Le Nord/Pas-de-Calais, région au riche héritage brassicole, se lance dans le tourisme autour de la bière artisanale, tablant sur l'engouement pour cette boisson en plein renouveau, désormais inscrite au patrimoine culturel de la France.

Un samedi par mois, la fourgonnette de «L'Échappée bière» sillonne les routes de la région pour des circuits individuels thématiques. Elle emmène des amateurs de bière majoritairement nordistes à la découverte de ce savoir-faire ancestral, et trace ainsi les futures routes de la bière qui devraient voir le jour en 2015.

Première étape de cette journée «Bière passion», la brasserie du Pavé, de Dominique Dillies, sise dans un ancien corps de ferme longeant la voie ferrée, à Ennevelin, au sud de Lille. Ancien photographe professionnel, il a décidé de se reconvertir lors de son départ à la retraite en micro-brasseur, en installant en juin 2013 ses cuves dans son garage, explique-t-il à ses huit visiteurs médusés.

Si la production de sa bière, la «PVL, comme Pévèle (nom de la région) en langage SMS», reste confidentielle, avec 250 hectolitres en un an, le jeune retraité mise sur «un développement plus rapide que prévu, du fait de l'engouement pour des circuits» touristiques, qui lui donnent «plus de visibilité».

À l'instar de la Brasserie du Pavé, de nombreux petits et moyens brasseurs ont noué des partenariats avec «L'Echappée Bière» pour intégrer les circuits de cette agence lancée en novembre 2013 par deux jeunes Nordistes et une Francilienne.

«La bière, c'est nous»

«Notre philosophie, c'est redonner ses lettres de noblesse à la bière et montrer que c'est un pan du patrimoine de la région et une vraie boisson de dégustation», déclare Olivier Faure, l'un des trois associés.

Le Nord/Pas-de-Calais, qui compta jusqu'à près de 2000 brasseries en 1914, contre 41 aujourd'hui, est «historiquement la région de la bière, mais il n'y avait aucun circuit, rien d'organisé, à part une carte très basique, alors que l'oenotourisme marche très bien. Pour l'instant, nous avons une bonne réception, même si c'est encore timide, car c'est un type de tourisme assez nouveau», poursuit-il.

«La bière, c'est moins spectaculaire que le vin. Quand on arrive dans une région vinicole, on voit les champs de vigne. Le houblon, c'est moins impressionnant visuellement», explique Dominique Dillies, évoquant les obstacles au développement du tourisme brassicole.

Mais l'inscription, le 18 juillet dernier, par un vote du Sénat, de la bière au «patrimoine culturel, gastronomique et paysager protégé de la France», au même titre que le vin et le Champagne, peut aider «à faire évoluer l'image du Nord et de la bière», estime-t-il.

«Grand amateur de bière», mais habitué des visites de caves à vins avec son épouse, Jean-Claude, originaire de Béthune (Pas-de-Calais), pénètre pour la première fois dans une brasserie, «une autre façon de découvrir la région», souligne-t-il. «La bière, c'est l'identité du Nord. C'est une façon de développer le tourisme local», abonde l'une de ses amies, Pascale, qui avait «déjà découvert des brasseries, mais ponctuellement, un week-end ou deux sur l'année».

«On parle à nouveau de la bière, les gens ont envie de redécouvrir leur patrimoine, ont besoin de retourner aux racines, de retrouver des produits de terroir», se réjouit Gérard Sonnet, secrétaire général du Syndicat des brasseurs du nord.

Pour «répondre à cette nouvelle dynamique de visitorat», le syndicat planche depuis plusieurs mois sur la création de routes de la bière, «qui seront visibles matériellement grâce à un panneautage» et qui pour permettre «un cycle de visites compatibles» ont été délimitées en quatre grandes zones, dans les Flandres intérieures, sur le littoral, dans le bassin minier et dans l'Avesnois, précise-t-il.

«L'enjeu, c'est que la bière devienne le produit identitaire, agroalimentaire du Nord/Pas-de-Calais, que demain, on se dise: la bière, c'est nous», affirme Gérard Sonnet.