«Exceptionnel», «génial», «hallucinant»: c'est tout sourire, mais certains bien pâles, que les premiers passagers payants de l'Airbus A300 Zéro-G ont débarqué vendredi à Bordeaux, dans le sud-ouest de la France, après un baptême d'apesanteur.

«On est Spiderman, Superman, tous les super héros à la fois», a raconté Mathias Fauchelle, 28 ans, qui a volé avec son père Gery, peut-être le plus heureux des deux.

Répartis en quatre groupes aux noms évocateurs d'espace -Jupiter, Lune, Mars, Saturne- et vêtus d'une combinaison de vol grise, les 40 passagers, dont six femmes, ont pu vivre cinq minutes d'apesanteur cumulée, en compagnie de l'astronaute français Jean-François Clervoy, une expérience réservée jusqu'ici en Europe aux scientifiques.

Le vol au départ de la base de Novespace, la filiale de l'agence spatiale française (CNES) propriétaire de l'avion, les a conduits au-dessus de l'Atlantique. Là, ils ont pu profiter de 15 paraboles de 22 secondes, espacées de 2 minutes.

«Le plus impressionnant, c'est la première. Tout le monde éclate de rire», a témoigné Gery Fauchelle. «Une seule fois 22 secondes, rien que ça, ça n'a pas de prix».

Sur les 40 passagers, 28 avaient payé leur billet 6000 euros (8000 $), les autres, dont 5 étudiants, ayant gagné un concours du Centre national d'études spatiales (CNES).

Jean-François Clervoy, le président de Novespace et super instructeur à bord, a embarqué avec dans une poche de sa combinaison «Billy Bob», «un Astrobear»... une petite peluche.

Au programme pour bien comprendre ce tout nouvel environnement: jeu avec une bulle d'eau colorée, vol en groupe...

«Il y avait beaucoup de cris dans l'avion, beaucoup de joie. Tout le monde est retombé en enfance», a décrit l'astronaute.

«On a l'impression que votre poids s'en va. Un peu comme on peut le sentir parfois dans l'eau, mais en parfait», a tenté d'expliquer Jean-François Soleil.

Pour autant, plusieurs passagers ont souffert du mal des transports, «à des degrés divers», selon Franck Lehot, chef instructeur. L'un d'eux est resté un moment dans l'avion après l'atterrissage, pris en charge par le médecin à bord.

«C'est incroyable, exceptionnel, mais éprouvant physiquement», a reconnu Jonathan Bénéteau, animateur à l'association Cap Sciences à Bordeaux, lauréat du concours du CNES. Débordant d'enthousiasme avant le vol, malade pendant, le jeune homme n'en est pas moins ravi de l'expérience.

«C'est trop bon»

La majorité des passagers étaient Français, dont un financier venu tout spécialement du Japon. Mais il y avait aussi des Suisses, des Belges, une Turque, Ahu Aysal Kerimoglu, propriétaire d'un hôtel sur le Bosphore.

Véronique a fait un cadeau-surprise à son mari Carlos, Cubain. Le jeune couple vit en Angola.

Une autre passagère venue de Suisse, Liliane Innocenzi, avait déjà effectué un premier baptême aux États-Unis en 2010: «Quand vous y avez goûté, vous en reprenez, c'est trop bon», a-t-elle confié.

La journée avait commencé par un briefing au cours duquel ont été données les consignes de sécurité et des indications pour profiter au mieux de cette expérience exceptionnelle: éviter les déplacements brusques, par exemple, sous peine de collision avec son voisin ou la paroi de l'avion.

L'atmosphère s'est ensuite progressivement détendue autour d'une collation à la bonne franquette -sandwichs et soda-, partagée par les membres d'équipage, dont le commandant de bord Eric Delesalle, qui maîtrise parfaitement le vol parabolique.

«On évolue pas très loin des limites de l'avion, mais toujours avec des marges de sécurité», a-t-il expliqué.

À l'atterrissage, un solide buffet attendait les passagers, avant la cérémonie de remise des diplômes.

Le prochain vol commercial de l'A300 Zéro-G, déjà complet, aura lieu le 23 juin, au Bourget, près de Paris, pendant le Salon international de l'aéronautique et de l'espace. Un troisième est programmé cette année, le 25 octobre, à nouveau depuis Bordeaux. Les places seront mises en vente le 28 mars.