Le canton suisse du Valais a plus d'un tour dans son sac. Et pas seulement avec ses excellents vins, ses raclettes et ses fondues. C'est qu'on sait aussi y jouer du coude et, surtout, de la corne.

De belles brunes grandes et racées. Uniques, rares, avec des yeux immenses. Un peu costaudes, tout de même. Et surtout, quel tempérament! Car toutes veulent devenir reine, et ne craignent pas de foncer tête baissée pour y parvenir.

 

Ces vaches, car c'est bien de cela dont on parle ici, appartiennent à la race d'Hérens, tout à fait unique au monde. Le rôle traditionnel de placide bovidé qui regarde pousser l'herbe sur les alpages, très peu pour elles. Car ces dames ont un sens inné de la hiérarchie, et s'affrontent en combats singuliers dès qu'elles en ont l'occasion pour déterminer qui dominera le troupeau.

Quelques coups de sabot au sol pour impressionner, puis commence l'affrontement à coups de cornes et de féroces tête-à-tête. Les taureaux de corridas ont l'air de gamins en comparaison. «Ça leur vient tout naturellement. C'est une race très belliqueuse, où chacune veut régner sur les autres. On leur lime les cornes pour éviter qu'elles se blessent», explique Marius Pannatier, éleveur d'Évolène, petit village traditionnel situé près de Sion.

Ces étonnants combats existent depuis presque 100 ans en Valais, et ont un succès boeuf. La bête - cette année elle s'appelle Manhattan - qui a vaincu toutes ses rivales est sacrée reine cantonale. On la décore de fleurs, elle passe à la télé, fait la joie de la Gazette des reines, un mensuel qui relate les combats, et beugle sans doute un peu à l'émission hebdomadaire que la radio locale consacre à ces confrontations qui attirent 50 000 fans bon an mal an.

Pas mal, pour un pays qui ne se bat jamais nulle part. Mais ce ne fut pas toujours le cas. Les mercenaires suisses ont longtemps été considérés comme les meilleurs au monde. Et ceux de Sion arrivaient en tête de liste. Jusqu'à ce qu'engagés dans des armées opposées ils en viennent à se tirer dessus. Des Suisses qui tuent des Suisses au profit d'armées étrangères, ça ne tenait pas la route. Exit les mercenaires.

Restent toutefois de beaux vestiges de ce passé plus tourmenté. Sion, la capitale administrative du Valais et plus vieille ville du pays, est dominée par un château aux murs crénelés et par une église-forteresse. Deux reliques du Moyen Âge, qui dominent le beau quartier médiéval de cette fort belle ville. Et qui semblent donner le même message que les reines d'Hérens: si vous nous cherchez, vous allez nous trouver!

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