«Normalement, à cette saison, le Mont-Saint-Michel est bondé», assure la vendeuse d'une confiserie en regardant les touristes monter dans les rues étroites vers l'abbaye, au sommet du rocher. «Avec les barrages des agriculteurs, on perd forcément des visiteurs et du chiffre d'affaires», regrette-t-elle.

Le Mont est loin d'avoir été déserté. De nombreux touristes ont maintenu leur visite, et des tours opérateurs n'ont pas annulé l'excursion prévue.

Mais pour tous les commerçants, le flot, souvent interrompu, des touristes n'a rien à voir avec la foule qui prend généralement d'assaut le site, un des plus visités en France, en plein été.

«En juillet et en août, le Mont, c'est le métro parisien aux heures de pointe», explique Agnès, la fille de la propriétaire du Dauphin, un magasin de souvenirs. «Là, on se croirait au mois d'octobre», sourit-elle.

«En terme d'affluence, le mouvement des agriculteurs, ça donne des journées presque nulles. Et au niveau chiffre d'affaires, c'est moitié moins», ajoute-t-elle.

Même dépit chez un restaurateur, qui préfère taire le nom de son établissement. «Normalement, il y aurait vingt minutes - une demie heure d'attente», assure-t-il. «Regardez aujourd'hui», dit-il. «Vous avez une table immédiatement» alors qu'il est à peine 13 heures.

La chute de la fréquentation s'est fait sentir dès lundi, lorsque les premiers tracteurs ont barré les accès du Mont-Saint-Michel, témoigne Juliette, vendeuse dans une boutique de souvenirs.

«Et pourtant, dites-le bien, tout marche, tout fonctionne, et les navettes (qui mènent au Mont) sont là, elles ne sont pas bloquées», dit-elle.

Reste que la marche est obligatoire, afin de franchir le barrage des agriculteurs et rejoindre le stationnement d'où partent ces navettes.

«Nous avons marché deux kilomètres, nous sommes un peu contrariés, mais ça va», dit en souriant et avec philosophie Burachai, un quinquagénaire thaïlandais, venu avec un groupe qui s'apprête à rejoindre son hôtel.

Pour ceux qui ont la chance d'avoir pu garer leur véhicule le long de la route, à la sortie de Beauvoir, la dernière ville avant le Mont-Saint-Michel, la promenade ne dure qu'à peine 15 minutes.

Mais, entre les voitures particulières et les bus des groupes, les places sont chères à la sortie de Beauvoir. Pour certains, il a fallu parfois marcher plus d'un kilomètre, avec enfants, poussettes, pique-nique...

Mais personne ne critique les manifestants, ni les touristes, ni les commerçants interrogés par l'AFP.

«Il faut bien qu'ils vivent eux aussi», dit cet employé d'un restaurant», qui préfère rester anonyme. «Certains agriculteurs vivent avec 600 euros par mois, et ça, quand ils gagnent de l'argent», ajoute-t-il.

«Je comprends le mouvement. Je ne vais pas dire qu'ils ont tort de manifester», commente Agnès, en empaquetant dans sa boutique de souvenirs une cuillère aux couleurs de la Merveille. «Mais bon, pour le commerce, c'est pénalisant».

«Nous sommes solidaires sur le fond», explique Matthieu Gaulois, propriétaire de La vieille auberge, un hôtel-restaurant. «Sur la forme de l'action, c'est autre chose».

Et l'inquiétude perce dans ses propos: «Combien de temps ça va durer?», se demande-t-il.