adeptes portent même l'uniforme allemand, ce qui est plus ou moins bien vu. Nous n'en avons pas rencontré...

Les Phantoms sont là

Depuis des années, les Phantoms, groupe de motocyclistes des Pays-Bas, sillonnent les routes de la Basse-Normandie avec leurs Matchless, Norton, Triumph et autres rutilants engins sortis tout droit de la Seconde Guerre mondiale. «De prendre part aux cérémonies est une des façons de faire honneur aux disparus, dit leur leader Thomas Schouten, rencontré au Centre Juno Beach consacré à la participation canadienne. Nous partons des Pays-Bas en train, mais nous roulons autour de 150 km par jour une fois en Normandie.»

Parler avec les anciens combattants

Rencontré dans le village de Sainte-Marie-du-Mont, le Britannique Alastair Scott, de Manchester, a développé un amour des véhicules militaires en fabricant, enfant, des modèles à coller. Pendant les festivités du Débarquement, il affectionne particulièrement ses entretiens avec d'anciens combattants. «Au départ, j'étais un peu inquiet que les vrais soldats du D-Day soient irrités de nos reconstitutions. Or, au contraire, ils adorent que nous rappelions ce qu'ils ont accompli.»

Les femmes aussi

Sans surprise, ce sont des hommes qui, en majorité, se présentent costumés aux festivités entourant la commémoration du Débarquement. Mais des femmes aussi, telle la Britannique Samantha Bentley, sont de la fête, comme ici à Sainte-Marie-du-Mont, village chaudement disputé entre Alliés et Allemands le 6 juin 1944.

Un Québécois bien informé

Ayant grandi à Longueuil, Éric Leboeuf habite en Normandie depuis six ans et travaille pour l'entreprise Gold Beach Evasion qui offre des tours guidés à bord de véhicules d'époque, dont une Jeep Willys de 1942. M. Leboeuf est le neveu de Marcel Robidas (1923-2009), ancien maire de Longueuil qui a participé à la fin de la Seconde Guerre mondiale (Belgique, Pays-Bas) avec le régiment des Fusiliers du Mont-Royal. «Je me berce là-dedans depuis toujours», dit M. Leboeuf.

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Les frais de ce reportage ont été payés par l'organisme La Route de la Libération de l'Europe.

Photo André Duchesne, La Presse

À la sortie du Musée du Débarquement d’Arromanches, Beppe Dai Fiore et Stefano Veroneze ont accepté de poser pour La Presse. À remarquer, le caniche des deux hommes, lui aussi costumé en membre du personnel médical. Un article paru en juin 2014 à 20minutes.fr raconte que certains adeptes portent même l’uniforme allemand, ce qui est plus ou moins bien vu. Nous n’en avons pas rencontré…

Qu'est-ce que le débarquement?

À 6 h 30, le matin du mardi 6 juin 1944, les premiers soldats d'une force interarmées partie d'Angleterre débarquent sur les plages de Normandie, ouvrant un nouveau front contre l'Allemagne hitlérienne.

L'invasion a lieu sur une bande côtière d'environ 80 km, entre les fleuves Orne et Vire. Les forces américaines sont concentrées sur la partie ouest, dans les zones baptisées Utah Beach et Omaha Beach.

Les Britanniques et les Canadiens attaquent la partie est dans les zones dites Gold, Juno (secteur canadien) et Sword. L'attaque est précédée durant la nuit par la prise d'infrastructures stratégiques par des parachutistes et des soldats transportés par planeurs, et par un pilonnage des défenses allemandes sur la côte.

Au terme de la journée, quelque 150 000 soldats et 20 000 véhicules alliés, transportés par 5000 navires de tous genres, ont établi une tête de pont. Cette bataille historique, qui a permis de libérer la France et, ultimement, plusieurs pays d'Europe de l'Ouest, s'est toutefois faite au prix de 10 000 hommes tués, blessés ou portés disparus pour ce seul premier jour d'invasion.

Sur les quelque 14 000 soldats canadiens débarqués le 6 juin 1944, on compte 1074 victimes, dont 359 tués. 

Sources: normandie-dday.com et Centre Juno Beach.