La Hongrie, connue dans le monde entier comme le pays du goulasch, tente depuis peu sa chance dans un genre nouveau, la gastronomie fine, grâce à un groupe de chefs innovateurs mais qui ont surtout trouvé l'inspiration à l'étranger.

«Il y a un fossé géant entre où nous nous trouvons et où nous croyons être en matière de cuisine», explique Tamas B. Molnar, directeur de l'Association hongroise gastronomique (MGT), un groupe de chefs, de critiques gastronomiques et de vedettes décidés à réformer profondément la culture gastronomique magyare.

La majorité des Hongrois croient, comme cinq personnes sur six interrogées par l'AFP au centre de Budapest, que le poulet-paprika et le ragoût de boeuf appelé goulasch sont depuis des décennies au zénith de la cuisine internationale.

Mais la triste réalité est qu'on manque d'ingrédients de qualité, de clients connaisseurs et de chefs innovateurs, selon Tamas B. Molnar: «Même le grand chef français Paul Bocuse a besoin d'ingrédients de qualité», souligne-t-il en notant que les chefs hongrois exigeants ne peuvent les trouver qu'en dehors des frontières du pays.

«Les légumes et jusqu'à 90% de la viande viennent de l'étranger», selon Viktor Segal, 41 ans, chef cuisinier du Stand Bistro, un établissement à la mode dans le centre de la capitale. Lui-même s'est fait la main durant treize ans dans des restaurants de haut niveau en France, à Lyon et Paris, avant de revenir à Budapest en 2004.

Son jeune collègue Tamas Szell, 26 ans, qui règne sur les fourneaux du restaurant Onyx, peine, lui aussi, à trouver des tomates ou du boeuf de qualité: «J'espère que le choix des ingrédients de qualité va augmenter, mais j'espère aussi que le public va comprendre tôt ou tard», souligne-t-il en précisant que le client lui-même était un des obstacles sur la voie vers la gastronomie fine.

«Ces dernières décennies, les Hongrois se sont transformés en une nation de gloutons, où se goinfrer est pratiquement devenu une vertu masculine», selon Tamas B. Molnar.

Tamas Szell acquiesce et note que le consommateur hongrois moyen préfère un seul plat de résistance bourratif à une suite de plats variés joliment servis sur des assiettes de designers.

De plus, il a horreur d'attendre, préfère avaler son plat rapidement. Aussi, même si maintenant il faut réserver sa table pour le déjeuner au Stand, les clients ont mis longtemps à comprendre que la cuisine avec des ingrédients frais prend du temps.

«Alors qu'ailleurs on va au restaurant aussi pour s'imprégner de culture culinaire, en Hongrie on y va encore essentiellement pour manger», selon Tamas Szell, qui propose des variations de cuisine-fusion inspirées de plats asiatiques et européens.

«Les Hongrois qui voyagent reviennent avec le souvenir de goûts et textures exotiques qu'ils souhaitent retrouver en Hongrie», déclare Viktor Segal.

De nouvelles épices, des vieilles recettes revues et corrigées, de la cuisine-fusion permettent ainsi à la jeune génération de chefs hongrois de percer tout en remontant le niveau de la gastronomie magyare.

Même si les enseignants des écoles hôtelières rechignent à changer leurs méthodes appliquées depuis 35 ans, il y a de l'espoir, selon Tamas B. Molnar. Selon lui, une dizaine d'établissements mériteraient d'obtenir une étoile Michelin, dans la prochaine édition du célèbre guide gastronomique français.