Nous arrêtons brusquement la voiture et entamons un demi-tour. Planté sur le bord de la route, un écriteau indique un monastère qui ne figure pas sur nos cartes. Nous engageons la voiture sur un chemin de terre qui grimpe en lacets serrés, en priant pour que personne n'arrive en sens inverse.

La route finit par déboucher sur une petite chapelle blanchie à la chaux entourée d'herbes desséchées par le soleil.

L'endroit est si beau qu'il donne le goût de vendre ses biens et d'annoncer à son patron la grande nouvelle: on ne reviendra pas.

Au loin, les montagnes bleutées du massif du Pirin se détachent sur un ciel sans nuages.

Un vieil homme édenté relève la tête et se dirige vers nous; une chèvre le suit en faisant tinter sa cloche.

«Panorama!» s'exclame l'homme en étendant les bras. C'est le seul mot que l'on aura compris du monologue en bulgare qu'il persiste à nous livrer malgré notre évidente incompréhension.

Un colosse surgit soudain d'on ne sait où pour joindre sa voix à cette «conversation». Devant nos haussements d'épaules et nos sourires, il me balance sans prévenir un violent coup de poing sur l'épaule avant de m'agripper par le cou... en rigolant.

On finira par comprendre qu'il s'appelle Grigor et qu'il est bien content de nous voir. Et que de toute évidence, les touristes n'affluent pas dans son petit coin de paradis.

Notre voyage en Bulgarie aura été à l'image de cette rencontre. Une sacrée belle surprise.

Nous avions décidé de laisser la côte de la mer Noire aux touristes pour plonger au coeur du pays. Au menu: Sofia, la capitale, le monastère de Rila, les montagnes du Pirin et la campagne qui s'étend jusqu'aux frontières de la Grèce.

Caricaturons. On s'était préparés à un pays un peu gris, un peu déglingué, où les gens mangent des patates en priant pour des jours meilleurs.

On a découvert une terre baignée de soleil, tantôt moderne, tantôt figée au Moyen Âge, mais toujours soignée et imprégnée d'un charme bien européen.

Dans les villages, les vieilles dames filent la laine sous des porches couverts de vigne alors que passent les charrettes tirées par des ânes ou des chevaux.

Du pur folklore, et qui n'a pas encore été prémâché pour être resservi aux touristes sous forme de manger mou.

Le charme n'a été rompu qu'à un endroit. Notre guide de voyage vantait les mérites de Melnik, à quelques kilomètres de la frontière grecque. «La plus petite ville du pays» est réputée pour le vin qu'on y fabrique; hélas, les vendeurs de souvenirs l'ont déjà prise d'assaut.

Notre coup de coeur: une minuscule bourgade du nom de Dagonovo. Nous nous y sommes aventurés après avoir vu le dôme de sa mosquée depuis l'autoroute.

On a compris en voyant les femmes voilées: un village de la minorité turque! À peine débarqués de la voiture, nous étions invités à prendre le café... avec pratiquement la moitié du village à notre suite.

La Bulgarie est le genre de pays où ces découvertes sont encore possibles.

Le genre de pays où la fille de l'agence de location de voitures prendra le temps de vous négocier en bulgare de meilleurs tarifs dans les hôtels de la capitale... pendant que son collègue vous montre les photos de sa dernière pêche au brochet.

Et où vous risquez de terminer le tout par une virée des bars avec tout ce beau monde et sa bande d'amis jusqu'à ce que l'aube vous surprenne et vous rappelle que, malheureusement, vous avez un vol de retour à prendre.

Sofia : beaucoup d'action

Du trafic. Des cathédrales, des mosquées et des synagogues. Quelques musées d'intérêt. Et la plus époustouflante concentration de jolies filles au mètre carré qu'il nous ait été donné de voir de nos jeunes vies.

Sofia est une capitale moderne, cosmopolite, où l'on ne s'ennuie pas. L'ère communiste a bien laissé quelques balafres - d'immenses tours de béton autour de la ville, ou cette statue irréelle d'un soldat qui brandit une kalachnikov au beau milieu du parc Borissova Gradina.

Mais tout cela est peu visible du centre-ville. Des lieux de culte comme la cathédrale Alexandre Nevski ou celle de Svéta-Nédélia ne sont pas que de magnifiques bâtiments. Jeunes et vieux viennent s'y recueillir, y célébrer des messes, s'y marier. De l'action continuelle.

Le marché des Femmes fourmille aussi d'activité. Le musée Boïana, situé dans un étrange palais communiste à l'écart du centre-ville, est un véritable coffre aux trésors (il faut malheureusement déchiffrer le bulgare pour les identifier tous).

Quant aux cafés, terrasses et boîtes de nuit, ils sont partout.

Les indications en cyrillique apportent une touche d'exotisme... et quelques complications lorsqu'il s'agit de s'orienter. Sofia, c'est l'aventure à l'européenne.

Cela dit, la capitale bulgare n'est pas immense et on en fait rapidement le tour. Prévoyez quelques jours avant de foncer vers les montagnes, les plages ou la campagne.

Le monastère de Rila

Un bijou inscrit au Patrimoine mondial de l'UNESCO et perdu au coeur des montagnes bulgares. Même en plein coeur de juillet, les touristes étaient très peu nombreux lors de notre passage. Reste qu'il est payant de le visiter tôt le matin, lorsque le chien de la place dort encore au milieu de la cour et que le silence règne. La vision des dômes colorés qui se détachent des cimes des montagnes est magnifique.

Il est même possible de dormir au monastère. Nous avons opté pour l'une des auberges des environs - magnifiquement située au bord d'une rivière et fort animée le soir venu lorsque les Bulgares y débarquent pour trinquer et manger de la truite.

Sans réservation, il nous en a coûté 25 euros pour une chambre impeccable, climatisée et dotée d'un petit balcon d'où on entend couler la rivière.

Le massif du Pirin

Le massif du Pirin, c'est des montages, des vraies, recouvertes de forêts et coiffées de neiges éternelles. Nous avons choisi de l'explorer depuis Bansko, une station de ski qui rappelle un peu Banff, en Alberta, et très tranquille pendant l'été.

Le plus haut sommet est le mont Vihren, qui culmine à 2915 mètres.

Le hiking est considérablement facilité par l'étonnante route qui grimpe pratiquement jusqu'à la cime des montagnes. De là, les pistes de randonnées permettent de s'enfoncer directement dans les prairies fleuries encaissées entre les pics rocheux. Magnifique.

Quand oui veut dire non

On a beau être averti, il est pratiquement impossible de ne pas se faire prendre.

Certains Bulgares, les plus vieux surtout, secouent la tête de droite à gauche pour dire oui, et de haut en bas pour dire non.

L'affaire peut mener à d'absurdes et interminables quiproquos, par exemple lorsqu'il s'agit de confirmer qu'on a bien compris les indications gentiment fournies par une vieille dame. Du genre (traduction libre d'un mélange d'anglais primitif et de signes au français):

«- Donc je tourne à droite, c'est ça?

- Non, non, non, semble-t-on vous dire avec un grand sourire. À droite.

- Pas à droite? À gauche?

- C'est ça, comprend-on à partir du hochement de tête. À droite.»

En bref: apportez donc un système GPS!

Pas que des patates

Non, on ne mange pas que des patates en Bulgarie.

Si le menu diffère très peu d'un restaurant à l'autre, il a l'avantage d'être bon et suffisamment vaste pour l'explorer pendant plusieurs jours sans manger la même chose.

Notre repas bulgare préféré commence par un tarator (une soupe froide au yogourt, concombre et noix) suivi d'une généreuse portion de viande - boulettes épicées, côtelettes grillées ou saucisses. En accompagnement, on peut choisir parmi de multiples salades, la plus populaire étant un immense amoncellement de cubes de concombres, de tomates, de fromage et de jambon.

Parmi les autres spécialités, mentionnons les bâtons de poulet au sésame, le fromage frit au miel et les sashe - viande et légumes sautés servis sur une plaque grésillante inondée d'huile. Délicieux, mais comptez un bon deux jours pour la digestion.

Sachez aussi que la Bulgarie est à un cheveu de découvrir la poutine: on y engouffre d'immenses assiettes de frites recouvertes de fromage.

Comme dessert, le yogourt au miel est un incontournable.

La Bulgarie produit aussi du vin parfois fort décent. Et dans les bars, on y descend un dangereux mix de bière... et de vodka.

Transport assuré par Swiss International Air Lines.