Lorsque le taxi franchit la grille du Saint James, on se croirait dans un conte de fées. Ou dans un album de Tintin. L'hôtel de luxe ressemble à s'y méprendre au château de Moulinsart. Or, nous ne sommes pas à Cheverny, mais en plein XVIe arrondissement. Une fois à l'intérieur, nous ne sommes plus à Paris, mais dans l'imaginaire délirant de Bambi Sloan. Nous avons rencontré la reine du «crazy-chic» dans la Ville lumière au printemps dernier.

Il y a bientôt trois ans, Mme Sloan a hérité du monumental contrat de «relookage» total du Saint James. Construit en 1892 à l'emplacement de l'ancien aérodrome de Paris, le château a accueilli pendant près d'un siècle des étudiants français «méritants», destinés à devenir l'élite du pays. C'est en 1986 qu'il est devenu hôtel. À son ouverture, la décoration chic et épurée était signée Andrée Putman. Rachetée en 1992 par la famille Bertrand, la superbe demeure néo-classique était prête pour un changement extrême.

«Les propriétaires du Saint James avaient vu ce que j'avais fait dans un restaurant du Marais, qui s'appelle Derrière, raconte Bambi Sloan, bien calée dans un des fauteuils du très sélect Club Saint James. Ils m'ont montré l'hôtel et m'ont demandé de réfléchir au lieu. J'étais impressionnée par ce bâtiment de toute beauté, avec des volumes insensés, je me suis donc demandé ce que je ferais si ce lieu était à moi. Pour une maison, c'est immense, mais pour un hôtel, c'est assez petit, quand même. J'ai finalement décidé de le traiter comme une grande maison de la haute bourgeoisie.»

Mais ces «bourgeois» auxquels a pensé Mme Sloan ne sont pas du type conservateur. Ce sont en fait des aristocrates dévergondés, qui se foutent pas mal des qu'en-dira-t-on. «Essayer de plaire à tout le monde, c'est le meilleur moyen de faire du porridge!», lance celle qui n'en fait qu'à sa tête.

La créatrice aurait pu se simplifier la vie en déclinant un ou deux décors sur les 48 chambres. Elle a plutôt décidé d'y aller pièce par pièce, avec des thèmes différents pour chaque chambre - Funky-tonkinoise, Adamie la blanche, Ceci n'est pas une chambre, La dernière reine d'Écosse, etc. «Ce fut tout un processus.»

Certes, il y avait du budget, mais ce n'était pas délirant, confie la designer. Grande adepte du mix and match, Bambi Sloan aime «prendre à Paul pour redonner à Jacques». Elle achètera des tissus qui coûtent les yeux de la tête, puis compensera avec de la brocante. «Les plus belles oeuvres sont le pur produit du manque de moyens», lance l'artiste, qui a un faible pour les vieux jouets abîmés.

Bien qu'elle voue un culte à la grande Madeleine Castaing (1894-1992), antiquaire et décoratrice de renommée, Bambi ratisse très large, en matière d'inspiration. Elle se laissera influencer par la mode, par un après-midi au musée, par un film - «de My Fair Lady à La belle et la bête de Cocteau». «Les objets m'appellent, me sautent aux yeux. Ça peut être un objet Happy meal du McDonald's comme un truc plus luxueux. Mais la plupart du temps, c'est très ludique.»

Saint James Paris

XVIe arrondissement

saint-james-paris.com

À partir de 350 euros ( 450 $ ) la nuit