En Floride, ce n'est pas tout que de faire l'étoile sur la plage, de la planche à rame, ou le tour des musées. Une fois le moment de s'attabler arrivé, force est de constater qu'un virage gastronomique est en train de se négocier sur la côte ouest de «l'État ensoleillé», particulièrement à St. Pete. Au coeur de cette vague de renouveau : les produits locaux.

Ça coupe, ça hache, ça mitonne dans tous les sens. Devant, des flammes se dressent alors qu'un filet de pompaneau atterrit sur le gril.

Derrière, ça fume également, mais à une température diamétralement opposée : des crèmes glacées Nitro, refroidies à l'azote, émergent d'une étrange machine. Non loin, un boucher expose ses saucisses d'alligator. Derrière la vitre d'une chambre froide, 196 lb de viande séchée de ranchs du coin. À l'étage, des chocolats extravagants confectionnés à Clearwater. Partout, des murs d'épices, des salades de poulpe grillé, des jus de légumes frais. Bref, une avalanche de produits les plus divers, mais avec au moins un point commun : ils proviennent des producteurs les plus proches possible.

Il n'aura pas fallu mijoter longtemps un nom de baptême pour ce marché flambant neuf, inauguré en décembre dernier au coeur de St. Petersburg : Locale Market. Tout est dit. Tout est cuit.

Né dans l'esprit des grands chefs Michael Mina et Don Pintabona, ce petit paradis pour gourmets exhibe 11 cuisines ouvertes spécialisées, dont les menus changent mensuellement.

« Nos produits locaux sont habituellement exportés ou vendus ailleurs aux États-Unis. Notre objectif, c'est de les garder autant que possible ici », explique Jeff Houck, directeur du marketing du marché. « C'est également ce qui attire les visiteurs. Lorsque l'on se rend dans un nouvel endroit, chercher à goûter la gastronomie locale est devenu un réflexe de plus en plus courant », poursuit-il, précisant que 90 % des poissons présentés sont issus de la pêche floridienne.

C'est avec hâte que l'on gagne les tables à l'étage ou la terrasse climatisée. Sur le menu à l'accent italien prononcé (tagliatelles au safran et palourdes, malfatti, charcuteries méridionales...), voilà qu'on nous refait le coup : les bières sont classées de la brasserie la plus proche à la plus lointaine - et on précise même la distance !

Les bières ? Précisément un autre domaine dans lequel le local se fait valoir. Au cours des quatre dernières années, les microbrasseries sont passées d'une poignée à quelque 17 marques. Dunedin, 3 Daugthers, Rapp Brewing, Green Bench et tant d'autres ont copieusement garni les ardoises des bars de Central Avenue - lieu de concentration de la vie nocturne.

Photo Sylvain Sarrazin, La Presse

VAGUE DE RESTOS

Les restaurants du coin ne sont pas en reste, et beaucoup d'entre eux savent tirer profit des offrandes de la mer. Les palourdes, le crabe, le thon rouge, l'espadon se faufilent dans les assiettes, apprêtés avec délicatesse. Chez Sea Salt, on vous propose de saupoudrer poissons ou fruits de mer au moyen de trois sels distincts. Et c'est peu dire que d'ajouter une pincée de sel noir indien (aux intenses effluves de soufre) sur d'imposants pétoncles grillés fut une expérience des plus déroutantes.

Comme les microbrasseries, les restos ont abondamment fleuri dans le secteur. « Avec la crise de 2006-2007, beaucoup de gens ont perdu leur emploi et cela les a forcés à créer des entreprises, notamment dans le domaine de la restauration, rappelle Jeff Houck. À Tampa, beaucoup de steak houses se sont établis, tandis que St. Pete est plutôt allé explorer du côté des produits de la mer. Cette émergence de nouveaux restaurants n'est pas née d'un esprit de concurrence, mais plutôt d'un essor organique le long de Central Avenue, impulsé par la présence de nombreux artistes, attirés par les nouvelles tendances culinaires. »

Photo Sylvain Sarrazin, La Presse

Côté plage également, on suit la cadence. À St. Pete Beach, au restaurant Rumfish Grill, on ne sait plus sur quel poisson miser, tant la carte s'étire. Et on y joint l'utile à l'agréable en y suggérant aussi de la rascasse (lion fish). « C'est une espèce qui est devenue invasive au cours des dernières années, alors nous contribuons à réduire les dégâts en la portant au menu », nous explique-t-on, alors que l'on laisse la chair blanche finement préparée envahir notre palais.

En guise de dessert conclusif... une entrée, mais pas des moindres : les croquettes d'alligator ! Aux accents légèrement sauvages, elles présentent une saveur subtile et agréable. Dégustées au restaurant The Hurricane, à Pass-A-Grill (au sud de St. Petersburg), elles s'apprécient nappées de la plus succulente des sauces : un soleil au rouge ardent plongeant directement dans la mer. Un ingrédient que Miami, sur la côte Est, ne pourra jamais revendiquer.

Les frais de ce voyage ont été payés par Visit St. Petersburg Clearwater et Visit Florida.

Photo Sylvain Sarrazin, La Presse