Faire du kayak dans le delta Mobile-Tensaw, dans le sud de l'Alabama, c'est un peu comme faire du kayak aux îles de Boucherville. À une ou deux différences près: au lieu de voir des castors, on voit des ragondins. Et au lieu d'apercevoir des ouaouarons, on aperçoit des serpents venimeux et des alligators. Ça rend la balade quelque peu excitante.

Le delta Mobile-Tensaw comprend cinq rivières: l'Apalachee, la Spanish et la Blakeley s'ajoutent aux rivières Tensaw et Mobile. Avec l'argent des taxes provenant de l'exploitation pétrolière dans le golfe du Mexique, l'Alabama a créé le 5 Rivers Delta Resource Center à Fort Spanish, un centre d'information et d'éducation à une douzaine de kilomètres à l'est de Mobile. Un concessionnaire, Delta Safaris, offre diverses excursions en bateau et en kayak pour explorer l'endroit.

À peine sur l'eau, Chris, notre guide, attire notre attention sur un secteur où la végétation semble ravagée. C'est la faute du ragondin, une sorte de gros rongeur aquatique qui mange la racine des végétaux et laisse le reste pourrir. Le ragondin n'est pas une espèce locale, mais sud-américaine. Il a été introduit dans le sud des États-Unis pour sa fourrure, presque aussi belle et épaisse que celle du castor. Mais voilà, il se reproduit à une vitesse folle et dévaste son habitat, ce qui nuit aux espèces locales.

Heureusement, le delta a le parfait prédateur sous la main: l'alligator.

Pendant longtemps, ce reptile a été en danger d'extinction dans la région en raison d'une chasse débridée et de l'empoisonnement à l'insecticide DDT. Mais des mesures ont été prises pour le protéger et limiter l'usage du DDT. Et voilà, l'alligator est revenu en force et croque maintenant du ragondin pour son petit-déjeuner.

Malheureusement, il fait particulièrement froid en cette matinée d'hiver et les belligérants sont demeurés dans leurs terriers respectifs.

Chris nous raconte toutefois tout ce qu'il faut savoir sur ces animaux. Comme le fait que l'alligator se cache dans la vase pendant les grands froids en s'enfonçant queue en premier. Donc, si on voit un trou, il est préférable de ne pas y mettre la main...

Vous avez dit poule d'eau?

Les oiseaux sont toutefois au rendez-vous: de grands hérons, des aigrettes, des cormorans. Et un drôle d'oiseau noir à l'oeil rouge. Dans son anglais teinté d'un bel accent du Sud, Chris indique qu'ici, on appelle cet oiseau le «pooldoo». Ce sont les Cajuns qui lui donnaient ce nom, ils l'utilisaient notamment dans leur gombo (un plat traditionnel), explique-t-il.

Bien sûr! La poule d'eau! Qu'on connaît bien grâce au roman de Gabrielle Roy! Le foulque d'Amérique (son nom officiel) n'est toutefois pas particulièrement sympathique, poursuit Chris. Comme la poule d'eau sait qu'elle ne peut pas prendre soin de toute sa progéniture, elle identifie ses préférés (les plus robustes) et écarte les autres à coups de bec, puis les laisse mourir de faim. Le poussin poule d'eau a donc intérêt à être le chouchou de sa maman.

Les poules d'eau sont toutefois timides et s'envolent à notre approche.

Chris assure que les serpents aussi sont timides. C'est une bonne nouvelle. Sur les 49 espèces de serpents du delta, 6 sont venimeuses, dont la vipère cuivrée, le serpent corail et le mocassin d'eau.

Ces reptiles ne nous embêteront pas à bord de nos kayaks, mais si nous mettons pied à terre, nous avons avantage à ne pas leur marcher dessus par inadvertance.

La balade en kayak se fait sans incident. Nous terminons la visite au centre d'interprétation du 5 Rivers Delta Resource Center, où nous admirons quelques serpents dans des vivariums. Ils sont merveilleusement beaux... sous verre.

Information: 5rds.com