Si on vous dit «Allons manger à New York», vous penserez probablement aux grands restaurants ultrachics de Manhattan ou aux casse-croûte mobiles qui font le charme des rues chaotiques de la ville et permettent de manger pour quelques dollars. Mais des bistrots de quartier, on déniche ça où? Les boucheries artisanales, les épiceries remplies de produits régionaux, les petits ouvriers des métiers de la bouche: où les trouve-t-on entre les Starbucks en chaîne et les tables pour millionnaires? Ils sont à l'extérieur de Manhattan, du côté de Queens et surtout de Brooklyn, nous raconte notre chroniqueuse Marie-Claude Lortie, qui revient d'un voyage dans le ventre de New York.

Si vous êtes allé à New York récemment, vous êtes peut-être passé par le Meatpacking District, un nouveau quartier à la mode du sud-ouest de Manhattan, qui a été retapé d'un bout à l'autre depuis une dizaine d'années.

Traversé par le magnifique parc suspendu Highline, le Meatpacking est un endroit charmant pour faire du shopping ou prendre des cocktails. Mais si vous cherchez une boucherie entre les hôtels super design, les restaurants à la page et les boutiques Stella McCartney, Diane Von Furstenberg ou Helmut Lang, bonne chance.

Cette ancienne zone de déchargement des viandes destinées aux tables de la ville ne porte pratiquement plus de tablier.

Par contre, si vous cherchez de la viande de grande qualité et une boucherie qui reçoit encore des bêtes pratiquement entières pour ensuite les découper sur place, on vous dirigera probablement vers le Meat Hook, à Williamsburg, un comptoir spécialisé qui fait beaucoup parler de lui et qui est installé à l'intérieur du Brooklyn Kitchen, un mini-marché où l'on trouve autant de la «ginger ale» au gingembre frais que des verdures sauvages ou bios.

Oui, à New York, la nouvelle Mecque des foodies est de l'autre côté des ponts.

Photo: Ivanoh Demers, La Presse

Le diner M. Wells, de Sarah Obraitis et du chef québécois Hugue Dufour.

Brooklyn surtout. Queens de plus en plus.

La semaine dernière, par exemple, dans sa liste des adresses «valant le voyage» en 2011, le New York Times n'a pas identifié une seule adresse de Manhattan. Par contre, entre les tables de Barcelone, Menton ou Sydney, on retrouvait le M. Wells, un nouveau restaurant de Long Island City, à Queens, tenu par Sarah Obraitis et son mari, Hugue Dufour, ancien bras droit de Martin Picard au Pied de cochon de Montréal.

Avec son menu abordable et hautement savoureux que les Américains décrivent comme «néo-Québécois», le M. Wells est à l'image de tout le nouveau développement gourmand des faubourgs new-yorkais: créatif, accessible et à la recherche d'authenticité, surtout du côté des produits. Comme l'autre figure de proue de cette transformation: Frankies Spuntino, un restaurant italien de Caroll Gardens, aussi à Brooklyn, qui propose une table moderne mais chaleureuse aux amateurs de vraie gastronomie italienne et dont le livre de cuisine - qui porte le même nom que le restaurant - fait actuellement un tabac.

Photo: Ivanoh Demers, La Presse

Le restaurant The Breslin de la chef April Bloomfield

L'anti-industriel-chromé

Qu'on aille acheter du vin chez Uva - spécialisé côté vignerons bios et nature - ou qu'on aille faire son épicerie à la magnifique épicerie-boucherie Marlow and Daughters, à Williamsburg, remplie de petits produits artisanaux, régionaux, naturels, anti-industriels, ce nouveau New York gourmand hors Manhattan est tout sauf clinquant façon 5e Avenue.

À la place, on a l'impression de retrouver le New York du milieu du siècle dernier, celui rempli de commerces fondés par des Américains de toutes les origines pour les papilles de leur communauté. Ce New York où la nourriture n'arrivait pas préemballée d'usines lointaines, mais de fermes situées dans la campagne environnante.

Ce mélange de nostalgie rétro et de quête de vrai donne lieu à des restaurants axés sur la cuisine réconfort, comme Pies and Thighs (aussi à Williamsburg), où les cuisses de poulet frites et le macaroni au fromage nous plongent directement dans la cuisine familiale du Sud américain. On pense aussi à Vinegar Hill House, dans Vinegar Hill - juste au nord d'un quartier plus connu appelé DUMBO, lui aussi à Brooklyn - qui sert une cuisine conçue pour présenter le plus directement dans l'assiette des produits de la ferme venus de tout près. Autre option: Marlow and Sons, sur Broadway, à Williamsburg, le resto frère de la petite épicerie...

Ou alors, on part vers Corona, dans Queens, où les foodies ont adopté le petit Nixtamal, restaurant mexicain soigné ultraconvivial, doté de sa propre immense machine pour fabriquer les tortillas. Plus artisanal que ça...

Photo: Ivanoh Demers, La Presse

Les cornichons du Mile End Brooklyn à Boerum Hill.

Artisanal au cube



En plus des bons restaurants et des petits commerces, Brooklyn et maintenant aussi de plus en plus Queens , sont devenus aussi de nouveaux centres de transformation alimentaire pour petites et moyennes entreprises. Au lieu d'aller chercher leurs confections au bout du monde, écologie oblige, les New-Yorkais veulent en effet consommer «local». Mais comment faire cette production si le moindre centimètre carré coûte une fortune à Manhattan? On se déplace à l'extérieur, mais pas trop loin.

Ainsi, les cuisines du chocolatier français Jacques Torres sont à DUMBO, avec boutique adjacente. Et à Williamsburg, les frères Mast torréfient eux-mêmes leurs propres fèves de cacao importées et triées sur le volet pour en faire un exquis chocolat - essayez celui du Venezuela - emballé à la main.

Et au Blue Bottle, café venu de San Francisco, on retrouve la même orthodoxie. Brûlerie sur place, produits impeccables, préparation soignée. Atmosphère sérieuse. Le clou de notre visite: du café filtré pendant 12 heures, goutte par goutte, servi froid, évidemment...

Oh, et vous a-t-on mentionné que chez Mile End Brooklyn, à Boerum Hill, on sert un excellent «smoked meat» à la montréalaise, fumé sur place?

Photo: Ivanoh Demers, La Presse

Les chocolats artisanaux des Mast Brothers à Williamsburgh.

Transport facile

Pour les voyageurs habitués à la proximité de tout à Manhattan, visiter les boroughs extérieurs peut sembler compliqué. Surtout que le Brooklyn des foodies n'est plus dans le quartier maintenant hyper gentrifié de Park Slope. Mais les New-Yorkais, encore plus que les touristes, se déplacent en transports en commun. On n'est pas dans l'Amérique des centres commerciaux partout et des voitures à toutes les sauces. M. Wells, par exemple, est à deux pas d'une station de métro. D'ailleurs, la plupart des zones développées par les gourmets et gourmands sont proches de stations de métro. Le reste se fait à pied. Aisément. Et délicieusement.

QUELQUES ADRESSES

Restaurants

M. Wells

21-17, 49th Ave., Queens, 718-425-6917, mwellsdiner.com

Frankies Spuntino

457, Court St., Brooklyn, 718-403-0033, frankiesspuntino.com

Vinegar Hill House

72, Hudson Ave., Brooklyn, 718-522-1018, vinegarhillhouse.com

Mile End Brooklyn

7A, Hoyt St., Brooklyn, 718-852-7510, mileendbrooklyn.com

Marlow and Sons

81, Broadway, Williamsburg, Brooklyn, 718-384-1441 marlowandsons.com

Nixtmal

104-05, 47th Ave, Corona, Queens, 718-699-2434 tortillerianixtamal.com

Épicerie et compagnie

Boucherie et épicerie

Meat Hook au Brooklyn Market

100, Frost St., Brooklyn, 718-349-5033, the-meathook.com

Chocolatier Mast Brothers

105A, North 3rd St., Brooklyn, 718-388-2625 mastbrotherschocolate.com

Boutique de vin Uva

199, Bedford Ave., Brooklyn, 718-963-3939, uvawines.com

Boucherie et épicerie Marlow and Daughters

95, Broadway, Brooklyn, 718-388-5700 marlowanddaughters.com

Café

Blue Bottle

160, Berry St., Brooklyn, 718-387-4160, bluebottlecoffee.net

Photo: Ivanoh Demers, La Presse

La boucherie Marlow and Daughters