Nulle ville n'incarne les États-Unis comme Detroit. Berceau de l'industrie automobile américaine, elle a conservé du faste industriel une architecture riche et ambitieuse. Capitale de la voiture, Detroit est aussi une catastrophe urbaine et sociale. L'émergence des banlieues a accéléré une forme de ségrégation raciale qui perdure encore aujourd'hui. Mais son coeur bat toujours. Et mérite grandement qu'on s'y intéresse.

Au fil des années, Detroit s'est vidé de ses habitants: 700 000 personnes vivent dans une ville qui comptait, dans les années 50, plus de 1,8 million de résidants. Aussi suffit-il de poser le pied à Detroit pour constater que la ville a connu des jours meilleurs.

Pourtant, le coeur de la ville continue de battre, entre abandon et renaissance.

Ce contraste se voit sur les grandes artères, comme Michigan Avenue. Avec ses six voies très larges et peu fréquentées, elle conduit en plein coeur du centre-ville.

En bordure, les immeubles abandonnés sont nombreux. Parmi eux, la Michigan Central Station, carcasse gigantesque et fantomatique, qui semble pourtant veiller encore sur la ville.

Pourtant, le quartier local, Corktown, connaît un petit «boom» gastronomique.

Ainsi, le Slows Bar B Q est l'une des adresses courues du coin. On y va pour siroter une bière (sur la terrasse, si le temps le permet), pour déguster des côtes levées, du porc effiloché ou de la dinde fumée. Une cuisine riche et fidèle aux traditions du grill américain.

Non loin de là, c'est dans un ancien entrepôt abandonné que Ben Newman a choisi d'ouvrir le Detroit Institute of Bagels, il y a moins d'un an. Nous ne sommes qu'à quelques centaines de mètres de l'emplacement du défunt Tiger Stadium, aujourd'hui un terrain vide, bordé par une grille, vestige des temps anciens.

«Je faisais mes bagels chez moi, pour les vendre au Eastern Market. On a décidé de tenter notre chance», explique Ben Newman. Le jeune homme originaire de Detroit a transformé pour son institut de bagels un édifice laissé à l'abandon pendant de longues années.

«Made in Michigan»

Après la récession de 2009, Detroit a vu apparaître un peu partout des entrepreneurs soucieux de stimuler les papilles de leurs clients.

Il suffit de faire un tour au Eastern Market, tout près du centre-ville, pour constater pleinement la richesse des produits «made in Michigan». Fondé en 1891, le marché public, qui occupe tout de même six coins de rue, a été retapé tout récemment et subit actuellement des travaux d'agrandissement.

C'est un succès, et le marché est l'une des activités chouchou des habitants de Detroit: près de 250 exposants s'y retrouvent la fin de semaine et le mardi.

On peut y respirer, y goûter, y boire la ville.Ainsi, on y trouve des torréfacteurs de Detroit, ses restaurateurs et ses agriculteurs urbains, l'une des marques de commerce de la ville.

Le marché est aussi l'un des endroits les plus mixtes de la ville. Blancs et Noirs s'y côtoient, tout comme les familles urbaines, les personnes âgées et les gens moins nantis.

Contrairement aux idées reçues, il ne faut pas avoir peur de se promener pour découvrir des petits trésors, comme le café, restaurant et galerie d'art Trinosophes, ouvert il y a quelques mois et situé à un jet de pierre du marché.

Slows Bar B Q

2138, Michigan Avenue

slowsbarbq.com

Detroit Institute of Bagels

1236, Michigan Avenue

detroitinstituteofbagels.com

Detroit en bref

Detroit a été fondé au début du XVIIIe siècle par des Français. La ville connaît un premier essor au cours du XIXe siècle, puis au XXe siècle grâce à l'industrie automobile.

À son apogée, la ville compte plus de 1,8 million d'habitants. Mais les tensions raciales se font sentir dès les années 40 et culminent avec les émeutes de 1967, qui restent, avec plus de 40 morts et 460 blessés, les plus meurtrières de l'histoire des États-Unis. Ces tensions accentuent l'exode des classes moyennes, qui préfèrent la banlieue.

Les premières usines automobiles ferment dès la fin des années 50, mais le déclin s'accélère avec la première crise pétrolière de 1973.

Aux prises avec de nombreux problèmes sociaux, vidé d'une grande partie de ses habitants, Detroit connaît de nouvelles difficultés lors de la récession de 2008, et se place en 2013 sous la protection de ses créanciers.

À VOIR

> Detropia, un documentaire sorti en 2012 qui relate l'histoire de Detroit. On peut le voir sur Netflix.

detropiathefilm.com

> On peut aussi visionner le documentaire Requiem for Detroit ici: documentaryheaven.com/requiem-for-detroit