Chaque année, les Québécois visitent en grand nombre les plages de la Caroline-du-Nord, en quête de courants marins chauds. Peu d'entre eux explorent l'arrière-pays, où des centaines de musiciens convergent pourtant en toutes saisons pour un pèlerinage dans la contrée du bluegrass. Une fête permanente à laquelle tous sont conviés.

Le bar Jack of the Woods d'Asheville grouille de monde. L'horloge indique 21h. Rapidement, les spectateurs se rapprochent de la scène. Le temps de le dire et le joueur de banjo fait entendre une rapide succession de notes, à la manière d'Earl Scruggs, le père du bluegrass - c'est-à-dire avec trois doigts. Tout le monde bat du pied. La soirée vient de commencer.

«Asheville aurait dû être Nashville, lance avec assurance Laura Boosigner, joueuse de banjo qui est tombée en amour avec la musique du coin en venant faire ses études dans cette petite ville des Appalaches au milieu des années 70. Seulement voilà, à cause des montagnes, la ville était trop isolée à l'époque.»

L'époque en question, c'est celle des débuts de la radio, dans la première moitié du XXe siècle, qui a fait rayonner la musique des collines de la Caroline partout aux États-Unis et dans le monde.

«Ici, la musique c'est d'abord une histoire de famille, poursuit Mme Boosigner. On se la transmet de père en fils et de mère en fille depuis des générations.»

La musique de montagne, comme l'appelle Mme Boosigner, est née de la rencontre d'un instrument venu d'Afrique avec les esclaves - le banjo, qui serait originaire du Sénégal - et de la tradition musicale des immigrants irlandais et écossais. L'isolement et la transmission familiale ont fait le reste. Le bluegrass et le country ont puisé leur matière première dans ce riche mélange.

Si les studios d'enregistrement ont choisi de s'installer au Tennessee, donnant naissance à une industrie colossale, Asheville n'a pas renoncé à faire de la musique pour autant. Les petits bars où des musiciens montent sur scène chaque soir, ou presque, pullulent dans le centre-ville. On y présente de la musique de montagne, bien sûr, mais aussi du folk en tous genres, des auteurs-compositeurs, du jazz et du rock.

Et les banjos, violons, contre-basses et guitares font aussi entendre leurs accords hors des bars. Chaque jeudi soir depuis 1947, par exemple, Nelia Hyatt invite les musiciens à jouer dans son «garage». Une vingtaine de musiciens s'y donnent en général rendez-vous, et les amateurs viennent nombreux, une petite bouteille dans leur sac.

Des rassemblements du genre, on en trouve aussi au Old Fort Mountain Music, rue Main, à Old Fort tous les vendredis soir, au Barber Shop de Drexel les jeudis, vendredis et samedis après-midi. L'entrée est libre.

Reste que c'est en plein été que la culture musicale d'Asheville brille le plus, portée notamment par le festival Shindig On The Green. «On présente chaque samedi soir un concert de musique traditionnelle dans le parc Pack - la place centrale, bordée de jolis immeubles Art déco -, explique Mme Boosigner. Mais partout en ville, de petits groupes se forment ici et là pendant la journée et proposent à la foule d'entendre toutes sortes de musiques. La ville devient une immense salle de spectacles à ciel ouvert.»

Le festival s'amorce samedi prochain et se poursuivra jusqu'au 3 septembre.

Si vous êtes de passage à Asheville, faites un petit arrêt au centre des visiteurs du Blue Ridge Parkway, la très belle route panoramique qui passe tout près. Vous y trouverez des renseignements sur les des dizaines de manifestations musicales qui auront lieu dans les rues, les bars, les parcs et les fermes de la région tout l'été.

Musiciens comme spectateurs viennent d'aussi loin que New York et Chicago pour profiter de la musique au grand air frais des montagnes. Et chaque année, raconte-t-on, un certain nombre d'entre eux tombent sous le charme et s'installent à demeure.

Infos: www.exploreasheville.com et blueridgeheritage.com

Les frais de voyage de ce reportage ont été payés par Travel South.

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Shelby

La petite ville de Shelby, à 1h30 de route d'Asheville, a misé sur la culture de montagne pour relancer son économie. Ancien centre de production de coton, la ville a connu des jours meilleurs, comme en témoignent quelques demeures aussi grandioses que délaissées, à l'instar de la Banker's House, construite au milieu du XIXe siècle et devenue, après un don, le bureau du maire. Elle doit être restaurée sous peu. En attendant, on peut la visiter sur demande.

L'ancien tribunal du comté de Cleveland, au coeur du village, deviendra quant à lui l'an prochain le Earl Scruggs Museum, du nom du célèbre joueur de banjo qui a fait le connaître le bluegrass partout dans le monde grâce à sa technique à trois doigts. L'endroit comptera une exposition permanente sur les origines de cette musique qui gagne en popularité. Dans l'ancienne salle d'audience, J.T. Scruggs, neveu du musicien et président du musée, souhaite organiser des soirées musicales.

Le comité de relance du comté a déjà mené avec succès la restauration d'un ancien cinéma, devenu le Don Gibson Theatre, en l'honneur de ce grand nom du country. La salle de 400 places ouverte depuis 2009 a déjà accueilli Marianne Faithfull.

On trouve aussi, rue Lafayette, près du tribunal, des boutiques et des restos, dont le Shelby Café, où l'on peut goûter la spécialité locale, le Liver Mush, sorte de chair à saucisse faite de foie de porc. Les curieux peuvent demander le «Mayor's Special» (omelette au Liver Mush servie dans un pita grec) sans avoir peur d'être trop dépaysés. Végétariens s'abstenir.

Simon Chabot, La Presse

Shelby, Caroline du Nord

Biltmore

En 1895, après avoir fait fortune à New York, avec ses traversiers et ses chemins de fer, George Vanderbilt s'est fait construire à Asheville un domaine digne des plus grands châteaux européens. Au milieu d'un domaine de 500 km2, la somptueuse demeure est toujours à ce jour la plus grande résidence privée du pays. Le domaine est ouvert aux visiteurs depuis 1930. La visite (payante) d'une soixantaine de ses 250 pièces montre l'ampleur de la richesse des Vanderbilt. Salle à manger grande comme une église (orgue compris), bibliothèque de 10 000 ouvrages, tapisseries hollandaises, meubles Louis XIV, etc. Le sous-sol abrite de magnifiques cuisines et garde-manger. Et le vignoble de la maison produit des millions de bouteilles, dont une grande partie avec les raisins qui poussent aux alentours. Aller à Asheville sans passer par Biltmore? Aussi bien aller au Caire sans voir les pyramides....

fournie par Biltmore Estate

Biltmore, la plus grande résidence privée des États-Unis

Capitale de la microbrasserie

Asheville doit sa réputation à la musique... mais pas seulement.. La ville de 75 000 habitants se targue en effet de la présence d'une dizaine de microbrasseries sur son territoire. Les bières qu'elles brassent sont vendues dans plusieurs des nombreux restaurants qui ont pignon sur rue en ville. De la Milk Stout, à l'India Pale Ale en passant par des rousses aux parfums écossais, l'offre est très variée et goûteuse. À des lieues des insipides Milwaukee Dry et Bud Light...

fournie par Asheville CVB

Asheville compte des dizaines de restaurants, dont beaucoup servent les bières des microbrasseries locales.