Toutes choses étant relatives, Toulouse est une ville assez petite. On lui trouve une atmosphère presque villageoise, en tout cas bon enfant. En marchant sans but dans ses étroites rues, on finit invariablement par revenir à son point de départ. C'est délicieux parce que, chaque fois, on découvre quelque chose qu'on n'avait pas remarqué auparavant. Délicieux aussi parce que, à proprement parler, ce qu'on découvre met constamment l'eau à la bouche.

Ici, ce qu'on appelle si joliment les «marchés de plein vent» (c'est-à-dire en plein air) disputent aux marchés couverts la palme du produit frais. Le dimanche, autour des églises, les éventaires envahissent la place, et l'on peut aisément croire qu'ils attirent plus d'adorateurs que la messe. Ainsi, pour repérer le marché Saint-Aubin, qui s'installe tous les dimanches jusqu'à 13h au pied de l'église du même nom, nul besoin de plan: il suffit, en partant du centwre-ville, d'aller à contre-courant des gens qui en reviennent, leurs cabas remplis de victuailles.

Bientôt, les parfums d'épices et de poulet grillé vous happent et, soudain, dans l'air rempli du caquètement des volailles et du jeu enfiévré d'un duo d'accordéonistes, encore étourdi par le décalage horaire, vous voilà errant comme un zombie entre les étals des petits producteurs. Figues violacées à 2€ la livre (oui, oui la livre!), fleurs coupées, fines herbes, piles de cochonnailles, pain frais au bon parfum de levain... La foule se presse sans hâte dans cette atmosphère de fête foraine, on n'a pas assez d'yeux pour tout embrasser.

Du côté des «couverts», le marché Victor-Hugo est peut-être le roi (celui des Carmes, un peu moins cher, se bat vaillamment pour le titre). Tous les jours (sauf le lundi), on y trouve les meilleurs produits dans une abondance qui frise le délire. Là, à travers cette débauche de parfums et de couleurs, il faut absolument goûter au jabugo, jambon cru d'Espagne, qu'un garçon vous détaille en fins copeaux à l'aide d'un instrument plus proche de la machette que du simple couteau. On aura pour 6 ou 8€ quelques grammes d'une viande si fine, si délicate, si fondante qu'on la laisse se dissoudre en bouche comme une hostie, en remerciant le Créateur. Amen!

Photo: Fabienne Couturier, La Presse

Que dire des kilomètres de saucisses qui pendent partout, de ce boudin noir serti de gras qui semble si crémeux, des abats qu'on n'ose même pas imaginer (babine de boeuf?), de ces fromages disposés comme des bijoux précieux... Oh, sortons, sortons avant de défaillir.

Mais dans les rues, ce n'est guère mieux. Juste là, au coin de la rue de Remusat, l'épicerie fine Busquets tient boutique depuis des lustres. On y trouve les armagnacs les plus fins et des vins dont le prix dérisoire mettra les larmes aux yeux du Québécois moyen.

Plus loin, rue des Tourneurs, on se laissera charmer par la vitrine du Paradis gourmand, qui porte à des sommets l'art de la confiserie: macarons multicolores, chocolats pralinés, violettes givrées au sucre (spécialité toute toulousaine)... Même si l'on n'a pas, comme disent nos amis les Anglais, la «dent sucrée», impossible de résister! La patronne, toute gentille, vous dira d'aller faire aussi un tour à son autre Paradis, gourmet celui-là, où l'on trouvera tous les produits fin (et régionaux) imaginables, des haricots tarbais au foie gras en passant, bien sûr, par le cassoulet.

Parlant de cassoulet, comment venir à Toulouse sans en déguster un? Quoi? Il est 7 h du matin à Montréal? Et alors? Ici, il est midi passé. Il faut bien manger... Et un cassoulet, un, avec un verre de rouge s'il vous plaît. Ça se mange sans faim, comme ils disent!

Photo: Fabienne Couturier, La Presse

Tout de même, pour digérer, allons marcher un peu, malgré ce vent d'apocalypse. C'est le vent d'autan (mot provençal, du latin altanus, «vent de la haute mer»), qui souffle si souvent et si fort à Toulouse qu'on installe des panneaux à l'entrée des parcs: «Attention, fort vent, chute de branches». Et ne faites pas aux Toulousains l'affront de confondre «leur» vent d'autan avec le mistral ou la tramontane. Ce n'est pas du tout pareil!

Se perdre dans ces rues aux noms si évocateurs (du Canard, de Perchepinte, des Quêteurs, des Couteliers...) est un vrai bonheur. Au couchant, la Ville rose s'anime soudain et porte mieux que jamais son surnom. Piétons, vélos, scooters et voitures se partagent le pavé en bonne intelligence, les terrasses se remplissent pour l'apéro...

Justement, au hasard de la promenade, rue des Tourneurs, comment ne pas remarquer le Père Louis? Ce minuscule estaminet n'a apparemment pas changé depuis sa fondation, en 1889. Au zinc (un vrai de vrai!), il n'y a que cinq tabourets. Patrick, le patron, s'affaire du bar à la cuisine, d'où il rapporte des tartines de confit d'oie et des assiettes de jambon cru.

Hélène, sa complice, sert le quinquina maison («Quinquina: vin apéritif fait d'une écorce amère aux propriétés toniques et fébrifuges fournie par diverses espèces d'arbustes du genre cinchona» - merci Petit Robert!) dans de toutes petites coupes qu'elle remplit à ras bord. Peut-être est-ce pour que le client, s'il en renverse en portant le verre à sa bouche, comprenne qu'il a assez bu? «Non, dit le patron. C'est qu'il faut hurluper.» «Hurluper», c'est boire à même le verre posé sur le comptoir, comme la vache à l'abreuvoir.

Et Hélène d'ajouter, avec ce bel accent ensoleillé: «Chez le Péreu Louis, on rammplit bieng les verreus, parceu queu dang la vie, le plésir, y a queu ça deu vré!»

Ah, ces Toulousaings!

Les frais de ce séjour ont été payés par l'Office du tourismede Toulousewww.toulouse-tourisme.com.Transport assuré par Air Transat.

Photo: Fabienne Couturier, La Presse

Le pays cathare



Le pays cathare (du grec , «pur») tire son nom d'une secte chrétienne fondamentaliste qui, au Moyen-Âge, a proliféré dans la région d'Albi. Les cathares contestaient l'autorité du pape, qui a lancé contre eux des croisades sans merci. Ils trouvèrent refuge dans des châteaux de la région de l'Aude, protégés par des nobles qui, eux, en avaient contre le très catholique roi Louis et ses velléités d'expansion territoriale.

Le «pays cathare» conserve de ce passé agité de nombreuses ruines de châteaux, dressées au milieu de paysages de contes de fées.

La richesse du terroir, qui abonde en vins, truffes et autres délices culinaires, est maintenant labellisée. La marque «Pays cathare», créée en 1992, regroupe des produits et services (hôtellerie, restauration, spécialités culinaires, vins, artisanat, etc.) qui doivent répondre à des cahiers de charges très précis.

www.payscathare.org

Repères

S'y rendre

Air Transat offre une liaison directe Toulouse-Montréal. L'aéroport est à 20 minutes du centre-ville et est très bien desservi par les transports en commun.

Se déplacer

Rien de plus simple, et nul besoin de s'encombrer d'une voiture: tout se fait facilement à pied. Il y a aussi un métro, et même un service de vélo libre-service similaire au Bixi (mais encore moins cher!).www.velo.toulouse.fr

Se loger

L'offre hôtelière est riche et diversifiée, mais la formule de l'appartement peut se révéler intéressante. The Lofts (eh oui, en anglais...) offre à louer des studios ou des appartements avec cuisinette qui peuvent accommoder jusqu'à quatre personnes, dans un haut immeuble de Toulouse (vue panoramique sur la ville en prime).www.thelofts.fr

De bonnes adresses à Toulouse

Busquets, vin, armagnac, épicerie fine

10, rue Rémusat (à deux pas du marché Victor-Hugo)

Trouble obsessionnel culinaire (TOC), superbe magasin d'accessoires de cuisine

21 Place Victor Hugo

www.toc.fr

Le Paradis gourmet, éicerie fine

15, place du Puits-Clos

Le Paradis gourmand, confiserie à l'ancienne

45, rue des Tourneurs

www.leparadisgourmand.fr

Photo: Fabienne Couturier, La Presse