Au milieu d'une forêt de pins, se dresse un hangar géant isolé, créé pour accueillir des dirigeables, aujourd'hui devenu «Tropical Islands», un îlot de chaleur moite en plein coeur de l'ex-RDA.

La gigantesque bulle de 66 000 m2 se voit à des kilomètres, depuis l'autoroute reliant Berlin à Dresde, au milieu du plat paysage du Brandebourg. En s'approchant, le monstre de métal et de verre donne le vertige et à l'intérieur, on quitte rapidement le manteau d'hiver pour s'acclimater aux 28 degrés ambiants.

Le parc d'attractions «Tropical Islands» est né de l'imagination d'un homme d'affaires malais, Colin Au. À l'époque patron d'une entreprise de croisières, il voyage en Allemagne, discute avec son conseiller financier, se plaignant du mauvais temps local. «C'était un jour de novembre, le temps était gris et froid», raconte Patrick Kastner, directeur des communications du site.

«Son conseiller lui a parlé de ce gigantesque hangar. Ils sont tous les deux allés le voir et se sont dits: allez, on va appliquer ici le principe d'un bateau de croisière sauf qu'au lieu d'emmener les gens loin, vers les tropiques, ce sont les tropiques qui vont venir ici. C'était l'acte de naissance de Tropical Islands».

La bâtisse, plus haute que Notre-Dame de Paris, avec ses 107 m, et vaste comme huit terrains de football, était alors inoccupée, abandonnée par l'entreprise Cargolifter, déclarée en faillite en 2002.

Sous l'impulsion de son patron, le baron Carl-Heinrich von Gablenz projetait d'y installer des dirigeables géants destinés au transport de fret, mais le projet tourna court. Et «le plus grand hangar indépendant du monde» était devenu une énorme coquille vide.

M. Au l'achète 15 millions d'euros (environ 22,5 millions$ CAN), y installe une forêt tropicale de 66 000 plantes importées d'Asie par conteneur, des grands bassins aux eaux cristallines avec chutes d'eau, des reproductions de temples cambodgiens, des répliques d'habitations balinaises, polynésiennes ou thaïlandaises pour offrir au Brandebourg «le meilleur des tropiques», disent les dépliants du parc.

Les visiteurs confient même en arriver à oublier qu'ils se trouvent dans cette région. «Oh oui», affirme en riant Désirée, 25 ans, venue avec des amis depuis Ratisbonne (Bavière, sud) passer trois jours ici «pour fuir l'hiver».

«Il y a plein de beaux endroits dans le monde, bien sûr, mais je prends aussi beaucoup de plaisir à rester dans mon pays, avec mes amis», affirme cette hôtesse de l'air qui passe une bonne partie de l'année loin d'Allemagne.

Selon M. Kastner, le parc accueille environ «2 millions de visiteurs par an», une clientèle allemande à 80%, le reste des visiteurs venant de la Pologne ou de la République tchèque. Le directeur de la communication affirme qu'au total «200 millions d'euros» ont été investis depuis la création du parc qui fête cette année son dixième anniversaire et emploie 500 personnes en CDI.

M. Au a passé la main et le propriétaire majoritaire de «Tropical Islands» est désormais une entreprise malaise, Tanjong, spécialisée dans les loisirs et l'immobilier.

En revanche, M. Kastner reste discret sur les résultats économiques du parc. Ce n'est qu'après plusieurs relances qu'il évoque «un résultat opérationnel bénéficiaire qui se compte en millions», après «trois premières années difficiles». Pour le visiteur, les tropiques ont aussi un coût, d'ailleurs principal point noir de l'endroit si l'on se réfère aux évaluations référencées sur des sites comme Tripadvisor: 34,5 euros le ticket d'entrée (51,50$ CAN) pour la journée auxquels s'ajoutent tous les extras.

«C'est cher, mais ça les vaut», assure cependant Jessica, 29 ans, Berlinoise venue avec ses deux enfants et ses sandwiches. «C'est la quatrième fois qu'on vient et on reviendra», dit-elle.

En bikini, maillot de bain et tongs, les clients se délassent, savourent un cocktail exotique ou... une bière bien allemande. La plupart d'entre eux ignorent sans doute que le site, une ancienne base de la Luftwaffe -armée de l'air - sous le troisième Reich, abritait, après-guerre et jusqu'à la chute du Mur, des avions de chasse soviétiques.

Autour de la bulle, une piste d'atterrissage de 2500 m, des abris abandonnés et quelques vestiges de bâtiments témoignent encore de ce passé. Le contraste n'en est que plus frappant, à l'ombre des cocotiers. Aujourd'hui, de russe, il n'y a plus que la troupe qui assure le spectacle du soir: «Akoya, perle des tropiques».