Ciel couvert, légère bruine, 16 degrés... la météo est peu favorable pour une journée à Disentis, dans l'est de la Suisse, les pieds et les mains plongés dans l'eau glacée d'une rivière alpine.

Pourtant, plusieurs personnes s'y affairent pendant des heures, armées de seaux, casseroles, pelles et bottes de pêcheurs. Pour elles, le jeu en vaut la chandelle car il s'agit de trouver de l'or, le Graal des métaux précieux que l'on ne trouve pas que dans les coffres-forts de la Confédération.

Concentrés, ils répètent les gestes qu'on leur a appris mais ne recueillent bien souvent que du gravier.

«Pour trouver de l'or, il faut avoir beaucoup de patience et du temps», reconnait l'orpailleur August Brändle, qui officie en tant que guide à Disentis durant la saison d'été, de mai à octobre.

«L'or a quelque chose de magique, lorsque vous tenez un gros morceau de métal jaune dans vos mains, c'est un moment spécial», s'enthousiasme l'expert, qui en 1995 a quitté son poste dans une entreprise informatique à Zurich pour vivre sa passion dans le village alpin.

C'est en effet au bord du Rhin antérieur de cette bourgade que furent découvertes les plus grosses pépites d'or de Suisse par M. Brändle lui-même (48,7 grammes), ainsi qu'un autre orpailleur, Peter Boelsterli (123,10 grammes).

La récente envolée sur les marchés financiers des prix du métal précieux -- qui se négocie actuellement à environ 1.220 dollars l'once après un pic à 1.265 dollars en juin -- a relancé la fièvre de l'or et fait de véritables émules.

Ceux qui viennent à Disentis sont de vrais mordus de la pépite et ne s'acharnent pas pour de l'argent, explique M. Brändle, arborant fièrement une boucle d'oreille et un pendentif fabriqués avec des miettes d'or découvertes dans la rivière alpine.

«L'or que nous trouvons ici a une valeur spéciale», dit-il. Et d'expliquer: l'or que chacun trouve avec ses mains a un prix «naturellement plus élevé» que celui que l'on peut acheter sur les marchés financiers.

Chercher de l'or à Disentis est ainsi avant-tout une expérience humaine car les vraies bonnes prises restent très rares et les amateurs ne récoltent en général que quelques miligrammes.

Anton Bitter, 58 ans, conçoit ses séjours dans la ville comme une occasion de partager chaque été une passion en famille, avec ses quatre enfants.

«Mon fils dit que lorsqu'il aura trouvé assez d'or pour fabriquer une alliance, il se mariera», glisse l'homme qui tient à la main un petit tube en plastique contenant de l'eau et de la précieuse poudre dorée.

Disentis n'est pas le seul village suisse réputé pour son or. La région de Lucerne (centre) attire également nombre d'orpailleurs, en herbe ou qualifiés. Mais aucun ne parvient à vivre de ses trouvailles.

«Personne ne peut vivre avec l'or qu'il trouve ici», confirme Stefan Grossenbacher, qui s'affaire dans une rivière de la région lucernoise.

À 46 ans, il travaille dans une mine d'or en Nouvelle-Zélande en hiver, tandis qu'en été il donne des cours à des apprentis chercheurs, tel Michael Ganz.

Ce dernier profite de la journée pour revoir un ami perdu de longue date.

«Ici, nous pouvons à la fois parler et prendre du plaisir. En quelque sorte, c'est bien mieux que de jouer au football ou au tennis», explique le jeune homme.

D'autres préfèrent la solitude, comme Jean-Pierre Steiger, installé entre deux rochers. «J'ai la nature rien que pour moi. Que demander de plus ?», interroge l'homme, flanqué d'un chapeau de cow-boy rappelant les aventuriers de l'ouest américain.