Ensablé depuis des décennies, le Mont-Saint-Michel en France redevient petit à petit une île grâce à l'entrée en service, il y a un an, d'un barrage, avec des lâchers d'eau qui balaient peu à peu les sédiments de la célèbre baie.

«Le concept est bon et les résultats sont supérieurs aux attentes», se félicite François-Xavier de Beaulaincourt, le directeur du syndicat mixte de la Baie du Mont-Saint-Michel, maître d'ouvrage de l'opération.

Les guides officiels qui accompagnent chaque année plus de 100 000 marcheurs pour des traversées de la baie à marée basse, ont constaté le changement: «certains parcours sont devenus impraticables», dit Jacky Gromberg, établi à Avranches.

Car la physionomie du site a changé: dopé par le barrage, le Couesnon, le petit fleuve côtier qui passe près du rocher, a quadruplé de largeur et est sorti de son lit, recommençant à «divaguer» comme espéré.

Cantonné dans un tracé rectiligne côté ouest pendant une quinzaine d'années, le cours d'eau contourne actuellement le Mont pour en baigner le côté est et commence à grignoter les prés salés, ces dépôts sédimentaires qui menaçaient à terme d'encercler entièrement le site, l'un des plus visités de France.

Le phénomène devrait s'accélérer à partir de 2014, quand des travaux de dragage en amont du barrage auront fait passer sa capacité à 1,2 million de mètres cubes, contre 400 000 actuellement, selon M. de Beaulaincourt.

À cette date devrait également être supprimée la digue-route qui relie le Mont au continent et dont la construction, en 1880, avait provoqué le processus d'ensablement. Elle sera remplacée par un pont.

À l'horizon 2030, «on devrait être revenu à la côte d'avant la digue. On aura aidé le Couesnon à défaire le phénomène d'ensablement que l'homme avait initié», estime le responsable.

Pour autant, le processus, unique au monde et surveillé par des lasers, reste soumis à des aléas, à commencer par le comportement futur du Couesnon.

«L'enjeu est qu'il divague régulièrement, comme il le faisait naturellement, pour balayer la baie», précise Romain Desguée, chargé de l'exploitation du barrage et du suivi hydro-sédimentaire.

Pour les randonneurs, «la complexité s'est renforcée» comme le dit Olivier Ribeyrolles, un guide de Dragey. «Au lieu d'évoluer quatre fois par jour avec les marées, le sol est modifié six fois avec les lâchers. Mais au final le site sera embelli», explique-t-il.

Pour Sylvie Karczewski, gérante de la société de guides Découverte de la baie à Genêts, la nouvelle vitalité du Couesnon «remet un peu de piquant dans la traversée».

«Depuis que le cours du Couesnon s'était fixé, la baie était devenue un boulevard, on voyait même des gens y faire du vélo. Le fait qu'elle redevienne un peu plus capricieuse n'est pas un mal», estime-t-elle.

Mais «les lâchers d'eau deux fois par jour réclament une vigilance accrue», souligne Jacky Gromberg.

Les pompiers locaux ont renforcé leur dispositif de prévention pour les particuliers tentés de s'aventurer seuls.

Le coût total du projet de désensablement, qui prévoit la construction du pont et de nouveaux parkings d'ici à 2014, est évalué à 204 millions d'euros dont 164 financés par l'État et les collectivités. Le barrage, entré en service en mai 2009, a coûté une trentaine de millions d'euros.