Les années ont passé, mais Nuremberg évoque encore tristement le nazisme, les crimes de guerre et Hitler dans l'esprit des voyageurs. Son nom rime pourtant dans les milieux spécialisés avec enfants, jeux et joujoux: la ville s'est longtemps imposée comme la capitale européenne de la fabrication des jouets et attire encore aujourd'hui le plus important Salon du jouet du monde. Virée ludique à la découverte d'un pan d'histoire méconnu de Nuremberg.

Il était une fois, il y a plus de 500 ans, une cité médiévale fortifiée entourée de grandes forêts sombres, sans princesses ni chevaliers sur leurs blancs destriers, mais peuplée d'énergiques marchands et d'artisans. Des hommes qui entreprennent de mettre à profit les vastes forêts entourant la ville pour faire en sorte que Nuremberg devienne dès le XVIe siècle l'un des pôles les plus importants de la fabrication de jouets de bois - en série, mais si fins et si délicats qu'on a peine à croire qu'ils sont faits d'arbres - distribués dans toute l'Europe par ses vendeurs itinérants. Une opération qui a connu un succès boeuf.

Les années passant, la ville développe son expertise pour répondre de mieux en mieux aux désirs des gamins: poupées, ours en peluche, théâtres de papier, alouette. Puis vient, avec l'industrialisation, l'époque des petits soldats de plomb et des jouets en fer-blanc dont les modèles se multiplient plus vite qu'un couple de jeunes lapins, et dotés de mécanismes tous plus inventifs les uns que les autres: les grenouilles sautillent, les ours font du vélo, les hélices des avions fendent l'air. Au début du XXe siècle, l'Allemagne est le principal producteur de jouets du genre et à Nuremberg, plus de 5000 personnes en ont fait leur gagne-pain. Les usines se compteront par dizaines jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.

Certes, l'Allemagne est depuis longtemps détrônée par la Chine quant au volume, mais elle peut maintenant se targuer d'offrir l'unique «route des jouets» un parcours de 300 km dans les montagnes de Franconie et Thuringe, entraînant ses visiteurs à la découverte de l'histoire et de la fabrication des jouets les plus divers qui soient.

Photo: Violaine Ballivy, La Presse

Au musée ferroviaire de Nuremberg, c'est un véritable chef de gare qui contrôle le train.

Histoire du jouet



À Nuremberg, plus importante ville du circuit, le premier passage obligé est le bien nommé Musée du jouet. Caché à l'abri des regards au détour d'une rue commerciale sans âme, dans un ancien hôtel particulier, il survole 600 ans d'histoire, des premiers hochets de métal aux premiers oursons en peluche centenaires en passant par les armées de centaines de soldats de plomb.

La valeur éducative recherchée par les parents selon l'époque est claire: au début du siècle, on veut préparer les fillettes à leur rôle de femme au foyer en leur offrant des maisons - avec des cuisines bien garnies! - ou des épiceries pour jouer à la marchande, tandis que les garçons reçoivent des soldats ou des voitures pour stimuler les carrières dans l'armée ou l'industrie. Les explications sont nombreuses, la visite est instructive, mais aussi ludique: le dernier étage est accaparé par un terrain de jeu et un grand train électrique. Des ateliers créatifs ont lieu régulièrement.

Plus connu pour ses oeuvres d'art ou sa collection d'instruments de musique, le Musée national germanique mérite aussi un détour pour en découvrir un petit pavillon trop souvent ignoré des visiteurs et entièrement consacré à l'univers des enfants. Le premier étage est le plus impressionnant, occupé par des maisons de poupées plus hautes que les gamines en âge de s'amuser avec elles. En fait, le terme de «châteaux de poupées» serait nettement plus approprié puisque plusieurs comptent des dizaines de pièces sur quatre, voire cinq étages! La décoration a été pensée avec le plus grand soin et aucun détail n'a été laissé au hasard. Le papier peint est harmonisé à la couleur des canapés, des tapis et des meubles. Les armoires des cuisines sont remplies de couverts minuscules et d'assiettes de porcelaine délicate. On a même poussé la précision jusqu'à fabriquer des jouets pour les enfants de cire... et des maisons de poupées pour leurs poupées!

Photo: Violaine Ballivy, La Presse

Aucun détail ne manque dans cette petite maison de poupée.

Au royaume du train

À l'opposé, ce ne sont pas des modèles miniatures, mais des locomotives en format bien réel qui devraient vous attirer jusqu'au Musée ferroviaire de Nuremberg, situé juste à l'extérieur des fortifications. Le musée n'est pas à proprement parler consacré aux enfants, mais il a amplement de quoi les ravir. Ici, on ne se contente pas de regarder des objets derrière une vitre: on peut carrément grimper dans une dizaine de wagons exposés au sous-sol, des plus modernes aux plus archaïques en passant par ceux empruntés par la royauté, richement décorés de velours et d'or. Puis, histoire de rester dans l'univers du jouet, un passage s'impose au dernier étage pour admirer la collection de trains miniatures et, à la demie de chaque heure, assister à la mise en marche d'un convoi de wagons si long qu'il est actionné par un chef de gare posté derrière un tableau de bord digne des ingénieurs de la NASA qui mobilise une salle tout entière du musée. Même les grands sont impressionnés.

Un autre plaisir des yeux, méconnu, est le Musée de la culture industrielle qui fourmille d'objets fabriqués dans les industries allemandes depuis le début du siècle. Étonnamment beau à voir, oui, d'une part parce qu'on y retrouve des tas de jouets d'époque - logique, vu l'historique de Nuremberg -, mais aussi de vieilles voitures, des motos chromées et une foule de gadgets au design loufoque. La taille des premières télés ne manquera pas de surprendre les gamins habitués aux grands écrans plats et il faudra sans doute leur expliquer que la grosse cuve blanche est une machine à laver. Un condensé d'histoire bien sympathique.

Photo: Violaine Ballivy, La Presse

Ce ne sont pas des modèles miniatures, mais des locomotives en format bien réel qui devraient vous attirer jusqu'au Musée ferroviaire de Nuremberg.

Pour la suite de la route des jouets, il faudra quitter Nuremberg. Le prochain arrêt le plus proche est l'usine Faber Castell, où l'on fabrique encore les crayons à colorier, mais le parc d'attractions Playmobil - situé à moins de 15 km du centre-ville de Nuremberg - est encore plus susceptible de plaire aux enfants.

Route des jouets d'Allemagne : www.spielzeugstrasse.de/index_ eng.html

- Musée de la culture industrielle : museums.nuremberg.de/industrialculture/index.html

- Musée national germanique : www.gnm.de

- Parc Playmobil: www.playmobil.de

- Musée du jouet : www.museen.nuernberg.de

Photo: Violaine Ballivy, La Presse