En rupture avec la culture du renouvellement et leur obsession pour l'avenir, les New-Yorkais veulent désormais du vieux, de l'authentique, et se plongent dans l'histoire de la ville grâce aux musées, applications mobiles et aux tendances immobilières.

Le musée de la ville de New York, la New York Historical Society ou la Brooklyn Historical Society ont tous enregistré, ces derniers mois, des records de visiteurs, malgré la concurrence féroce dans le paysage culturel new-yorkais.

« Big Apple » est aussi plus que jamais une ville de tendances et de nouveauté, dans laquelle une file d'attente de 50 mètres peut se former spontanément pour un bagel multicolore à la mode et où, chaque année, s'ouvrent plus de cent restaurants, dont 80 % fermeront dans les cinq ans.

Mais depuis dix ans, « nous sommes devenus une ville très différente », estime Louise Mirrer, PDG de la New York Historical Society, le plus vieux musée de la ville.

Passé rassurant

« Beaucoup de gens ont commencé à dire : c'est trop, nous devons geler notre histoire et la préserver », dit-elle, « pour que les générations futures sachent ce qui s'est passé dans ce quartier ou sur ce pâté de maisons. »

Dans cet esprit, la bibliothèque de New York a lancé, en 2015, une application (oldNYC), devenue un succès, qui permet d'accéder à des photos anciennes de presque chaque rue de Manhattan et de comparer avec leur allure actuelle.

L'envie des New-Yorkais de s'imprégner du passé se traduit jusque dans l'immobilier, selon Jonathan Miller, de l'agence Miller Samuel.

Car New York reste une ville de bâtisseurs, où des forêts de gratte-ciel fleurissent désormais jusque dans le Queens et Brooklyn. Au bord de la rivière Hudson pousse ainsi actuellement le plus grand projet immobilier privé de l'histoire des États-Unis, Hudson Yards, avec son 1,6 million de mètres carrés.

Mais si l'appétit pour le neuf ne se dément pas, de plus en plus de projets intègrent, dans leur conception, des éléments architecturaux du passé, observe M. Miller.

« Les nouvelles constructions ont plus de détails, d'ornements, de plus grandes fenêtres, de hauts plafonds », décrit-il, autant d'éléments inspirés du style « Pre-War » qui a façonné New York de la fin du XIXe siècle jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.

« Les gens sont à l'aise avec le passé », dit-il. « Ce n'est plus étranger à leur vie. »

L'accélération de la société, favorisée par internet en général et les réseaux sociaux en particulier, et l'importance donnée à l'instant incite beaucoup à prendre une autre mesure du temps, à travers l'histoire.

« C'est rassurant pour les jeunes de savoir que certaines choses sont constantes dans la vie », explique Louise Mirrer.

« Connecter passé et présent »

« Il n'y a pas de relation fixe entre New York et son passé », avance Sarah Henry, directrice adjointe du musée de la ville de New York, pour qui les regains d'intérêt interviennent « dans des moments de stress ou de crise ».

Le début du XXe siècle, l'après 11-Septembre, la crise financière de 2008, sont autant de périodes qui ont poussé les New-Yorkais à se retourner, rappelle-t-elle.

« Dans l'histoire, (les New-Yorkais) cherchent, des explications », dit-elle, « des réponses à un monde qui a l'air confus et très incertain, différent de ce qu'ils se souviennent de leur vie »

Une impression qui, selon Sarah Henry, a été renforcée par la récente élection de Donald Trump.

« À une époque de grand débat national et de controverses, les gens apprécient de pouvoir accéder aux faits et à notre histoire », dit-elle, pour « être mieux informé sur ce dont nous venons et ce vers quoi nous allons ».

« Notre mission est de connecter le passé au présent », résume-t-elle, une philosophie active, assez nouvelle et partagée par beaucoup de musées, à New York, mais aussi au-delà, selon elle.

Dans son rapport au temps, le musée aide l'homme à réexaminer régulièrement son passé, explique Deborah Schwartz, présidente de la Brooklyn Historical Society, en « liant l'histoire à des sujets contemporains ».