En 2014, en plein milieu du second mandat de Barack Obama, Washington a été sacré ville la «plus cool» des États-Unis par le magazine Forbes. Une réputation que la capitale américaine, désinvolte et un peu nerd, n'a pas l'intention de perdre...

Ville insoumise

Il est 18 h et le toit de l'hôtel Watergate est bondé. Le soleil se couche sur le Potomac et sur la foule de jeunes professionnels qui y sont rassemblés pour le «Happy Hour», une tradition sacro-sainte de la capitale américaine.

Ici, les lobbyistes du Capitole, un peu coincés dans leurs tailleurs et habits, côtoient les journalistes et les informaticiens en jeans.

Rénové de fond en comble et rouvert l'année dernière, l'hôtel, qui a donné son nom au scandale ayant mené à la chute du président Nixon, est aujourd'hui l'un des endroits les plus courus de Washington autant pour sa scabreuse histoire politique que pour la vue imprenable sur le Potomac. 

Il est aussi l'un des symboles du statut cool de Washington. On ne parle pas ici du «cool» de la côte Ouest et de New York, mais bien d'un «cool» branché sur l'intellect et la politique.

«Washington, c'est le nerd de l'école secondaire qui devient plus attirant après la remise des diplômes. La ville et ses multiples quartiers pleins de vie sont pleins d'intellectuels et d'esprits créatifs», pense Christine Blau, rédactrice senior au National Geographic Traveler.

L'aimant Obama

Au cours des mandats de Barack Obama, des dizaines de milliers de milléniaux ont choisi de s'installer à Washington. «Chaque nouvelle administration change la donne à Washington et l'administration Obama a eu l'effet d'un aimant sur les jeunes progressistes. Ils ont trouvé de belles occasions d'emploi avec des salaires au-dessus de la moyenne et ils ont décidé de s'installer ici pour de bon», dit Christine Blau, qui vit elle-même à Washington depuis cinq ans.

Leur arrivée massive a transformé plusieurs quartiers centraux, dont celui entourant la 14e Rue et la rue U. Ou encore le corridor de la rue H. «D'abord, il y a eu les restaurants branchés et les bars, puis sont arrivés les studios de yoga, les garderies pour chiens, les collectifs créatifs, les microdistilleries et tout le reste», dit Christine Blau.

Les activités culturelles et politiques pullulent elles aussi. «Manifester à Washington, c'est un peu le nouveau brunch», dit Andy Shallal, propriétaire des librairies-cafés Busboys & Poets, qui en plus de vendre de la littérature politique, organisent quotidiennement des conférences, des concerts et des projections de films d'auteur.

L'assiette réinventée

La scène culinaire a elle aussi été profondément transformée au cours de la dernière décennie. «Nous avons maintenant notre propre communauté de chefs, qui font les choses à leur manière et n'ont pas besoin des chefs de New York pour leur donner des idées», dit en riant Warren Rojas, critique culinaire originaire de la capitale et rédacteur pour le site Eater Washington.

Parmi ses endroits préférés, on retrouve le restaurant-marché italien Centrolina, mis sur pied par la chef Amy Brandwein, née à Arlington, en banlieue de Washington. Ou encore The Dabney, un nouveau restaurant, qui propose une cuisine sur les produits hyperlocaux, produits dans les fermes entourant la capitale américaine.

Les efforts des chefs de Washington ont été remarqués par les célèbres guides Michelin. L'an dernier, 12 restaurants de Washington ont été «étoilés» pour la première fois.

«Barack et Michelle Obama étaient très consciencieux par rapport à la nourriture. Ils aimaient sortir en ville», dit Warren Rojas. Il était notamment de notoriété publique que le président démocrate est un fan du restaurant mexicain Oyamel et de son guacamole préparé directement à la table.

Et l'effet Trump?

À ce jour, personne n'a vu Donald Trump explorer la scène culinaire de la capitale. «Le seul endroit où Donald Trump mange, c'est dans le restaurant de son propre hôtel. Et il a le palais d'un enfant qui n'aime que la viande et le ketchup!», dit Warren Rojas. Ce dernier croit néanmoins que la diversité culinaire de Washington est là pour rester. «Washington n'est plus une ville limitée aux steakhouses. Cette période est révolue.»

Christine Blau est aussi convaincue que le nouveau président, qui vient de passer le cap des 100 jours au pouvoir, aura de la difficulté à façonner Washington DC à son image.

«Qui vivra verra, mais je ne pense pas qu'un seul président américain peut enlever à la ville sa nature cool et cultivée. Je pense que le coût de la vie élevé, qui a accompagné l'embourgeoisement de plusieurs quartiers, aura un plus grand impact sur les jeunes qui voudraient s'établir ici» que Donald Trump, note Mme Blau.

Une chose est sûre, en s'installant dans le quartier cossu de Kalorama, en plein centre de la capitale, Barack Obama et sa famille continueront de faire partie du tissu social de la capitale. N'en déplaise au nouveau locataire de la Maison-Blanche.

Photo Laura-Julie Perreault, La Presse

Les maisons colorées de Bloomingdale, un quartier en pleine revitalisation. On y retrouve notamment le restaurant Red Hen, l'un des meilleurs et des plus courus de la ville

Trois musées à visiter

Abritant 17 musées gratuits de la famille du Smithsonian ainsi que des dizaines de musées privés, Washington D.C. est la ville muséale par excellence. Pour profiter des meilleures adresses, c'est cependant une bonne idée de préparer son séjour. Trois incontournables.

Musée Hirshhorn

Ce musée cylindrique, conçu par l'architecte Gordon Bunshaft, fait parler de lui depuis 43 ans. Actuellement à l'affiche, l'exposition de l'artiste japonaise Yayoi Kusama est un immense succès. Dans cette oeuvre fantasmagorique de citrouilles géantes psychédéliques, on invite les visiteurs à prendre un égoportrait. Statut Facebook garanti! Ici aussi, il faut s'y prendre le plus tôt possible pour mettre la main sur un billet gratuit pour cette exposition temporaire qui se termine le 14 mai. Après cette date, le musée restera tout aussi intéressant. Le Hirshhorn est reconnu pour ses idées novatrices et son magnifique parc de sculptures.

National Mall, à l'angle d'Independence Avenue et de la 7e Rue SO.

Musée national de l'histoire et de la culture afro-américaine

Ouvert il y a moins d'un an, à la toute fin du mandat de Barack Obama, ce très populaire musée retrace l'histoire, à la fois tragique et extraordinaire, des Noirs américains. On descend au troisième sous-sol pour se plonger dans l'histoire de la traite des personnes qui a nourri l'esclavage et on remonte doucement vers la lumière en suivant les luttes des Noirs américains pour mettre fin à la ségrégation et pour obtenir les droits les plus fondamentaux. Les étages supérieurs, noyés de soleil, sont consacrés à l'immense impact des Afro-Américains sur la culture du pays. Ne visite pas ce musée d'exception qui veut. Il faut réserver bien à l'avance, en ligne, un billet gratuit indiquant une heure précise de visite (pour un billet au mois d'août, il faut réserver en mai). Chaque matin, à 6 h 30, le musée libère aussi quelques billets qui s'envolent vite.

1400, Constitution Avenue NO.

Newseum

Les médias ont la vie dure à l'ère du président Trump et ce musée privé, situé tout près de la Maison-Blanche, a pour ambition de rappeler le plus souvent au chef d'État américain l'importance de la liberté de la presse dans son pays. Sur plusieurs étages, dans un espace aérien avec vue imprenable sur le Capitole, le visiteur est invité à revisiter l'histoire des nouvelles à travers les temps, certains des plus grands événements qui ont marqué l'histoire du monde (on y trouve l'antenne du World Trade Center détruite dans l'attentat du 11-Septembre) et toutes les photos de presse couronnées d'un prix Pulitzer. On nous invite aussi à expérimenter de récents reportages produits en réalité virtuelle. Pour les mordus d'information, prêts à payer 24,95 $ US plus taxes pour une visite.

555, Pennsylvania Avenue NO.

PHOTO REUTERS

L'exposition de Yayoi Kusama fait courir les foules au musée Hirshhorn. Ci-dessus, l'oeuvre de l'artiste japonaise intitulée Dots Obsession - Love Transformed Into Dots, ou L'obsession des points - l'amour transformé en points [traduction libre].

De bonnes adresses

Quatre endroits où profiter du côté cool de Washington.

Flâner

Tout nouveau et tout beau, l'Union Market est un bel endroit où flâner les fins de semaine. Près de 40 restaurateurs se retrouvent sous un seul toit. L'été, des films sont présentés en plein air. Si vous avez votre tapis de yoga, vous pouvez assister à un des nombreux cours gratuits.

1309, 5e Rue NE

Manger

Au milieu du quartier historique de Bloomingdale, en pleine revitalisation, le Red Hen sert une cuisine italienne réinventée et festive. Il est difficile d'y avoir une table, mais en se pointant tard, on peut plus facilement se dénicher une place autour du grand bar.

1822, 1re Rue NO, Washington DC

Photo tirée du site web du marché

L'Union Market regroupe près une quarantaine de restaurants, notamment.

Lire

La librairie Politics & Prose est une véritable institution à Washington. Des auteurs de renommée internationale y font des conférences presque tous les jours et, au temps d'Obama, le président visitait fréquemment ce temple des livres, notamment pendant le week-end de l'Action de grâce américaine.

5015, avenue Connecticut NO.

Danser

Danser le tango en plein air avec la coupole du Capitole comme principal décor: c'est ce que font des dizaines de couples tous les dimanches à la Freedom Plaza. On y va pour pratiquer ses pas ou pour se laisser bercer par les airs de Piazzolla.

À l'angle de la 14e Rue et de l'avenue de Pennsylvanie, les dimanches, à partir de 19 h.

Photo archives Associated Press

Barack Obama et sa fille Malia (à l'arrière-plan) dans la librairie Politics & Prose, en 2014.