Découvrir les meilleurs vignobles de Bourgogne à vélo avec une bande de copains. Un projet tout simple, ludique à souhait. Puis quelqu'un a dit: et si on se louait une pénichette au lieu de loger dans des hôtels? C'est là que les problèmes ont commencé...

On devait prendre possession de l'embarcation à Saint-Léger-sur-Dheune. Mais au moment du voyage, le niveau de la Dheune était trop bas, faute de précipitations suffisantes. Nous voici donc à Loisy, 70 km à l'est. Allez savoir pourquoi, là, il avait assez plu...

Tant pis pour les billets de train non échangeables, et surtout pour les grands crus tant désirés: le nouveau trajet, sur la Seille puis la Saône, passe trop loin des vignobles pour qu'on puisse s'y rendre à bicyclette. En une semaine complète dans la région, on n'apercevra pas un cep de vigne. Adieu Mercurey, Pommard, Meursault, Puligny-Montrachet...

C'est un départ!

Premier jour à bord, premières écluses. Et le constat qu'il faut être au moins trois pour y faire transiter ce navire de 15 mètres de long, qu'il faut rendre presque 300 km en amont après avoir passé 21 écluses et 2 tunnels. Conclusion: la manoeuvre d'abord, au diable la bicyclette, ce sera pour une autre fois.

Un flop monumental, donc, cette semaine de vacances en Bourgogne? Eh bien pas du tout. Contre mauvaise fortune, il fallait faire bon coeur. On était tous embarqués dans le même bateau, c'est le cas de le dire, autant en tirer le meilleur parti possible.

D'abord le changement de rivière : s'il nous a privés des vignobles, il nous a permis de découvrir Tournus, une petite ville mignonne avec une abbaye romane magnifique. La vieille France comme on l'imagine, avec ses cafés, son jeu de boules, sa langueur dominicale. C'est d'ailleurs ce qu'on apprend le plus vite en péniche: prendre son temps, casser le rythme, apprécier chaque moment qui passe.

Surtout qu'ils ne passent pas vite. Peut-être parce qu'on était en Bourgogne, mais cette grosse bête avançait comme un escargot: de 8 à 10 km heure la pédale au fond. Sans compter les écluses. De vieux cyclistes variqueux nous dépassent sur les chemins de halage, mais très vite, on s'en fiche et on se laisse porter. Les berges défilent, les cygnes - des tonnes de cygnes - font leur toilette avec leur grâce habituelle en nous regardant nonchalamment glisser vers des bourgs qu'on n'aurait jamais découverts autrement.

Vous connaissez Verdun-sur-le-Doubs, Seurre, Saint-Jean-de-Losne, Auxonne ou encore Gray et Ray-sur-Saône? Le genre d'endroit qu'on ne visitera pas spontanément en voiture, mais qu'on découvre avec ravissement une fois à quai.

Savoir ce qu'on veut

Un séjour en pénichette peut être aussi exaltant que frustrant; il s'agit de savoir à quoi s'en tenir. D'abord, la lenteur du véhicule: on passe plus de temps à naviguer qu'à visiter. Et encore, on était légèrement hors saison, sans presque jamais devoir attendre à une écluse, un tunnel. Le fait est aussi qu'un canal n'est pas une route. On ne peut bifurquer, changer d'idée, revenir en arrière. D'où le sentiment, parfois, d'être un peu prisonnier à bord.

Autre mise en garde, la taille de l'engin. Toujours prévoir plus grand. Nous étions six dans une pénichette conçue pour accueillir un maximum de 12 personnes. Quatre (petites) cabines de deux lits, avec une (mini) salle de bain privée chacune. On aurait pu pousser à huit passagers, mais pas plus. Surtout si, d'aventure, le temps est maussade.

Nous avons heureusement eu une semaine superbe, passée à lire et à siroter des boissons enivrantes sur le pont autour de la grande table. Mais s'il avait plu, la dynamique n'aurait pas été la même malgré la cuisine hyperfonctionnelle, le grand coin-repas, les services (eau chaude et froide, électricité, toilettes) qui fonctionnent en continu, qu'on soit branchés dans une marina ou seuls au bord du canal.

Car les péniches sont livrées avec des pieux et des câbles. On peut s'amarrer partout en un tour de main - en pleine campagne comme dans le coeur des villages - pour aller dîner ou dormir le soir. On se retrouve alors en totale autonomie, mais avec tout le confort, la sérénité, le silence qu'on peut imaginer. Les vignobles et le vélo paraissent alors bien secondaires...

Repères

Plusieurs firmes louent des pénichettes, de toutes les tailles: des petites pour couple aux grandes pouvant loger jusqu'à 12 personnes (bien tassées...). Notre géante a coûté, chez Locaboat Holidays, 3213 euros ( 4230 $ ) pour une semaine en mi-saison, plus un forfait optionnel de 413 euros ( 544 $ ) -carburant, assurance, vélo, ménage, caution- que nous n'avons pas regretté une seconde. Surtout après avoir tordu une rampe, et encore moins en voyant le préposé, tout sourire, venir chercher la clé coincée dans l'engrenage de la toilette...