On penserait qu'un lieu où se retrouvent en même temps des oeuvres de Léger, Braque, Matisse, Chagall, Bonnard, Lurçat ferait courir les foules et qu'il faudrait faire la queue pour le visiter. Pas toujours.

Pourtant située dans un décor grandiose, sur le plateau d'Assy, face au mont Blanc, la petite église Notre-Dame-de-toute-Grâce reste un lieu méconnu du patrimoine artistique et architectural français.

 

Sans être difficile, son accès est quand même limité par le fait qu'il faut quitter les grandes voies de circulation pour s'y rendre. Mais on est ici à moins de deux heures de route de Lyon et de Grenoble et tout près de Chamonix et de Genève.

Et qu'est-ce qu'on trouve de si intéressant à Passy?

Une petite église construite dans les années 30 en pierre du pays et dont la structure évoque le chalet savoyard (semblable à ce qu'on appelle au Québec le «chalet suisse»), et qui est considérée comme une des meilleures illustrations du renouveau de l'art sacré au XXe siècle.

Avant de devenir le pays des loisirs d'hiver, le plateau d'Assy s'est d'abord développé à partir des années 20 avec la construction d'un imposant réseau de sanatoriums destinés aux personnes atteintes de tuberculose; à son apogée, dans les années 50, il comptait 23 établissements et 2000 lits. Des ecclésiastiques entreprirent de faire construire à Passy cette église pour laquelle ils firent appel aux plus grands noms de l'art moderne du milieu du siècle.

L'un de ces religieux était le père dominicain Marie-Alain Couturier, qui fut au centre du renouvellement de l'art sacré en France et qui effectua durant la guerre un long séjour à Montréal; il contribua aussi au renouvellement de l'art sacré et de l'architecture religieuse au Québec à partir des années 50.

Tout le mur de la façade principale de l'église est occupé par une mosaïque de Fernand Léger. Dans l'église, on trouve une immense tapisserie de Jean Lurçat sur le mur du choeur. Les autels latéraux sont ornés d'oeuvres d'Henri Matisse, Georges Braque et Pierre Bonnard; les fonds baptismaux ont été décorés par Marc Chagall et on trouve des oeuvres de plusieurs sculpteurs importants du milieu du siècle ainsi que des vitraux tous plus spectaculaires les uns que les autres.

L'une de ces oeuvres, un Christ en croix de bronze de la sculptrice Germaine Richier, montrant un supplicié «pétri par la souffrance», fut à l'origine d'une telle controverse dans l'Église de France que l'évêque du diocèse ordonna qu'elle soit retirée du choeur.

En général, d'ailleurs, l'ornementation de cette petite église de campagne provoqua de fortes réactions dans les milieux catholiques traditionalistes. Le fait que tous ces artistes étaient loin d'être des dévots joua également un rôle important dans ce qu'on appela «la querelle de l'art sacré». Le père Couturier, qui n'avait pas peur de la controverse, disait qu'il préférait faire appel à «des hommes de génie sans la foi qu'à des croyants sans talent».

Le résultat de cette démarche originale se retrouve dans cette véritable galerie de l'art sacré de facture résolument moderniste qui vaut vraiment le détour.

Office de tourisme de Passy www.passy-mont-blanc.com/art-culture.asp