Le Comité Colbert, qui réunit 75 maisons de luxe françaises, dont Chanel, Dior ou Hermès, a appelé les pouvoirs publics à agir contre les agressions et l'insécurité à Paris qui font fuir des touristes et menacent des emplois dans la capitale, destination phare du tourisme mondial.

«Paris est en train d'acquérir une réputation d'insécurité absolue. Il faut vraiment une prise de conscience (...), car le tourisme étranger est une manne pour notre ville et cette insécurité est une attaque directe contre l'emploi», a jugé vendredi la déléguée générale du Comité, Elisabeth Ponsolle des Portes.

«Nous avons des remontées sur l'ensemble des réseaux et des clients des maisons (du Comité) sur le fait qu'ils perçoivent la ville de Paris comme une ville qui n'est pas du tout sûre», ce qui est «vraiment grave», a-t-elle dit devant la presse, car «une réputation? c'est vite fait».

Le secteur du luxe tire une bonne partie de ses profits du tourisme en plein boom des nouvelles clientèles riches issues de pays émergents, en particulier les Chinois, qui assurent déjà à eux seuls un quart des achats de luxe dans le monde.

Et les maisons du Comité Colbert (Yves Saint Laurent, Louis Vuitton, Céline, Givenchy, Guerlain, Cartier, Boucheron, Hédiard, Baccarat, de grands noms du champagne, de l'orfèvrerie, des palaces...) en profitent normalement à plein à Paris.

Or les agressions, en particulier de Chinois, habitués à avoir sur eux de grosses sommes d'argent liquide, ont défrayé la chronique ces derniers mois dans la capitale française et inquiètent jusqu'en Asie. Les gardiens du Musée du Louvre ont fait grève en avril pour dire leur ras-le-bol des pickpockets de plus en plus nombreux et violents.

Le gouvernement et le président François Hollande ont assuré avoir pris la mesure du problème et promis de veiller à la sécurité des touristes étrangers.

New York en exemple

«Il faut une politique adéquate. Il n'y a pas que les touristes qui sont agressés», note Mme Ponsolle des Portes. «Il y a quelques années, c'était aussi la réputation de New York d'être hyper dangereux. Une politique de zéro tolérance a été menée par le maire et aujourd'hui tout le monde sait que New York est une ville sûre».

Les maisons de luxe n'ont pour l'instant aucun chiffre sur un manque à gagner qui serait lié à l'insécurité. Mais «alors que le tourisme asiatique notamment se développe, on ne voudrait pas qu'il dévie vers Milan ou Londres parce qu'à Paris il y a trop de risques», a lancé Mme Ponsolle des Portes.

D'autant que la concurrence est rude, beaucoup de pays affichent «des objectifs de tourisme».

Interrogée sur une limitation des paiements en espèces évoquée par Matignon, la déléguée générale du Comité Colbert l'a déplorée: «on a dit qu'on était contre» le plafond de 1000 euros évoqué et «ce qui va peut-être nous sauver, c'est que la Commission européenne réfléchit à un texte qui fixerait à 7500 euros le montant (maximum) pour les paiements en argent», a-t-elle indiqué.

«Si on ajoutait à la réputation d'insécurité de Paris la question de la distorsion de concurrence sur les achats... cela ferait un peu beaucoup», a-t-elle jugé.

Après plusieurs années d'une croissance à 10%, le marché mondial du luxe devrait ralentir en 2013, selon le cabinet Bain & Company, comme l'illustre déjà un tempo plus lent ces derniers mois dans la progression des ventes des grands groupes du secteur (LVMH, Richemont, PPR...).

Mme Ponsolle des Portes appelle toutefois à ne pas tirer «de conclusions hâtives» sur 2013. La filière luxe est solide, note-t-elle.

Les emplois directs dans les maisons de luxe du Comité Colbert ont progressé de 10% entre 2006 et 2012, passant à 37 500. Le luxe emploie en France plus de 100 000 personnes, selon le ministère de l'Economie. Au sens large, il assurerait 3% du PIB européen et 10% des exportations, selon une étude de Frontier Economics publiée l'an dernier.